Un des instruments du satellite INTEGRAL qui surveille le ciel en permanence était actif au moment de la découverte de la première onde gravitationnelle GW150914 résultant de la fusion de deux trous noirs, mesurée par l'instrument LIGO. Il a permis de rechercher l'existence d'une source de lumière de haute énergie associée à cet événement exceptionnel. Grâce à un détecteur couvrant la quasi totalité du ciel, INTEGRAL a permis de conclure qu'au moment exact du passage de l'onde gravitationnelle dans l’environnement de la Terre, aucune émission forte de rayons gamma n'est apparue. En théorie, la fusion de deux trous ne s'accompagne d'aucune émission lumineuse et cette observation conforte ce scénario. La capacité du satellite INTEGRAL à détecter des évènements brefs et soudains dans le ciel (comme pour ses multiples détections de sursauts gamma) pourra s'avérer en revanche très précieuse pour d'autres événements d’ondes gravitationnelles telle que la fusion d'étoiles à neutrons ou les explosions d’étoiles très massives, sources potentielles d’ondes gravitationnelles et de rayonnement gamma. Ces résultats sont publiés dans la revue Astrophysical Journal Letters du 30 mars 2016.
Le satellite INTEGRAL (INTErnational Gamma-Ray Astrophysics Laboratory), lancé le 17 octobre 2002, comporte deux instruments, l'imageur IBIS ((Imager on-Board the INTEGRAL Satellite) et le spectromètre SPI (SPectrometer for Integral), capables de localiser et mesurer l'énergie des rayons X-durs et gamma d'énergie (15 keV-10 MeV). Le CEA a fortement contribué au développement de ces instruments (pour en savoir plus).
Afin d'éliminer en permanence les particules chargées, le plan de détection principal du spectromètre SPI est bordé par un bouclier d'anticoïncidence (SPI/ACS). Ce dispositif à grand champ de vue observe le ciel en permanence, dans quasiment 4-pi stéradians et dans la gamme d'énergie entre 75 keV et 2 MeV avec une résolution temporelle de 50 millisecondes. Sans pouvoir fournir d'image, il permet néanmoins de détecter toute variation brutale d'émission gamma et sert notamment pour détecter les sursauts gamma, brèves bouffées de rayons gamma associées à certaines explosions d'étoiles.
En connaissant le temps exact de l'arrivée sur Terre de l'onde gravitationnelle GW150914 détectée par l'installation LIGO, le 14 septembre 2015 à 9h 09:50:45 UTC très exactement, les scientifiques on pu rechercher si cet événement s'était accompagné d'une émission de rayons gamma. Aucune émission particulière n'a été trouvée. Les chercheurs ont pu aussi reconstituer le flux maximal détectable selon la position de la source dans le ciel. Dans toute la boîte d'erreur de l'onde gravitationnelle détectée par LIGO, ils ont pu établir que l'émission éventuelle en rayons X dur et gamma, liée à cet événement, avait une énergie au moins un million de fois plus faible que celle propagée par l'onde gravitationnelle.
Les données d'un autre satellite, le FERMI Gamma-ray Space Telescope, ont récemment suggéré l'existence d'une bouffée de rayons gamma, survenue seulement 0,4 seconde après l'onde gravitationnelle. Ce sursaut aurait été détecté par un des intruments à bord, le GBM (Gamma Burst Monitor) qui permet d'observer les rayons X-gamma d'énergie comprise entre 8 keV et 30 MeV (voir arXiv:1602.03920). Mais le détecteur à bord d'INTEGRAL, environ 10 fois plus sensible que le GBM à bord de Fermi, ne confirme pas l'existence de ce sursaut qui n'est donc sans doute pas lié à un évènement cosmique.
Le mécanisme le plus probable ayant donné naissance à l'onde gravitationnelle, la fusion de deux trous noirs, ne devrait pas s'accompagner d'une émission lumineuse importante, la lumière restant captée par l'intense gravitation. Une émission lumineuse est néanmoins possible si de la matière est présente autours des deux corps massifs.
La détection d'une source de lumière associée à une onde gravitationnelle a une importance capitale pour la compréhension du phénomène et le test de la théorie de la Relativité générale (RG). En effet, la coïncidence d'un double signal gravitationnelle et lumineux permettrait de vérifier la vitesse exacte de l'onde gravitationnelle. Selon la RG, la vitesse des ondes gravitationnelle devrait être très exactement égale à celle de la lumière. Tout écart amènerait à une modification de la théorie de la gravitation, fournissant en particulier la masse de l'hypothétique "graviton"
Contact : Philippe Laurent (LEPCHE)
Publications :
" INTEGRAL upper limits on gamma-ray emission associated with the gravitational wave event GW150914 "
Savchenko, V. et al, 2016, ApJ Letters (30 mars 2016) (arXiv:1602.04180)
voir : le Fil Science CEA (30 mars 2016)
le communiqué de presse de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) (30 mars 2016)
voir aussi : les résultats du satellite INTEGRAL
Voir également : "Quelques liens sur la découverte des ondes gravitationnelles" (20 février 2016)
"L'astronomie découvre enfin le point G" (20 février 2016)
Rédaction : Jean-Marc Bonnet-Bidaud
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM