Fig 1: Vue d’artiste montrant l’instrument DESI monté sur le télescope de 4 mètres Mayall à l’observatoire national Kitt Peak en Arizona (crédit : R. Lafever, J. Moustakas/DESI Collaboration)
L’instrument Desi (Dark Energy Spectroscopic Instrument) analysera la lumière émise par 35 millions de galaxies et quasars à plusieurs moments du passé de l’Univers et jusqu’à 11 milliards d’année, pour mieux cerner l’énergie noire. Son passage en phase de construction en 2016 couronne plusieurs années de recherche et développement qui ont abouti à un design solide et une stratégie d’observation crédible. L’Irfu, partenaire du projet depuis la première heure, y a tenu toute sa place. Retour sur une année qui a vu le projet devenir réalité.
Fig 2 : Photo du premier pétale usiné pour DESI. Dix pétales seront assemblés pour abriter au total 5000 robots positionneurs comme celui de la figure du bas à droite. En quelques secondes, chaque robot peut tourner sur lui-même, se rétracter ou s’allonger pour aligner l’extrémité de sa fibre optique dans la direction de l’objet à observer dans le ciel, et ce, à quelques microns près (crédit : J. Silber/Berkeley Lab).
Les 10 spectrographes (en jaune Fig. 1) installés sous le télescope analyseront la lumière de 5000 objets observables simultanément à chaque pose. DESI étudiera environ 35 millions de galaxies et quasars pour établir la cartographie de l’Univers la plus profonde à ce jour.
La précision des mesures et le nombre élevé d’objets accessibles auprès de cet instrument conduiront à la cartographie de la matière visible la plus précise à ce jour. Elle sera mesurée à plusieurs moments du passé de l’Univers jusqu’à il y a 11 milliards d’années. Cette cartographie permettra non seulement de remonter à la façon dont la matière s’est structurée dans les premiers 400 000 ans après le Big Bang, sous l’effet croisé de la gravité et de la pression de radiation, mais aussi de comprendre l’évolution de cette structuration au cours de l’histoire ultérieure de l’Univers. Les observations de DESI seront riches d’enseignements sur l’expansion de l’Univers et donc sur l’énergie noire notamment, mais aussi sur l’évolution des galaxies et sur la matière noire, qui ne sera pas directement observée par DESI mais qu’on pourra étudier à travers ses effets gravitationnels sur la matière ordinaire.
Fig 3 : Le premier spectrographe monté à Winlight System. La vue montre les trois bras du spectrographe (le rouge, le bleu et le proche infra-rouge, de gauche à droite) qui se terminent chacun par un cryostat contenant un CCD refroidi par un tube pulsé. La photo a été prise au cours du montage, avant l’installation du groupe de pompage (crédit : Chr. Magneville, P.-H. Carton/Irfu ).
Pour préparer les observations de DESI, trois relevés d’images sont en cours afin de définir la liste des objets dont DESI analysera la lumière. L’équipe de l’Irfu engagée dans DESI a non seulement développé les algorithmes pour la sélection des quasars, objets les plus lointains de ceux qui seront observés par DESI, mais est en outre responsable de la définition des listes pour l’ensemble des cibles.
L’Irfu est aussi partie prenante des développements instrumentaux faits pour DESI. Le passage en phase de construction s’est accompagné de progrès importants sur les éléments essentiels de DESI au cours de l’année 2016. Un prototype à quatre robots du système de positionnement des fibres a été monté et testé auprès du télescope Mayall à l’automne dernier. En France, le premier spectrographe de DESI a été assemblé au cours de l’automne 2016 et est en phase de validation optique.
Sa conception est le fruit d’une collaboration entre le laboratoire de Berkeley aux Etats-Unis, l’entreprise d’optique Winlight System (située à Pertuis, dans le Vaucluse) spécialisée dans la fabrication de matériels optique, l’Irfu au CEA et un ensemble de laboratoires du CNRS de la région de Marseille.
L’Irfu, partenaire du projet dès ses débuts, est responsable de la conception et du montage des cryostats qui abritent les CDD au sein des dix spectrographes de DESI, ainsi que du système qui permet d’en contrôler les bonnes conditions de fonctionnement. Chaque spectrographe comporte trois bras, destinés à la décomposition de la lumière dans le bleu, le rouge et le proche infra-rouge, respectivement (Fig. 3). La partie finale de chaque bras, véritable caméra, comporte une lentille qui focalise la lumière sur un CCD maintenu sous vide et à froid, au sein d’un cryostat. L’Irfu a fait le choix d’équiper chaque cryostat de sa propre machine thermique, un tube pulsé conçu au CEA de Grenoble et commercialisé par Thales.
La photo sur la Fig 4 montre le corps cylindrique du cryostat qui abrite le CCD, monté sur la face arrière du spectrographe (en noir). Dans son prolongement émerge le long cylindre du compresseur du tube pulsé qui permet d’amener et de maintenir le CCD à basse température. Le petit boîtier bleu fixé sur le système de refroidissement du compresseur abrite l’électronique d’asservissement du tube, le boîtier métallique au-dessus du compresseur renferme l’électronique de lecture du CCD .
Le montage du CCD dans le cryostat est une opération délicate du fait des tolérances demandées, ±15 microns au plus sur le parallélisme du CCD avec le plan focal, quelques dizaines de microns pour les autres tolérances (centrage, rotation, position le long de l’axe optique).
Le montage des cryostats, comprenant l’intégration et l’alignement des CCD, se fait en salle blanche, puis chaque caméra est testée (vide, thermique, vérification d’alignement du CCD) et des images (sous obscurité) sont prises avec les CCD pour s’assurer de leur bon fonctionnement.
A l’issue de cette procédure de validation faite à l’Irfu, les cryostats sont envoyés à l’entreprise Winlight System, qui est en charge de la construction des spectrographes.
Les 3 premières caméras de DESI ont ainsi été livrées au cours de 2016 et ont été intégrées par l’équipe de l’Irfu au premier spectrographe de série alors en cours d’assemblage. Le système de contrôle des cryostats a également été intégré au système de contrôle plus général du spectrographe. Fin 2016, l’assemblage du spectrographe était terminé, les derniers ajustements et alignements des différents éléments d’optique effectués, permettant le démarrage de la phase de validation optique du spectrographe dans son ensemble.
Références :
The DESI Experiment Part I: Science, Targeting, and Survey Design, arXiv:1611.00036
The DESI Experiment Part II: Instrument Design, arXiv:1611.00037
Contacts :
P.-H. Carton, Ch. Magneville, N. Palanque-Delabrouille, V. Ruhlmann-Kleider (rédactrice), Ch. Yèche
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