Deux chercheurs de l’Université Nice Sophia Antipolis - Observatoire de la Côte d’Azur, de l’Université Paris Diderot et du CEA, viennent de proposer le premier modèle expliquant l’origine de la grande majorité des satellites réguliers [1] de notre système solaire. D’abord testé en 2010 sur les lunes de Saturne, ce modèle unique expliquerait aujourd’hui la répartition des nombreux satellites des planètes dites « géantes », et permettrait également d’expliquer la présence des satellites autour des planètes dites « terrestres » telles que la Terre ou Pluton. Pour toutes ces planètes, leurs satellites seraient bien nés à partir d'anneaux aujourd'hui disparus. Ces résultats sont déterminants pour comprendre et expliquer de manière universelle la formation des systèmes planétaires. Ces travaux sont publiés le 30 novembre 2012 dans la revue Science.
Les systèmes de satellites des planètes géantes (Jupiter, Saturne, …) et des planètes terrestres (Terre, Pluton, …) sont fondamentalement différents : alors que les planètes géantes sont entourées d’anneaux et d’une myriade de petits satellites, les planètes terrestres en possèdent peu, voire un seul et unique. Jusqu’à présent, deux modèles étaient couramment utilisés pour expliquer la présence de ces satellites réguliers dans notre système solaire. Dans le cas des planètes terrestres comme la Terre ou Pluton, ces modèles indiquent qu’une collision géante serait à l’origine de la formation de leurs satellites. Dans le cas des planètes géantes, ils prévoient que les satellites se seraient formés dans une nébuleuse entourant la planète. Mais, ces modèles ne permettaient pas d’expliquer la répartition spécifique et la composition chimique des satellites en orbite autour des planètes géantes. Une autre théorie semblait donc nécessaire.
En 2010 et 2012, grâce à des simulations numériques et aux données de la sonde Cassini, une équipe de chercheurs français a développé un nouveau modèle décrivant le mécanisme de formation des lunes de Saturne. Les chercheurs ont découvert que les anneaux de Saturne, disques très fins de petits blocs de glace qui entourent la planète, donnaient eux-mêmes naissance à des satellites de glace. En effet, au cours du temps, les anneaux s'étalent et lorsqu’ils atteignent une certaine distance de la planète (appelée « limite de Roche » [2]), leurs extrémités s'agglomèrent formant de petits corps qui se détachent et s'éloignent. Les anneaux peuvent donc régulièrement donner naissance à des satellites en orbite autour de la planète (voir l'animation).
Dans cette nouvelle étude, deux enseignants-chercheurs, Aurélien Crida de l’Université de Nice Sophia-Antipolis et de l’Observatoire de la Côte d’Azur et Sébastien Charnoz de l’Université Paris Diderot et du Service d’Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA, ont voulu tester ce nouveau modèle et savoir si celui-ci pouvait être généralisé à d’autres planètes. Leurs calculs mettent en lumière plusieurs points importants. Ce modèle de formation des satellites à partir d’anneaux explique pourquoi les satellites les plus gros se trouvent à une distance plus éloignée de la planète que les satellites de plus petite taille. De plus, le modèle prévoit aussi la présence d’une accumulation de satellites près de la « limite de Roche » [2], lieu de leur naissance localisée aux extrémités des anneaux. Cette distribution est donc en parfait accord avec le système des satellites de Saturne. Mais le même modèle peut s’appliquer également aux systèmes satellitaires des planètes géantes Uranus et Neptune lesquels suivent la même architecture. Ceci suggère que ces planètes possédaient autrefois des anneaux massifs similaires à ceux de Saturne qu’elles auraient, par la suite, perdus en donnant naissance à leurs satellites. Enfin, ce modèle s’applique aussi à la formation des satellites naturels des planètes terrestres. En effet, suivant les calculs réalisés par les chercheurs, et dans des cas particuliers, un seul et unique satellite peut se former à partir de l’anneau entourant la planète. C’est le cas pour la Terre avec la Lune, et pour Pluton avec Charon. Ainsi, il serait possible d’expliquer, grâce au mécanisme unique d’étalement des anneaux planétaires, le phénomène de formation de la grande majorité des satellites réguliers de notre système solaire.
Ces résultats majeurs suggèrent que les anneaux planétaires pourraient être un phénomène déterminant dans l’apparition des satellites autour des planètes. A terme, et grâce à la compréhension plus détaillée du mécanisme de formation de ces anneaux, les chercheurs pourraient donc aboutir bientôt à un modèle totalement unifié pour la formation des satellites des planètes.
Contact : Sébastien CHARNOZ
voir - le communiqué de presse du CEA (28 Novembre 2012)
voir aussi : Le ballet des lunes de Saturne révèle l'intérieur de la planète (2 septembre 2012)
L'origine des lunes glacées de Saturne enfin dévoilée (21 décembre 2011)
Le secret des anneaux de Saturne (30 juin 2010)
Publication :
"Formation of Regular Satellites from Ancient Massive Rings in the Solar System"
Aurélien Crida et Sébastien Charnoz dans la revue Science, vol 338, n° 6111, p. 1196, 30 novembre 2012 (voir l'article PDF (0.4Mo) )
voir aussi : l'animation de la formation des lunes de Saturne
Notes :
[1] Les satellites réguliers sont les satellites qui orbitent dans le plan de l’équateur de la planète à laquelle ils sont associés.
[2] La limite de Roche équivaut à environ 2,5 fois le rayon de la planète. Lorsque les anneaux d’une planète s’étendent jusqu’à atteindre cette distance, ils deviennent instables et forment des agrégats capables de se coller les uns aux autres pour donner naissance à un satellite qui se détachera par la suite de l’anneau.
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