Une équipe internationale incluant des chercheurs du Département d'Astrophysique (CEA-Irfu) et du Service de physique de l'état condensé (CEA-Iramis) a réalisé une simulation inédite, basée sur l'expérience de dynamo Von-Kármán-Sodium (VKS) (CEA-CNRS-ENS) [1], pour examiner de plus près comment le vortex de liquide créé par les hélices du dispositif VKS dans du sodium liquide génère un champ magnétique. Les chercheurs ont étudié les effets de la résistivité électrique et de la turbulence des fluides sur la génération et la collimation du champ magnétique généré. La modélisation détaillée montre comment un champ magnétique peut émerger par effet dynamo au sein d'un liquide conducteur turbulent. Ces résultats, publiés le 23 mai 2017 dans la revue Physics of Plasma, permettent d’éclairer les astrophysiciens sur la génération des champs magnétiques au sein des étoiles ou planètes.
L'effet dynamo consiste en la génération spontanée d’un champ magnétique à partir d’un courant électrique produit par le brassage massif des liquides conducteurs. Ce processus est par exemple à l’œuvre au cœur des étoiles et de certaines planètes. Il suit un mécanisme selon lequel un courant dans un fluide en mouvement produit un champ magnétique tout comme une dynamo solide produit du courant à partir du mouvement d’un aimant. En 2007, la collaboration VKS est parvenue à montrer la possibilité de produire cet effet dynamo avec du sodium liquide mis en rotation turbulente. Des zones d'ombre subsistent cependant encore dans la compréhension détaillée de ce phénomène. C’est pourquoi les chercheurs poursuivent leurs efforts expérimentaux et de simulations numériques pour mieux comprendre cet effet dynamo.
Dans l'expérience de dynamo VKS, deux pales de turbine de chaque côté d'un cylindre rempli de sodium liquide créent une turbulence qui peut générer le champ magnétique. Alors que les simulations numériques antérieures de l'effet dynamo avec du sodium ne fournissent que des résultats avec une résolution spatiale limitée au niveau des pales, l'étude actuelle est la première à modéliser, à haute résolution, près des turbines, le flot de sodium à l'intérieur de la dynamo VKS.
En simplifiant la géométrie de l'appareil, les chercheurs ont réalisé des simulations magnétohydrodynamiques ciblées pour comprendre comment la turbulence et les caractéristiques du liquide et des matériaux constituant les pales des turbines affectent la collimation du champ magnétique en lui donnant un caractère directif.
"Le flux hélicoïdal entre les pales de la turbine crée une collimation du champ magnétique, ce qui facilite le mécanisme de l’effet dynamo dans l'appareil", a déclaré l'auteur principal de l'étude, Jacobo Varela, chercheur au Département d'Astrophysique du CEA-Irfu lorsqu'il a réalisé ces travaux. "De plus, nous avons constaté que lorsque les pales de la turbine sont constituées de matériaux ferromagnétiques, la collimation du champ magnétique est renforcée", complète ce dernier. En revanche, la simulation numérique montre que l'utilisation de matériaux conducteurs affaibli la collimation du champ. Cette découverte explique ainsi pourquoi l'effet dynamo dans les expériences VKS est plus facilement obtenu lors de l'utilisation de turbines en fer doux plutôt qu’en cuivre ou en acier.
Vue en 3-D des lignes de vortex et de champ magnétique dans la simulation pour des conditions aux limites ferromagnétique (à gauche A) et conductrice (à droite B). En rouge est superposée une iso-surface du champ magnétique à 0.002 Tesla vs 0.0008 Tesla, démontrant la bien plus forte amplitude du champ induit dans le cas ferromagnétique via
une collimation du vortex plus forte. Crédit: Varela/Brun/Dubrulle/Nore
Les chercheurs ont également montré dans la simulation que, au fur et à mesure que la turbulence augmente, le champ magnétique passe d'un état stable à un état présentant des inversions périodiques, comme celles observées dans certaines étoiles. Le champ magnétique du Soleil, par exemple, change de polarité environ tous les 11 ans, ce qui est le produit conjugué de la turbulence interne et de sa vitesse de rotation.
Varela et ses collègues de l'Université de Paris continuent de développer le modèle numérique pour refléter la géométrie réelle de l'expérience. Ils prévoient d'ajouter des paramètres supplémentaires, tels que la forme des lames et le champ magnétique de fond, afin de pouvoir simuler de manière plus précise ses performances et tester les moyens d'optimiser la machine.
Comme le souligne Jacob Varela : « Les observations expérimentales combinées avec les données de simulation vont nous donner maintenant une meilleure compréhension de la génération de champ par effet dynamo dans les étoiles et les autres objets astronomiques à cœur liquide et conducteur comme certaines planètes».
Contact : Allan-Sacha BRUN
Publication :
« Effects of turbulence, resistivity and boundary conditions on helicoidal flow collimation: consequences for the Von-Kármán-Sodium dynamo experiment »
par Jacobo Varela (1), Sacha Brun (2), Bérengère Dubrulle (3) and Caroline Nore (4)
(1)Oak Ridge National Laboratory, (2) LIMSI, CNRS, Univ. Paris-Sud, (3) AIM-DAp IRFU (CEA/CNRS/University of Paris 7), (4) SPEC/IRAMIS/DSM, CEA, CNRS, University Paris-Saclay).
L'article est à paraitre dans la revue Physics of Plasma, Mai 2017 (DOI: 10.##/1.##).
Pour une version électronique : Varela_etal 2017_PoP.pdf
Voir aussi :- le communiqué de presse CEA (23 Mai 2017)
- le communiqué de presse Physics of Plasma (23 Mai 2017, en anglais)
[1] L’expérience « Von Karman - Sodium » (VKS) a débuté il y a 10 ans sur le centre CEA de Cadarache, dans les installations de la Direction de l’Energie Nucléaire au Département des Technologies Nucléaires, expert sur la manipulation de fluides métalliques tels que le sodium. L'expérience VKS, fruit d’une collaboration du CEA, du CNRS et des ENS de Lyon et de Paris, a permis d'observer la génération d'un champ magnétique spontané par effet dynamo dans un container rempli de sodium liquide. Elle a ensuite permis la mise en évidence, au laboratoire, d’inversions spontanées du champ magnétique, similaires à celles observées sur Terre. En janvier 2017, la revue scientifique Physical Review Letters a classé l’article décrivant ce résultat parmi ses publications les plus remarquables de ces 10 dernières années
Rédaction: DCOM CEA / J.M. Bonnet-Bidaud / Physics of Plasma
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