La nouvelle caméra submillimétrique ArTéMiS a été ré-installée avec succès en juin 2016 sur le télescope APEX, dans le désert d’Atacama au Chili. Dans sa nouvelle configuration, avec un nombre accru de détecteurs, cette caméra permet d’obtenir simultanément des images à 350 et 450 microns. ArTéMiS produit des données avec un pouvoir de résolution angulaire plus de trois fois meilleur que celui du satellite Herschel aux mêmes longueurs d’onde, et un facteur 2 à 3 fois meilleur que l’instrument LABOCA, également installé sur APEX, et qui observe à 870 microns. La combinaison de cartes obtenues à différentes longueurs d’onde est essentielle pour caractériser pleinement les conditions physiques (température, densité...) de la matière interstellaire dense qui forme les étoiles.
Grâce à son grand nombre de pixels (plus de deux mille), et à leur bonne sensibilité, ArTéMiS offre une vitesse de cartographie impressionnante, comme illustrée ci-dessus sur les cartes du « filament intégral » associé à la fameuse nébuleuse d’Orion. Ces cartes couvrent une région de près d’un degré d’étendue, et combinent des données accumulées en à peine une vingtaine d’heures d’observations avec le télescope APEX. ArTéMiS est le seul instrument imageur disponible pour ces longueurs d’onde dans l’hémisphère sud. L’accès à cet instrument est offert à l’ensemble de la communauté astronomique, via les appels à propositions de l’ESO et de l’OSO.
Le gain en résolution spatiale par rapport à Herschel fait d’ArTéMiS un outil puissant pour caractériser de manière précise la structure des filaments interstellaires et des proto-étoiles dans les régions de formation d’étoiles massives de notre Galaxie.
L’une des découvertes de l’observatoire spatial Herschel a été de démontrer que les étoiles naissent principalement dans des filaments denses. Dans les nuages interstellaires les plus proches appartenant à la Ceinture de Gould comme les régions Aquila (l’Aigle) et Taurus (le Taureau) situés à moins de mille cinq cents années-lumière du Soleil, Herschel a aussi montré que ces filaments ont tous à peu près la même largeur voisine de seulement 0,3 années-lumière. Les résultats d’Herschel favorisent un « paradigme filamentaire » dans lequel les filaments interstellaires et les coeurs denses pré-stellaires représentent deux étapes clés du processus de formation des étoiles de type solaire.
Le pouvoir de résolution d’Herschel était néanmoins insuffisant pour résoudre la largeur des filaments interstellaires observés dans les régions de formation d’étoiles massives situées au-delà de la Ceinture de Gould comme la nébuleuse de la Patte de Chat (à une distance d’environ cinq mille cinq cents années-lumière). Une question importante laissée en suspens par Herschel était donc celle de l’applicabilité du paradigme filamentaire aux régions de formation d’étoiles massives.
La région de formation d’étoiles massives dénommée NGC 6334, aussi connue sous le nom de nébuleuse de la Patte de chat, a été l’une des premières régions « photographiée » par la caméra ArTéMiS à 350 microns à la suite de la première installation de l’instrument sur le télescope APEX lors de l’été 2013.
L’image obtenue avec ArTéMiS est d’une grande qualité et a fait la couverture du numéro d’août 2016 de la revue Astronomy and Astrophysics. Elle a permis de résoudre pour la première fois la taille transverse du filament principal de la région NGC 6334 (indiqué en violet sur l’image ci-dessous). L’analyse détaillée des résultats, publiée dans le même numéro de la revue A&A, a montré que la largeur du filament demeure à peu près constante et d’environ 0,5 années-lumière de diamètre tout le long des 30 années-lumière du nuage. Cette largeur est très semblable à celle mesurée avec Herschel pour les filaments des régions de formation d’étoiles de type solaire de la Ceinture de Gould.
Bien qu’une conclusion définitive demandera l’étude d’un plus grand nombre de filaments, ce premier travail détaillé permis par la caméra ArTéMiS montre que les résultats obtenus avec Herschel sur les filaments les plus proches ne sont pas limités aux régions de formation d’étoiles de type solaire et suggère que le paradigme filamentaire issu des observations du satellite Herschel est peut-être quasi-universel.
Contacts : Philippe ANDRÉ, Vincent REVÉRET, Vera KÖNYVES et Frédéric SCHULLER
Publication :
« Characterizing filaments in regions of high-mass star formation: High-resolution submilimeter imaging of the massive star-forming complex NGC 6334 with ArTéMiS »
Ph. André, V. Révéret, V. Könyves et al. (2016) publiée dans la revue Astronomy & Astrophysics A&A, 592, A54
Voir aussi :
- Herschel dénoue les filaments interstellaires (13 avril 2011)
- Plongée au cœur de la formation des étoiles avec ArTéMiS (25 septembre 2013)
- Les étoiles naissent dans des filaments denses (6 juin 2016)
- "From Filamentary Networks to Dense Cores in Molecular Clouds: Toward a New Paradigm for Star Formation" Ph. André, J. Di Francesco, D. Ward-Thompson et al., Review chapter in "Protostars and Planets VI", University of Arizona Press (2014), p. 27, eds. H. Beuther et al.
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• Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
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