L’instrument Dark Energy Spectroscopic Instrument (DESI) se trouve sur le télescope Mayall de 4 mètres à l'observatoire national de Kitt Peak, Arizona (Etats-Unis). Les premières données de DESI recueillies en 2020 sont désormais accessible librement.
Crédit : Marilyn Sargent/Berkeley Lab
L'Univers est immensément grand, et il le devient de plus en plus. Pour étudier l'énergie noire, la force mystérieuse à l'origine de l'accélération de l'expansion de notre Univers, les scientifiques utilisent le grand relevé Dark Energy Spectroscopic Instrument (DESI) pour cartographier plus de 40 millions de galaxies, de quasars et d'étoiles. Aujourd'hui, la collaboration a rendu public son premier lot de données, avec près de 2 millions d'objets astrophysiques à étudier par les chercheurs. Elle publie aussi 15 articles sur l'étude scientifique de ces données et sur l'instrument, les opérations et la validation de la stratégie d'observation du relevé. (communiqué de presse Berkeley lab)
L'ensemble de données (80 téraoctets) provient de 2 480 expositions prises pendant six mois au cours de la phase dite de "validation du relevé" en 2020 et 2021 et traitées en langage python sur le supercalculateur du National Energy Research Scientific Computing Center (NERSC, Berkeley, USA). Au cours de cette période, entre la mise en route de l'instrument et le début de la campagne scientifique officielle, les chercheurs se sont assurés que les performances de l’instrument répondraient à leurs objectifs scientifiques - par exemple, en vérifiant le temps nécessaire pour observer des galaxies de luminosités différentes et en validant la sélection des objets astrophysiques comme les galaxies, les quasars et les étoiles à observer.
"Le fait que DESI fonctionne si bien et que la quantité de données de qualité qu'il a recueillies pendant la validation du relevé soit comparable à celle des études précédentes est une réussite monumentale", a déclaré Nathalie Palanque-Delabrouille, co-porte-parole de DESI et scientifique au Lawrence Berkeley National Laboratory (Berkeley Lab) du Department of Energy américain, qui gère l'expérience. "Cette étape montre que DESI est une formidable usine à mesurer des spectres. Ces données permettront non seulement d'étudier l'énergie noire, mais seront également convoitées par l'ensemble de la communauté scientifique pour aborder d'autres sujets, tels que la matière noire, les lentilles gravitationnelles et la morphologie des galaxies."
Deux découvertes intéressantes ont déjà été faites : la preuve d'une migration massive d'étoiles dans la galaxie d'Andromède et des quasars incroyablement éloignés, trous noirs supermassifs extrêmement brillants et actifs que l'on trouve parfois au centre des galaxies.
En plus de mise à disposition des données préliminaires, la collaboration DESI a publié aujourd'hui une série d'articles utilisant ces premières données pour caractériser comment les galaxies et les quasars, cibles du programme d'observation de DESI, peuplent les structures de l'Univers. Ceci est une étape cruciale pour permettre à DESI d'atteindre ses objectifs scientifiques.
Ces articles complètent les résultats de DESI publiés récemment (arXiv:2304.08427, soumis à MNRAS) qui décrivent la première mesure de l'échelle des distances cosmologiques par DESI. Cette échelle est liée à la distance parcourue par les ondes acoustiques dans le plasma primordial jusqu’au moment de la recombinaison et reste visible dans la répartition spatiale des galaxies. Ces articles utilisent les deux premiers mois de données de la campagne officielle (non incluses dans les premières données publiées) et démontrent la capacité de DESI à atteindre ses objectifs.
Fonction de corrélation des galaxies rouges lumineuses (redshifts entre 0.4 et 1.1) mesurée lors des deux premiers mois de la prise de données de DESI. Le pic observé autour de 100 Mpc/h est lié à la distance parcourue par les ondes acoustiques dans le plasma primordial jusqu’au moment de la recombinaison et est utilisé pour retracer l’histoire de l’expansion de l’Univers. ( arXiv:2304.08427, submitted to MNRAS)
DESI utilise 5 000 positionneurs robotisés pour déplacer les fibres optiques qui captent la lumière d'objets situés à des millions ou des milliards d'années-lumière. Il s'agit du spectrographe multi-objets le plus puissant au monde, capable de mesurer le spectre de plus de 100 000 galaxies en une nuit. Ces spectres indiquent aux chercheurs la distance à laquelle se trouve chaque objet, ce qui permet d'établir une carte cosmique en 3D de la répartition spatiale des galaxies.
