L’étude de la dynamique du gaz des amas de galaxies est un outil majeur pour comprendre la formation et l’évolution de ces grandes structures de l’Univers.
Effets de la gravitation exercée par la matière noire de l’amas et de l’activité de ses galaxies, les mouvements du plasma sont un ingrédient pour la compréhension de ces systèmes. Grâce à ses performances sans précédent en spectroscopie des rayons X, l’instrument SXS à bord du satellite Hitomi a permis de mesurer très précisément la vitesse de plusieurs éléments chimiques du milieu intra-amas dans la région centrale de l’amas de galaxies de Persée. Malgré la présence dans cette région du très actif noyau de galaxie NGC1275, les mouvements du gaz indiquent de manière surprenante que le milieu intra-amas est relativement calme et que la turbulence ne joue pas un rôle majeur. Ce travail est publié dans la revue Nature du 7 juillet 2016 par la collaboration Hitomi à laquelle participe des chercheurs du Service d’Astrophysique du CEA-Irfu de Saclay. Il résulte d’observations effectuées par le satellite Hitomi avant sa défaillance fin mars 2016.
Les amas de galaxies sont situés à l’intersection des filaments de la toile cosmique. Ils constituent les distributions de matière les plus importantes de l’Univers et sont donc des objets particulièrement bien placés pour étudier la formation des structures. Ils peuvent contenir dans un volume relativement restreint des centaines de galaxies et leur masse atteint des millions de milliards la masse du Soleil. Si 80% de cette masse est invisible car constituée de matière noire, les 4/5 de la matière « ordinaire » restante se trouve sous forme d’un gaz très chaud de plusieurs millions ou dizaines de millions de degrés. Ce plasma riche en métaux est appelé milieu intra-amas et émet principalement dans le domaine des rayons X. Le gaz est soumis à de nombreux effets physiques, de pression et de turbulence notamment et la cartographie précise de ses mouvements permet d’en connaître le poids relatif.
Les capacités, uniques en terme de résolution spectrale, de l’instrument SXS (Soft X-ray Spectrometer) sont très adaptées à l’étude du milieu intra-amas de l’amas de Persée, amas de galaxies situés à 250 millions d’années-lumière. En effet, les propriétés de ce spectro-imageur X permettent de fournir des informations précises sur la composition du gaz et sa vitesse et ce simultanément à différentes positions de l’amas. Ces caractéristiques ont permis aux scientifiques d’effectuer une analyse détaillée du plasma chaud dans le cœur de l’amas de Persée qui abrite notamment un noyau actif de galaxie très énergétique, NGC1275. Cette observation a permis de mesurer la composition chimique, le degré d’ionisation des différents éléments chimiques via l’observation des raies d’émission ou bien encore les variations de vitesse du gaz au sein de l’amas. Ces paramètres ont permis aux chercheurs de conclure que la turbulence du milieu jouait un rôle modéré dans sa structuration.
A gauche une image obtenue par le satellite à rayons X Chandra sur laquelle est superposée la matrice de détecteurs de l’instrument SXS (champ carré de 3x3 minutes d’arc). L’émission diffuse du gaz chaud est visible en couleur et le cœur de la galaxie NGC1275 est le spot blanc. A droite, un spectre haute résolution obtenu par le spectro-imageur SXS. De nombreuses raies d’émissions apparaissent. Leur identification et caractéristiques (position, largeur) sont possibles grâce à l’excellente résolution spectrale de l’instrument. Les données de SXS ont permis d’établir la carte de vitesse du milieu intra-amas dans la région proche de la galaxie active NGC1275. (crédit collaboration Hitomi/Chandra).
Le fait que la turbulence ne joue qu'un rôle mineur est important car ce processus physique peut rendre la détermination de la masse de l’amas plus incertaine. Or cette donnée est une manière indirecte d’accéder à la quantité de matière de noire présente au sein de l’amas. Ces informations permettent de mieux connaitre les propriétés des amas de galaxies, leur évolution et au delà fournissent de nouvelles contraintes sur les paramètres cosmologiques.
Les résultats obtenus par le satellite Hitomi montrent tout le potentiel de la spectro-imagerie fine, malheureusement peu exploité par cette mission du fait de la perte du satellite peu de temps après sa mise en fonction. Le concept très novateur de l’instrument a été validé laissant présager de nouveaux développements. C’est dans ce cadre que s’inscrit le concept de la mission L2 de l’Agence spatiale européenne (ESA) Athena, à laquelle participe le CEA, qui par une sensibilité accrue, une résolution spectrale meilleure que Hitomi et une capacité d’imagerie plus fine (5 secondes d’arc au lieu de typiquement la minute d'arc) permettra de franchir une étape majeure dans notamment l’étude du gaz chaud intra-amas.
Contacts : Philippe Laurent
Publications :
" The quiescent intracluster medium in the core of the Perseus cluster "
Collaboration Hitomi
publié dans la revue Nature, 7 juillet 2016, accès à la version électronique
Voir: - Le communiqué de L'Agence spatiale européenne (ESA)
- Le communiqué de la Nasa
Voir également : - Une clé de la formation des amas de galaxies découverte par Herschel et Planck (mars 2015)
- le site de la collaboration Athena
Voir : Communication du Service d'Astrophysique
Rédaction : C. Gouiffès
• Structure et évolution de l'Univers › Phénomènes cosmiques de haute énergie et astroparticules Thèmes de recherche du Service d'astrophysique
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
• pas de titre • Phénomènes Cosmiques de Haute Énergie
• HITOMI