En utilisant les données du spectromètre CIRS, placé sur la sonde CASSINI actuellement autour de Saturne, deux chercheurs du Service d'Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-Irfu et Université Paris Diderot ont réussi à mesurer l'épaisseur de l’anneau B, le plus dense des anneaux de Saturne. Grâce à un modèle thermique détaillé et des relevés de la température obtenus par CIRS sur une saison saturnienne entre 2005 et 2012, ils ont établi que la chaleur déposée sur la face éclairée semble diffuser en quelques jours à travers l’anneau B. L'épaisseur déduite de l'anneau est entre 3 à 4 mètres alors que l'extension radiale de l'anneau est de plus de 25 000 kilomètres, ce qui en fait la structure la plus fine connue. Ces travaux qui permettent également de mieux estimer la capacité des particules des anneaux à s’agglomérer par autogravitation sont publiés dans la revue Icarus du 1 Mars 2013.
Les célèbres anneaux de Saturne sont des structures composées de particules de glaces et de roches de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de dimension sur une très faible épaisseur. Ils nous sont visibles car ils réfléchissent la lumière du Soleil mais en réalité leur température est très basse, entre 50 et 100 Kelvin suivant la saison (100K, soit -173°C ou 173 degrés au dessous de zéro). Pour cette raison, ils n'émettent pas par eux-mêmes de lumière visible mais un rayonnement infrarouge. A bord de la sonde Cassini, en orbite autour de Saturne depuis 2004, le spectromètre infrarouge CIRS, muni de son détecteur conçu au Service d'Astrophysique du CEA en collaboration ave le LETI/LIR/CEA, a été le premier instrument capable de mesurer directement la température des anneaux avec précision à partir de ce rayonnement infrarouge.
Les anneaux de Saturne sont de véritables « disques laboratoires » où peut être étudiée l'agglomération des particules par attraction mutuelle gravitationnelle ou lors des collisions, pour éventuellement former des corps plus gros comme de satellites. Ainsi des anneaux de Saturne originellement massifs ont sans doute produit en s’étalant à travers la limite de Roche les petits satellites glacés de Saturne (voir Les lunes naissent dans les anneaux). Mais quelle est la masse et l'épaisseur actuelle des anneaux ? Celle de l'anneau B était jusqu'ici particulièrement difficile à déterminer car c'est l'anneau le plus dense. Seules des mesures très locales étaient disponibles.
Les chercheurs ont mis au point une nouvelle méthode pour déterminer l’épaisseur et la densité de l’anneau B à tout endroit, à partir des variations du rayonnement infrarouge mesuré par CIRS sur plus de 8 ans d'observation entre 2004 et 2012.
En comparant l'évolution de la température des faces éclairées et non-éclairées des anneaux au cours d’une saison saturnienne d'environ 7 ans, lorsque les conditions d'éclairage par le Soleil sont différentes, ils ont pu montrer que la température de la face non-éclairée, pourtant insensible au chauffage direct par le Soleil, diminuait cependant avec un Soleil de plus en plus bas sur l’horizon des anneaux.
Variations de température de l'anneau B de Saturne calculées par un modèle modèle thermique pour la face éclairée (courbe du haut) et non-éclairée (courbe du bas) selon l'eclairement du Soleil, entre l'équinoxe où le soleil est rasant (B0=0 degré) et l'été où le soleil est à son maximum d'élévation au-dessus des anneaux (B0=27 degrés). A l'équinoxe les anneaux ne sont chauffés que par Saturne à 50 K tandis que la température monte à 70K et 85K lorsque le chauffage du Soleil est maximum. Ce modèle a permis de mesurer l'épaisseur de l'anneau B de Saturne. Crédits CEA-SAp. |
Grâce à un modèle de diffusion de la chaleur dans l'anneau B en fonction de la taille et la nature des particules et de l’épaisseur et de la densité l'anneau, ils ont montré que le temps de diffusion de la chaleur d’une face à l’autre du disque, impliquait une épaisseur de l’anneau B à son endroit le plus dense de seulement 3 à 4 mètres. Le modèle implique également un disque relativement poreux avec un volume rempli à moins de 25% par les particules. La détection par ailleurs d’ondes d’auto-gravité dans l’anneau permet de déduire de ces travaux une densité de surface de l’anneau de 500 à 700 kg/m2, ce qui confirme des résultats très partiels obtenus par d'autres méthodes. L’analyse complète des données de l’instrument CIRS va se poursuivre pour étudier les variations de température et la structure de l’anneau B car la sonde Cassini, initialement prévue pour durer 4 ans, a été prolongée à deux reprises. Elle devrait poursuivre ses mesures jusqu'en 2017, avant de s'écraser sur la planète. Plus de 13 années d'observations rapprochées de Saturne seront alors réalisées, couvrant un peu moins de la moitié de l'orbite de Saturne autour du Soleil (29 ans).
Contact : Cecile FERRARI
Publication :
“The dark side of Saturn’s B ring: Seasons as clues to its structure"
publié dans Icarus, Volume 223, Issue 1, March 2013, Pages 28-39
Voir également : Les lunes naissent dans les anneaux (28 novembre 2012)
Le ballet des lunes de Saturne révèle l'intérieur de la planète (2 septembre 2012)
Saturne à pile et face (13 janvier 2005)
CIRS : lumière rouge sur Saturne (30 juin 2004)
Rédaction: Cécile Ferrari, Jean-Marc Bonnet-Bidaud
• Structure et évolution de l'Univers › Planètes, formation et dynamique des étoiles, milieu interstellaire
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM