Une étape importante a été franchie dans la conception des accélérateurs pour IFMIF, la source de neutrons la plus puissante de la prochaine décennie. La capacité d'accélérer ces faisceaux intenses dans des structures appropriées , ainsi que leur transport entres elles vient en effet d'être démontrée à l'aide de simulations numériques sophistiquées. Les opérations sont rendues périlleuses à cause des forces de charge d'espace qui menacent ces faisceaux d'éclatement. Dans ce contexte difficile, les spécialistes de dynamique de faisceau de l'Irfu viennent d'établir deux opérations décisives : l'injection des ions issus de la source dans le RFQ*, puis leur injection dans l'accélérateur linéaire supraconducteur HWR**. Le modèle complet de l'accélérateur, de la source à la cible, est le fruit d'une collaboration européenne ; celle-ci comprend les services du CEA/IRFU en France, l'INFN-Legnaro en Italie, et le CIEMAT-Madrid en Espagne. IFMIF-EVEDA est un projet de l'Approche Elargie d'Iter, accord signé entre Euratom et le gouvernement japonais.
Ce sont ceux de la fusion du futur. Les matériaux entourant le plasma des futurs réacteurs de fusion vont devoir subir un bombardement neutronique très intense. Comparé aux réacteurs existants, Le nombre de déplacements des atomes va être multiplié par plusieurs centaines. Le projet IFMIF (International Fusion Materials Irradiation Facility) a été lancé pour l'étude du comportement des matériaux dans cet environnement radiatif sévère. Son objectif est de reproduire un flux de neutrons intense, en bombardant une cible de Lithium liquide avec un faisceau de Deutérium. La source de neutrons d'IFMIF repose sur un ensemble de deux accélérateurs. Chacun accélère 125 mA de Deutérium en continu jusqu'à une énergie de 40 MeV. La puissance totale délivrée sur cible est de 2 x 5 MW. Cette très grande intensité et les hautes qualités de faisceau exigées ont nécessité le lancement au préalable d'une première phase appelée EVEDA (Engineering Validation and Engineering Design Activity). Cette phase de l'expérience a pour objet l'étude en Europe d'un accélérateur prototype à l'échelle un (9 MeV à 1 MW), qui doit être installé à Rokkasho au Japon.
Le défi fondamental d'un faisceau intense est la prépondérance de la force défocalisante de charge d'espace. Dans le cas d'IFMIF cette force atteint jusqu'à cinq fois les forces de focalisation appliquées au faisceau. Les calculs de dynamique faisceau deviennent alors fortement non linéaires et les couplages entre les plans transverses et longitudinal deviennent importants. Des particules se détachent alors du cœur du faisceau formant ainsi le phénomène de halo, générateur de pertes le long de l'accélérateur. La simulation numérique multiparticules reste alors le seul moyen pour étudier en détail le l'évolution du faisceau au cours de son accélération.
Dans les premières sections de l'accélérateur, la principale difficulté est d'atteindre la grande intensité requise de 125 mA en minimisant les pertes qui peuvent être importantes à ce stade. Pour que le RFQ (Radio Frequency Quadrupole), premier élément accélérateur utilisé, puisse transmettre le maximum de particules (une transmission de plus de 95% est visée) le faisceau doit être proprement extrait de la source, focalisé puis injecté de façon optimale. L'optimisation de cette ligne de transport a nécessité le développement d'un code de calcul spécifique afin d'obtenir une carte de potentiel de charge d'espace tenant en compte la compensation par les électrons des gaz résiduels. Quelques dizaines de calculs de dynamique des charges dans le plasma ont été nécessaires, chacun ayant demandé une semaine de simulations sur 50 processeurs en parallèle.
1ère figure:
Haut: Faisceau extrait de la source et injecté dans le RFQ
Bas: Carte de potentiel de charge d'espace tenant en compte la compensation par les électrons des gaz résiduels.
2e figure:
Densité des particules de 10-1 à 10-6 sur le bord externe du faisceau du SC HWR-Linac, en présence d'erreurs standards accumulés sur 200 machines.
A des énergies plus élevées, les pertes génèrent d'une part une dissipation supplémentaire pour le système cryogénique, d'autre part une activation importante des matériaux entourant l'accélérateur. Compte tenu de la puissance du faisceau, les pertes maximales autorisées correspondent à seulement une particule sur 10 millions ! Afin de minimiser la formation de halo et de contrôler la trajectoire des particules périphériques du faisceau une ligne de transport (dite d'adaptation) depuis le RFQ a dû être soigneusement repensée. Le réglage global des éléments focalisants et accélérateurs du Linac supraconducteur a été optimisé par la méthode d'optimisation par essaim de particules (Particle Swarm Optimization). Ce procédé est particulièrement adapté aux fonctions non linéaires et à la recherche de minimums multiples. Le résultat remarquable se maintient même en présence d'erreurs standards de champ ou d'alignement.
Phu-Anh-Phi NGHIEM (SIIEV),
Nicolas CHAUVIN (SACM)
O. Delferrière, R. Duperrier, A. Mosnier, D. Uriot, CEA/DSM/IRFU, Saclay, France
M.Comunian, INFN/LNL, Legnaro, Italy
C. Oliver, CIEMAT, Madrid, Spain
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • pas de titre • Le Département d'Ingénierie des Systèmes (DIS) • Le Département des accélérateurs, de cryogénie et de magnétisme (DACM) • pas de titre