Grâce à une combinaison unique d’observations réalisées par les plus grands télescopes du monde, une collaboration internationale dirigée par des chercheurs du Service d'Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-Irfu a détecté le plus lointain amas de galaxies jamais découvert dans l’Univers. Remontant 11,5 milliards d’années dans le passé de l’Univers, l’instantané de cet amas révèle 17 galaxies en pleines « flambées d’étoiles », période de grosse activité de formation stellaire. C’est la première fois qu’une telle structure, captée au moment de sa formation, est détectée aussi loin, alors que l’Univers n’avait « que » 2,5 milliards d’années. Ces résultats, obtenus grâce aux compétences du CEA associé notamment à l’Institut de radioastronomie millimétrique (Iram), au CNRS, et à l’Université Paris Diderot, ouvrent un pan de compréhension sur comment l’Univers s’est structuré dans sa jeunesse. Ils sont publiés dans la revue Astrophysical Journal du 30 aout 2016.
Les amas de galaxies constituent les plus grandes accumulations de matière soudées par la gravitation nées depuis le Big Bang. Selon le scénario accepté de formation hiérarchique des structures, ils se seraient formés en dernier, après les étoiles puis les galaxies. Trouver les premiers amas de galaxies formés dans l’Univers permet donc de tester notre compréhension de l’histoire de l’Univers. Pour la première fois, les cosmologistes ont découvert un amas de galaxies dans un univers très jeune, alors que ses galaxies vivent encore leur phase d’adolescence, en pleine flambées d’étoiles.
En combinant les observations des télescopes IRAM-NOEMA, JVLA, Chandra, ALMA, VLT et HST [1], les chercheurs révèlent que ces premières structures auraient émergé environ 2,5 milliards d’années après le Big Bang (l’Univers a aujourd’hui 13,8 milliards d’années). Les galaxies naissent dans des régions de gaz si compactes que la poussière interstellaire absorbe leur lumière, les rendant difficilement détectables. Elles forment alors leurs étoiles par flambées. Cet amas de galaxies avait donc échappé aux observations des astrophysiciens. Identifié par ses couleurs infrarouges, son existence fut mise à jour par l’observatoire IRAM-NOEMA, qui a mesuré avec précision la distance des galaxies en captant la signature de la molécule de monoxyde carbone présente en abondance dans ces galaxies naissantes. Ces mesures ont été confirmées avec le VLT et le JVLA. La preuve définitive de la puissante gravité régnant dans cet amas est venue de la détection par l’observatoire spatial Chandra de son gaz intergalactique chauffé à plusieurs millions de degrés.
Détection du plus lointain amas de galaxies jamais observé. L’image de gauche montre en violet l’émission de rayons X, captés par le satellite Chandra, rayonnés par la matière située entre les galaxies et chauffée à plusieurs millions de degrés par l’énorme gravité de l’amas. Chaque point sur l’image représente une galaxie avec ses centaines de milliards d’étoiles. L’image de droite montre un zoom sur le cœur de l’amas de galaxies avec ses 17 galaxies en pleine « flambée d’étoiles » identifiées par le rayonnement de leur matière interstellaire (via la détection des molécules par IRAM-NOEMA, et des poussières par ALMA). L'emission ALMA est indiquée par les contours et l'émission X par les lignes pointillées avec l'indication du décalage vers le rouge des galaxies. © Chandra/IRAM/ALMA
Cet amas de galaxie présente aussi des propriétés étonnantes par rapport à ceux classiquement observés : il dénote un très fort taux de formation d’étoiles, preuve qu’il a été découvert juste après sa naissance. Jusqu’à présent, les galaxies appartenant à des amas étaient généralement observées « mortes », ne formant plus de nouvelles générations d’étoiles. Dans cet amas, au contraire, les galaxies forment leurs étoiles au rythme très élevé de plusieurs centaines par an, ce qui permet d’étudier comment les galaxies se transforment en « société », lorsqu’elles sont constituées en amas de galaxies.
La formation d’une telle structure si tôt après le Big Bang indique qu’il s’agit d’une région exceptionnelle de l’Univers, où la matière est plus concentrée que partout ailleurs. Son existence pose à elle seule un problème de taille aux modèles théoriques des astrophysiciens.
[1] L’étude a été rendue possible grâce au soutien du projet européen FP7 ASTRODEEP #312725. Elle a été réalisée avec les télescopes NOEMA (NOrthern Extended Millimeter Array), JVLA (The Karl G. Jansky Very Large Array), Chandra, ALMA (Atacama Large Millimeter Array), VLT (Very Large Telescope) et HST (Hubble Space Telescope).
Contact : Tao Wang, David Elbaz
Publication :
"Discovery of a galaxy cluster with a violently starbursting core at z=2.506"
Tao Wang, David Elbaz, Emanuele Daddi, et al., sous presse dans la revue The Astrophysical Journal
pour la version électronique : publication (PDF).pdf et arxiv.org/abs/1604.07404
Voir : le communiqué de presse CEA-CNRS
: le communiqué de presse Observatoire Chandra-NASA (en anglais)
Voir aussi : Découverte d'un jeune amas stellaire dans l’Univers lointain (7 mai 2015)
Voir aussi : - Les clés de l'évolution des galaxies (Point Presse - 7 juin 2013)
Voir : Communication du Service d'Astrophysique
• Structure et évolution de l'Univers › Evolution des grandes structures et des galaxies
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM