Dans la cadre de la contribution de l’Irfu au projet IFMIF-EVEDA, différents éléments destinés à équiper l’accélérateur LIPAc1 ont été livrés début août vers leur destination finale, le site de Rokkasho au Japon. Cette livraison clôt la phase d’étude démarré en 2008, de conception et de réalisation des diagnostics faisceau de cet accélérateur de deutons de 9 MeV.
Ces diagnostics sont réalisés par trois différents types de détecteurs qui vont permettre la mesure des profils transverses, des pertes et du courant du faisceau sur la partie haute énergie de 5 à 9 MeV. Une première phase d’installation débutera en mi 2015 à Rokkasho pour l’installation de ces diagnostics auprès de l’accélérateur.
Contexte des contributions de l’Irfu au projet IFMIF
Le CEA-Saclay est le principal contributeur européen au projet IFMIF2, plus précisément à la phase d’étude et d’évaluation appelée EVEDA3. Elle consiste à montrer la faisabilité d’une installation d’irradiation pour l’étude des matériaux des futurs réacteurs de fusion soumis à un bombardement neutronique extrêmement intense. Ce programme s’inscrit dans le cadre des accords internationaux signés entre l’Europe et le Japon en 2007, connus sous la dénomination « Approche Élargie ».
Pour l’accélérateur, la validation s’appuie sur l’accélérateur LIPAc, du faisceau continu de deutons de 9 MeV et 125 mA dont l’installation a commencé sur le site de Rokkasho en fin 2013. La fourniture de systèmes importants de l’accélérateur comme l’injecteur, le linac supraconducteur et des diagnostics faisceau, ainsi que leur installation et leur démarrage sont sous la responsabilité des équipes de l’Irfu.
Les diagnostics faisceaux situés sur la partie haute énergie (5 à 9 MeV) doivent faire face aux défis suivants :
puissance du faisceau supérieure à 1 MW capable de vaporiser les matériaux
charge d’espace élevée qui contraint les diagnostics (dimensions, trajectoires)
environnement fortement radioactif
L’Irfu s’est positionné sur la mesure des profils transverses, des pertes et du courant faisceau.
Les profils transverses du faisceau
IPM (Ionization Profile Monitor)
L’essentiel du travail s’est concentré sur la réalisation de moniteur non intrusif4. Il se présente sous la forme d’un détecteur à plaques parallèles dont l’une est portée à un fort potentiel (20 kV) tandis que des strips sont gravés sur l’autre qui est à la masse. Les molécules du gaz résiduel, présentes dans le tube de l’accélérateur, sont ionisées par les particules du faisceau. Les électrons et les ions ainsi produits sont attirés vers les plaques induisant des courants sur les strips proportionnels au profil du faisceau. L’uniformité du champ électrique est essentielle pour un tel détecteur et des simulations ont permis de la renforcer en incorporant des électrodes latérales et centrales. L’un des défis était de s’affranchir de la charge d’espace dont l’effet est d’élargir le profil mesuré. Un algorithme basé sur des simulations incorporant l’allure du champ électrique a été développé.
Ces calculs et simulations ont été validés lors de tests faisceau à GSI Darmstadt, sur Silhi5 ou Silap16 à Saclay. Un ensemble avec 2 voies (X et Y) et un ensemble à 1 voie ont été réalisés.
Linéarité de la réponse d’une chambre d’ionisation en neutrons (CEA Valduc) entre 4 et 12 pA avec différentes électroniques de lecture et test de ces chambres en gamma avec l’irradiateur au 60Co de CoCase (Irfu).
SEM grids (Secondary Electron Emission Monitor with grids)
Lors des étapes de validation à Rokkasho, des profileurs intrusifs s’avèreront nécessaires pour des mesures d’émittance par exemple (profils du faisceau dans l’espace des positions et des vitesses). Les SEM grids, qui proviennent de Spiral2, sont basés sur la mesure des courants d’émission électronique générés par les deutons du faisceau sur les fils de tungstène tendus sur les grilles du moniteur. Les études conceptuelles montrent que les fils (Ø 20 à 100 µm) peuvent atteindre des températures supérieures à 1600°C pour des durées de pulses faisceau de 50 µs délivrés toutes les secondes.