DESI établit une carte 3D de l'espace afin de comprendre l'énergie noire, la force à l'origine de l'accélération de l'expansion de notre Univers. Une partie des préparatifs de DESI comprenait l'étude "One-Percent Survey" visualisée dans ce survol. Les chercheurs ont pris des images détaillées dans 20 directions différentes du ciel, créant une carte en 3D de 700 000 objets et couvrant environ 1 % du volume total que DESI étudiera. L'instrument et la stratégie du relevé ayant été testés avec succès, le programme d'observations DESI avance à grands pas et entame sa troisième année de prise de données sur les cinq prévues. Credits Musique et video: David Kirkby/DESI collaboration.
L'expansion de l'Univers étire la longueur d'onde de la lumière, ce qui la rend plus rouge - une caractéristique connue sous le nom de décalage vers le rouge ou redshift. Plus la galaxie est éloignée, plus le redshift est important. DESI est spécialisé dans la collecte de redshifts qui peuvent ensuite être utilisés pour résoudre certaines des plus grandes énigmes de l'astrophysique : ce qu'est l'énergie noire et comment elle a évolué au cours des douze derniers milliards d’années de l'histoire de l'Univers, lui-même âgé de 13,8 milliards d’années.
"La validation du relevé était très importante pour DESI car elle nous a permis, avant de commencer la campagne officielle, d'ajuster notre sélection de tous les objets astrophysiques : les étoiles, les galaxies brillantes, les galaxies rouges lumineuses, les galaxies à raies d'émission et les quasars", a déclaré Christophe Yeche, physicien a l’Irfu (CEA-Paris Saclay) qui co-dirige le groupe de sélection des cibles. "Nous avons pu optimiser notre sélection, confirmer notre stratégie d'observation et ainsi démontrer que DESI est sur la bonne voie pour atteindre ses buts scientifiques dont l’étude de l’énergie noire".
La validation du relevé a également permis de démontrer l’excellente performance et d’optimiser le traitement des données brutes des dix spectrographes de DESI, conçus et réalisés en France par une collaboration regroupant l’Irfu (CEA-Paris Saclay), des équipes du CNRS-INSU/IN2P3 et des universités partenaires1 (LAM/CPPM - Aix-Marseille Université, LPNHE - Sorbonne Université) et la société Winlight System (Pertuis, France).
L’Irfu a réalisé la conception du système cryo-mécanique qui intègre les capteurs CCD à la partie caméra des spectrographes et les fait fonctionner de manière optimale.
Le montage final des cryostats équipés de leur CCD sur les spectrographes a été réalisé sur le site de Winlight System (Pertuis, Vaucluse) sous la responsabilité des équipes du CEA-Irfu. Les équipes du CNRS et des universités partenaires (LAM/CPPM - Aix-Marseille Université, LPNHE - Sorbonne Université) ont réalisé les réglages optiques de ces ensembles. Par ailleurs, le système de calibration de l’instrument DESI a été conçu et réalisé par le LPNHE.
Les données préliminaires de DESI sont désormais en accès libre par l'intermédiaire du NERSC. Il reste encore beaucoup de données à obtenir de l'expérience. DESI, qui a débuté il y a deux ans, est en avance sur le calendrier prévu pour collecter plus de 40 millions de redshifts. Le relevé a déjà observé plus de 26 millions d'objets astrophysiques depuis le démarrage de la campagne scientifique, et en ajoute plus d'un million par mois.
Cette vidéo, conçue pour être projetée dans les planétariums, donne un aperçu du fonctionnement de DESI et présente une vue d'ensemble de l'Univers, réalisée à partir des données scientifiques de la première année de l'expérience. Credit: Fiske Planetarium
DESI est soutenu par le DOE Office of Science et par le National Energy Research Scientific Computing Center, un centre de calcul du DOE Office of Science. DESI bénéficie également du soutien de la National Science Foundation des États-Unis, du Science and Technologies Facilities Council du Royaume-Uni, de la Gordon and Betty Moore Foundation, de la Heising-Simons Foundation, du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de France, du Conseil national de la science et de la technologie du Mexique, du ministère de l'économie de l'Espagne, ainsi que des institutions membres de DESI.
La collaboration DESI est honorée d'être autorisée à mener des recherches scientifiques sur l'Iolkam Du'ag (Kitt Peak), une montagne qui revêt une importance particulière pour la nation Tohono O'odham.
Contacts : Etienne Burtin, Vanina Ruhlmann-Kleider, Christophe Yèche.
(1) Au Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies (CNRS/Sorbonne Université), au Centre de physique des particules de Marseille (CNRS/Aix-Marseille Université) et au Laboratoire d'astrophysique de Marseille (LAM, AMU/CNRS/CNES).
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• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département de Physique des Particules (DPhP)
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