Le concept de Distributions de Partons Généralisées (GPD) s’est avéré dès son introduction un outil performant pour l’étude de la structure des protons et neutrons (nucléons). Les quarks et les gluons, désignés sous le terme de partons, sont les constituants élémentaires du nucléon et sont soumis à l’interaction forte. Un des enjeux de la physique moderne consiste à reconstruire les caractéristiques bien connues des nucléons (masse, spin, etc.) à partir des propriétés fondamentales de leurs constituants élémentaires. Le Service de Physique Nucléaire de l’Irfu est un des acteurs majeurs au niveau mondial des études théoriques et expérimentales des GPD. Ces distributions, accessibles au travers de réactions exclusives (où toutes les particules de l’état final sont détectées) à haute énergie, rendent possible une représentation tridimensionnelle du nucléon. C’est une fenêtre ouverte sur la dynamique quantique et relativiste de particules assujetties au confinement, une des caractéristiques essentielles et encore énigmatiques de l’interaction forte. En outre, la connaissance des GPD permettra de clarifier de manière définitive l’origine du spin du nucléon.
L’une des caractéristiques fondamentales des GPD est leur universalité. En effet , un grand nombre de processus tels que la diffusion Compton profondément virtuelle (DVCS) ou encore la production exclusive dure de mésons (DVMP) peuvent être décrits théoriquement par la factorisation de deux contributions : La première relève des courtes distances et est aujourd’hui calculable en Chromodynamique Quantique. Elle dépend du processus expérimental considéré. La seconde concerne les longues distances et est universelle. Elle est paramétrée en première approximation par quatre GPD pour chaque type de partons. Cette information sur la structure des nucléons n’est pas encore calculable à partir des premiers principes théoriques. Vérifier expérimentalement l’universalité des GPD est absolument crucial. Cela revient à montrer que les GPD extraites des mesures sont bien des propriétés intrinsèques du nucléon, et non des quantités dépendant des différents processus exclusifs considérés.
Prédiction de notre modèle (en vert) pour diverses observables liées au processus de diffusion Compton profondément virtuelle (DVCS) mesurées auprès de H1, ZEUS, HERMES ainsi que dans les Halls A et B de Jefferson Lab. L’accord est remarquable, sachant que ces données n’ont pas été utilisées pour ajuster ce modèle.
C’est cette universalité des GPD que nous avons récemment mise en évidence en collaboration avec l’université de Wuppertal par l’interprétation phénoménologique de la quasi-totalité des mesures faites jusqu’ici[1]. La méthode est la suivante : un modèle de GPD a été ajusté aux données DVMP collectées de moyenne à haute énergie auprès des expériences H1, ZEUS et HERMES à Desy, COMPASS au CERN et E665 à Fermilab et publiées entre 1997 et 2010. Ce modèle ajusté décrit parfaitement l’ensemble des données DVMP. Dans un second temps, ce modèle a été utilisé pour prédire les observables du processus DVCS dans les expériences H1, ZEUS, HERMES, ainsi qu’au Jefferson Lab où le SPhN est fortement impliqué expérimentalement. L’accord avec les données DVCS mondiales est remarquable dans la plupart des cas. La qualité de cet accord est illustrée sur la Figure 1. Des améliorations sont toutefois possibles, notamment pour les expériences à basse énergie au Jefferson Lab, mais elles sont naturelles, étant donné que le modèle de GPD utilisé n’a été ajusté que sur les données de production de mésons à plus haute énergie. Ce travail de raffinement du modèle est d’ailleurs en cours au SPhN.
Ayant désormais à disposition le premier modèle de GPD satisfaisant à la fois toutes les contraintes théoriques mais aussi reproduisant de façon remarquable les données expérimentales DVCS et DVMP, il est possible d’obtenir des images tridimensionnelles préliminaires du nucléon, illustrées sur la Figure 2.
Ce premier indice d’universalité est la pierre angulaire du futur programme d’extraction des GPD à partir des données expérimentales : via la mesure de divers processus exclusifs, il sera possible à terme d’effectuer une séparation complète des différentes GPD pour chaque type de parton. Le projet ANR PARTONS («PARtonic Tomography Of Nucleon Software »), initié par le SPhN, permet la réalisation de ce programme théorique ambitieux en fédérant les équipes françaises de la thématique.
Un programme expérimental complet est par ailleurs mené par le SPhN à la fois auprès de l’expérience COMPASS au CERN et au Jefferson Lab. Nos études d’universalité ont permis des prédictions théoriques réalistes d’observables qui seront mesurées à COMPASS et CLAS12, mais aussi auprès du futur collisionneur électrons-ions EIC. Ces expériences livreront des mesures d’une précision inégalée qui seront exploitées à la lumière des progrès théoriques de l’ANR PARTONS. A l’horizon 2018, la structure tridimensionnelle du nucléon et certains aspects de la dynamique de particules confinées s’ouvriront à nous.
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