Les espacements entre les fils des grilles étant trop grands, des bobines de déviations dipolaires seront installées sur la ligne. Elles seront fabriquées et envoyées ultérieurement.
Les pertes faisceau
BLoM (Beam Loss Monitor)
Son objectif essentiel est de délivrer un signal rapide (moins de 10 µs) au système de protection de LIPAc afin de stopper l’accélérateur en cas de mauvais fonctionnement. Ce système doit aussi fournir un suivi en ligne (monitoring) des pertes faisceau. L’étude conceptuelle a montré que des chambres d’ionisation utilisées au LHC pourraient convenir. Ce sont des appareils fiables et peu onéreux qui par contre présentent une faible sensibilité à basse énergie. Dans notre cas, cet effet est amplifié par le fait que les deutons sont arrêtés dans le tube faisceau et que seuls les neutrons et les gammas peuvent s’en échapper. Une électronique frontale à double étage à été développée au Sédi pour prendre en compte ces impératifs. Le signal des chambres d’ionisation est amplifié et traité, d’une part par un discriminateur à seuil pour délivrer le signal rapide pour la sécurité de l’accélérateur, et d’autre part les signaux traités sont intégrés permettant des mesures de courant allant du pA à une centaine de nA.
µLoM (micro Loss Monitor)
Le réglage du faisceau de LIPAc présente un tel défi que l’équipe de dynamicien faisceau du SACM a proposé une nouvelle technique qui s’appuie sur la minimisation du halo au dépens de l’optimisation usuelle de son cœur. Le halo peut s’évaluer en mesurant des pertes faisceau avec une bonne sensibilité et une bonne résolution spatiale. L’objectif est d’évaluer ces pertes en implantant ces µLoM dans le cryostat du linac supraconducteur, au plus près des cavités. Nous avons entrepris cette étude en utilisant des diamants (CVD pour Chemical Vapour Deposition) de 4*4 mm2 et 500 µm d’épaisseur. Seule l’étude a été remise à LIPAc pour approbation dans un premier temps, et pour définition d’une stratégie de réalisation dans un second temps.
Current Transformer (CT) pour la mesure de l’intensité du faisceau
La mesure du courant du faisceau est assurée par 5 CTs. Le faisceau, vu comme le courant primaire du transformateur, passe à travers l’ouverture du tore magnétique induisant un courant dans le circuit secondaire. De la mesure de celui-ci est déduit le courant du faisceau en utilisant les relations connues des transformateurs. LIPAc sera équipé des 3 types de transformateurs suivants :
Ces moniteurs ont été fabriqués par l’entreprise Bergoz à Saint-Genis Pouilly.
La description de l’ensemble de ces moniteurs ne doit pas éluder l’important développement du control system, de l’électronique frontale et du bureau d’étude dans lesquels les équipes de l’Irfu se sont impliquées talentueusement.
Ce travail entamé en 2008, devra se poursuivre à Rokkasho pour l’installation de ces diagnostics ainsi que durant les phases de validation du RFQ et du Linac supraconducteur.
Une première phase d’installation débutera en mi 2015 à Rokkasho.
1 LIPAc : Linear IFMIF Prototype Accelerator
2 IFMIF : International Fusion Materials Irradiation Facility
3 EVEDA : Engineering Validation and Engineering Design Activity
4 Jean Egberts, « IFMIF-LIPAc Beam Diagnostics: Profiling and Loss Monitoring Systems », thèse Irfu soutenue le 25 septembre 2012.
5 Silhi : Source d’Ions Légers à Haute Intensité
6 Silap1 : Source d’Ions Lourds à Aimants Permanants
contact : Jacques Marroncle
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP)