Figure 1 : représentation de LISA en train d’observer une binaire galactique (crédits : collaboration LISA)
La mission spatiale LISA (Laser Interferometer Space Antenna), menée conjointement par l’Esa et la Nasa, permettra d’observer les ondes gravitationnelles depuis l’espace. Après son lancement prévu aux alentours de 2035, LISA observera dans le domaine des basses fréquences du spectre gravitationnel encore non exploré et capturera ainsi le signal gravitationnel en provenance de sources qui, à l’heure actuelle, ne sont pas résolues dans la gamme des hautes fréquences des détecteurs au sol tels que Virgo, LIGO, KAGRA, ou encore GEO600. LISA tire ainsi partie de la longueur de sa base de 2.5 millions de kilomètres à comparer par exemple à la base de 4 kilomètres de Virgo. Parmi ces nouvelles sources d’ondes gravitationnelles, les plus représentées seront les binaires galactiques, dont le nombre de détections devrait s’élever à plusieurs dizaines de milliers. Les binaires galactiques sont des systèmes doubles composés d’étoiles à neutrons ou de naines blanches dans différentes combinaisons. Dans la gamme des basses fréquences observées par LISA, les binaires galactiques seront détectées pendant la phase spiralante, soit plusieurs milliers d’années avant la fusion qui sera captée par les détecteurs au sol. Cette phase spiralante permet de caractériser les signatures des effets de la structure et de la dynamique internes des composantes des binaires galactiques sur la forme des ondes gravitationnelles peuvent potentiellement être détectables sur la durée nominale de la mission. LISA permettra donc de comprendre l’état de la matière au sein des objets compacts composant les systèmes binaires galactiques, leur déformabilité ou encore leur magnétisme, au travers de l’évolution séculaire de ces systèmes. Dans une étude tout juste publiée dans la revue Physical Review D (DOI : https://doi.org/10.1103/PhysRevD.105.124042), une équipe constituée des membres du SYRTE à l’Observatoire de Paris et du LDE3 du DAp/Irfu au CEA, a démontré que l’effet du magnétisme au sein d’un système binaire galactique pourrait être mesuré par LISA.
Les objets compacts composant les binaires galactiques ont une masse de l’ordre d’une masse solaire pour des rayons allant de 104 km pour les naines blanches, à quelques 10 km pour les étoiles à neutrons. Ce sont également parmi les corps les plus fortement magnétisés de l’univers, avec des champs magnétiques qui peuvent atteindre jusqu’à 109 G pour les naines blanches et jusqu’à 1015 G pour les étoiles à neutrons (on parle alors de magnétars). De tels champs magnétiques peuvent perturber significativement le mouvement orbital du système binaire et permettre leur caractérisation indirecte au travers des propriétés des ondes gravitationnelles qui seront détectées par LISA. L’origine de ces champs magnétiques intenses est un sujet toujours débattu dans le domaine de l’Astrophysique, notamment en raison du nombre d’observations électromagnétiques qui est encore insuffisant pour assurer une statistique robuste. En complétant les observations électromagnétiques par des données d’ondes gravitationnelles, LISA permettra donc de mieux comprendre l’origine des champs magnétiques intenses ainsi que les mécanismes assurant leur stabilité sur de longues échelles de temps.
Figure 3 : effet du magnétisme sur les harmoniques présentes dans le signal gravitationnel h+. Les fréquences en tiret sont déterminées sans prendre en compte l’effet magnétique alors que celles en trait plein le considère. En noir : harmoniques d’ordre 0 en excentricité. En rouge : harmoniques d’ordre 1 en excentricité. En vert : harmoniques d’ordre 2 en excentricité. wM représente la dérive séculaire sur la longitude du péricentre. Cette dérive est proportionnelle au produit des champs magnétiques dipolaires.
Afin de quantifier l’effet des champs magnétiques sur l’émission d’ondes gravitationnelles, l’effet séculaire dû aux interactions magnétiques sur le mouvement orbital doit être quantifié. Dans l’approximation des champs fossiles, la composante dipolaire est le plus souvent la composante dominante et l’interaction magnétique est donc dominée par l’effet dipôle-dipôle. Cet effet agit à deux niveaux : premièrement sur l’orientation des moments magnétiques et deuxièmement sur le déplacement relatif entre les centres de masses. En résolvant simultanément la dynamique rotationnelle et orbitale des binaires galactiques en considérant ces interactions magnétiques ainsi que les effets de relativité générale, la contribution magnétique dans le signal gravitationnel a pu être isolée. L’effet magnétique décale l’ensemble des fréquences présentes dans le signal gravitationnel (cf. figure 3). Ce décalage n’est pas arbitraire et dépend de la fréquence considérée. Ceci permet notamment d’extraire du signal gravitationnel des contraintes sur le magnétisme en combinant les deux harmoniques dont les amplitudes sont les plus importantes (c.-à-d. 2n et 3n avec n le moyen mouvement). En observant plusieurs dizaines de milliers de systèmes binaires galactiques, LISA représentera donc l’opportunité de mesurer le magnétisme au sein de nombreux systèmes et permettra ainsi d’en apprendre plus sur la nature du magnétisme au sein des naines blanches et étoiles à neutrons et de leurs progéniteurs.
Références :
Contact Irfu : Stephane MATHIS
• Structure et évolution de l'Univers › Planètes, formation et dynamique des étoiles, milieu interstellaire
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
• Dynamique des Etoiles, des Exoplanètes et de leur Environnement
• LISA