Avant l'entrée en fonction du LHC, le Tevatron situé au Fermi National Accelerator Laboratory, Fermilab (près de Chicago, États-Unis) reste le collisionneur le plus puissant du monde et le seul endroit où le quark top1 peut être produit.
L'expérience DØ vient de publier2 les résultats de mesure du taux de production de paires de quarks top-antitop. Cette quantité, dépendante de la valeur de la masse du quark top, permet de donner une prédiction sur cette masse dans le cadre du modèle standard3. Découvert en 1995 au Fermilab, le quark top reste un sujet de recherche très actif. Les méthodes d'analyse et la quantité de données ne cessent de s'améliorer permettant d'accroitre la précision de mesure de la masse du quark top. La mesure précise de cette valeur, associée à d'autres résultats de mesures de précision, permet d'estimer la valeur la plus probable de la masse du boson de Higgs. Ainsi l'étau se resserre autour de la quête du boson de Higgs en améliorant les mesures de la masse du quark top.
Le quark top est le plus massif des six quarks que nous connaissons. Sa grande masse, comparable à celle d'un atome d'or, lui confère une caractéristique particulière dans la famille des quarks : il n'existe pas d'état lié (donc de particule) avec un quark top (ou antitop). C'est en détectant ses produits de désintégration que l'on mesure les caractéristiques de ce quark. Le top est essentiellement produit par paires top-antitop. Le quark top se désintègre en un boson W et un quark beau qui va produire un jet4 de particules. Ensuite, le boson W a deux possibilités de désintégrations, et le canal privilégié est celui où au moins un W se désintègre en un lepton5 et un neutrino. La production de paire de quarks top-antitop peut alors se caractériser par un événement avec deux leptons (d'où le nom de canal dileptonique), deux jets issus de quarks beaux et de l'énergie manquante due aux neutrinos qui s'échappent du détecteur sans interagir. Un tel événement dans le détecteur D0 est illustré sur la figure 1.
Désintégration du top dans le canal dileptonique.
l’impact dans la couronne extérieure, symbolisé en vert représente le muon, celui qui est en rouge représente l'électron, les deux jets venant des quarks b et antib sont les amas bleus et rouges et l’impact en jaune représente l’énergie manquante des deux neutrinos non détectés
L'équipe DØ du SPP6 a effectué la mesure du taux de production de paires de top-antitop dans le canal dileptonique avec un lot de données correspondant à l'ensemble de la statistique de la première phase du Run II (qui a débuté en 2001) du Tevatron avec plus de 1,5 milliard d'événements. La mesure de cette section efficace nécessite de connaître l'efficacité de détection des paires top-antitop qui dépend elle-même de la masse du top. La dépendance de cette mesure en fonction de la masse du top est illustrée sur la figure 2 (courbe pleine en bleue encadrée par deux courbes pointillées en bleues tenant compte des erreurs de mesure). Ce taux de production expérimentale peut être comparé à celui calculé par le modèle standard pour différentes valeurs de la masse du top (courbes rouges et vertes correspondant à deux calculs, les prédictions en rouge étant celles qui englobent le plus d'ingrédients théoriques).
Taux de production de paires top-antitop dans le canal dileptonique en fonction de la masse du top. Les mesures correspondent aux courbes bleues, la théorie est représentée par les courbes vertes et rouges.
En premier lieu, on voit que la mesure du taux de production de paires est en bon accord avec les prédictions du modèle standard, ce qui est rassurant... Elle permet de plus d'effectuer une mesure indirecte de la masse du top en comparant les courbes bleues et rouges. L'équipe DØ du SPP6 a trouvé une valeur de 173,3 +9,9-8,6 GeV (les marges d'erreurs ne sont pas symétriques à cause des erreurs venant des prédictions théoriques qui ne le sont pas, cf. les courbes rouges en pointillés).
Ce nouveau résultat est en plein accord avec la mesure directe de la même masse du quark top, fondée sur la comparaison de distributions expérimentales et simulées7.
En combinant tous les canaux de désintégrations des paires top-antitop des deux expériences DØ et CDF du Tevatron, on a obtenu une valeur de 173,1 ± 1,3 GeV (cf figure 3).
Bien que moins précise, la mesure indirecte n'en est pas moins complémentaire car la masse du top, paramètre nécessaire aux deux analyses, y intervient à des degrés d'importance différents, et moindre dans le cas de la mesure indirecte. Trouver un accord entre ces deux analyses est un résultat important.
La campagne de prise de données à haute luminosité du Tevatron, le run IIB a commencé en 2006 et doit permettre de poursuivre avec une plus grande précision les mesures directes et indirectes de la masse du quark top, en particulier dans les canaux dileptoniques.
L'équipe DØ du SPP est engagée dans les deux types d'analyse. Une des composantes de la mesure directe reposant sur les premières données du run IIB a fait l'objet d'une thèse au SPP soutenue en 2008 et de plusieurs communications dans les conférences internationales de 2008. Le résultat de cette analyse a d'ailleurs été pris en compte dans la nouvelle combinaison. Une mesure avec l'ensemble des données du run IIB (à l'horizon 2010) est prévue et fait également l'objet d'une thèse en cours, comme la nouvelle mesure indirecte , présentée ici.
1) Le quark top est le plus massif des 6 quarks découverts à ce jour.
2) Physical Letters B
3) Cadre théorique qui décrit la matière comme étant constituée de particules élémentaires
4) Signature expérimentale de la présence de quarks produits lors d'un processus dur
5) Un électron ou l'un de ses deux frères jumeaux plus massif le muon ou le tau.
6) Service de Physique des Particules
5) Un électron ou l'un de ses deux frères jumeaux plus massif le muon ou le tau.
7) La simulation inclut la réponse du détecteur et la physique du modèle standard. Elle a donc comme paramètre la masse du top
Contact :
Marc BESANCON (SPP)
• Constituants élémentaires et symétries fondamentales › Physique des particules auprès des collisionneurs
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP) • Le Département de Physique des Particules (DPhP)
• D0