Les exo-planètes découvertes jusqu’à présent sont en majorité des planètes géantes en orbite très proche de leur étoile hôte conduisant à une possible connexion magnétique entre les deux objets. Une collaboration internationale incluant A. Strugarek, A.S. Brun et V. Réville du Service d’Astrophysique/Laboratoire AIM du CEA-Irfu a en utilisant des simultations numériques 3-D haute performance quantifié les énergies mises en jeu dans ces interactions magnétiques, et conclu qu’elles conduisent à des effets observables. Ces résultats préparent ainsi au mieux l’analyse des données des futurs instruments au sol tel le spectropolarimètre Spirou et dans l’espace comme le satellite Plato de l’Agence Spatiale Européenne dans lequel le CEA/Service d’Astrophysique est fortement impliqué. Les simulations montrent également les effets à long terme de migration planétaire liés aux couples magnétiques. Ces résultats, tirant parti des grands calculateurs GENCI, PRACE et canadiens sont publiés dans la revue The Astrophysical Journal.
L’interaction magnétique d’une planète en orbite proche avec la magnétosphère de l’étoile génère des perturbations dites alfvéniques qui « remontent » les lignes de champ magnétique jusqu’à impacter la basse couronne de l’étoile. Ces perturbations forment ce qu’on appelle des ailes d’Alfvén, qui sont représentées ci-dessous par les structures jaunes/bleues. Les simulations effectuées avec le code PLUTO indiquent que la topologie magnétique de l’interaction influence dramatiquement l’intensité de l’interaction (voir figure). Dans le cas le plus favorable (à gauche), les structures d’aile d’Alfvén peuvent transporter une puissance de l’ordre de 1019 W, ce qui correspond à la puissance équivalente d’une éruption solaire typique. Dans le cas le moins favorable (au milieu), cette puissance est a minima un ordre de grandeur plus faible. Si l’énergie associée est convertie en émissions dans la basse couronne de l’étoile, un tel signal pourrait dans le cas le plus favorable être observable (typiquement en X, UV, et/ou dans les bandes H et K du Calcium II) sur des étoiles distantes, permettant ainsi de contraindre les caractéristiques magnétiques de l’exo-planète.
De gauche à droite : trois cas d’interaction magnétique étoile-planète pour les trois topologies magnétiques alignée, anti-alignée, et perpendiculaire. L’empreinte des ailes d’Alfvén est donnée par les structures bleues/jaunes représentant les forts courants alignés avec le champ magnétique. On remarque que la taille et l’extension spatiale des ailes dépend fortement de la topologie magnétique globale.
L’interaction magnétique étoile-planète entraîne également un couple magnétique faisant migrer la planète. A nouveau, la topologie magnétique joue un rôle prépondérant sur l’amplitude de ce couple. Celui-ci peut atteindre des temps caractéristiques de l’ordre de la centaine de millions d’années, et ainsi entrer en compétition avec les effets de marées pour déterminer la vitesse de migration de la planète lorsque l’étoile centrale possède un champ magnétique suffisamment intense. De plus, la position de la planète par rapport à l’orbite de co-rotation de la couronne stellaire change le signe du couple magnétique, lui permettant selon d’expulser ou de « faire tomber » la planète. In fine, le couple magnétique doit être considéré pour contraindre statistiquement la population d’exo-planètes proches à laquelle on peut s’attendre.
Les simulations numériques hautes performances permettent de mieux comprendre les effets de l’interaction magnétique étoile-planète dans diverses configurations topologiques complexes.
Schémas de l’effet de la topologie magnétique sur l’interaction étoile planète (correspondant aux panneaux de gauche et du milieu de la figure 1). La surface portant le flux d’énergie magnétique (« flux de Poynting ») dirigé vers la couronne stellaire est représentée en rouge, celle menant au développement d’un couple magnétique faisant migrer la planète en bleu. Les deux surfaces caractéristiques sont fortement réduites par une simple inversion de la topologie magnétique (de gauche à droite).
Les observations d’émissions (dans les bandes H et K du Calcium II) induites par des exo-planètes dans la couronne d’étoiles distantes sont en général intermittentes. Comment expliquer une telle variabilité? Les effets topologiques fournissent une explication simple et robuste. En effet, une planète en orbite proche va probablement interagir avec une topologie magnétique changeante le long de son orbite, et la topologie magnétique globale de la couronne stellaire est susceptible de changer avec son cycle magnétique sur des échelles de temps de l’ordre de l’année à quelques dizaines d’années. Ainsi, l’interaction magnétique va nécessairement changer d’orientation sur ce type d’échelle temporelle, ce qui mène à un changement d’au moins un ordre de grandeur dans, typiquement, l’énergie magnétique transportée par l’interaction. Ces simulations numériques ont ainsi permis de mettre en évidence un mécanisme robuste et générique pour expliquer la variabilité des émissions anormales associées à des exo-planètes.
Contact : Antoine Strugarek, Allan-Sacha Brun
« Magnetic games between a planet and its host star : the key role of topology »
Strugarek A., Brun A.S., Matt S.P., Réville V., publié dans la revue The Astrophysical Journal (2015)
Version électronique : http://arxiv.org/abs/1511.02837
Publication complémentaire:
« On the Diversity of Magnetic Interactions in Close-in Star-Planet Systems »
Strugarek A., Brun A.S., Matt S.P., Réville V., The Astrophysical Journal, 2014, 795, 86
Version électronique : http://arxiv.org/abs/1409.5268
voir aussi : Le site du Laboratoire Dynamique des Etoiles et de leur Environnement (notamment sa rubrique Actu/Faits marquants)
Rédaction : S. Brun, C. Gouiffès
• Structure et évolution de l'Univers › Planètes, formation et dynamique des étoiles, milieu interstellaire Thèmes de recherche du Service d'astrophysique
• Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
• Dynamique des Etoiles, des Exoplanètes et de leur Environnement