L’expérience CAST (CERN Axion Solar Telescope) vient de publier dans Nature Physics de nouveaux résultats sur les propriétés des axions. Les axions sont des particules dont l’existence a été imaginée dans les années 70 pour résoudre un problème fondamental de la physique des particules concernant l’asymétrie entre la matière et l’antimatière. Ces particules seraient très légères et interagiraient très peu avec la matière, si peu que pour l’instant elles n’ont pas encore pu être détectées.
Bien que les axions ne soient toujours pas au rendez-vous, CAST a obtenu les meilleurs limites à l’heure actuelle sur le couplage entre les axions et les photons dans une zone de l’espace de paramètres qui est très difficile à explorer expérimentalement. Ces résultats ont été rendus possibles grâce à la performance d’un détecteur Micromegas, développé à l’Irfu, couplé à une optique de focalisation pour rayons X. Ce système détecteur-optique a été optimisé pour la première fois pour une expérience d’axions solaires et sera un précurseur pour les expériences à venir. En particulier, l’expérience IAXO (International Axion Observatory), qui vise à améliorer la sensibilité sur la constante de couplage axion-photon de 1.5 ordres de grandeur par rapport aux meilleures limites actuelles, profitera de ces développements pour ses systèmes de détection.
L'expérience CAST
Les axions sont des particules dont l’existence a été postulée dans les années 70 pour résoudre un problème fondamental dans le Modèle Standard de la physique des particules concernant l’asymétrie entre la matière et l’antimatière. Ces particules, neutres, de très faible masse, sont un candidat pour expliquer la matière noire dans l’univers. Les modèles théoriques et les observations astrophysiques contraignent la masse des axions à un intervalle compris entre quelques µeV/c2 et quelques eV/c2.
L’idée clef de l’expérience CAST est d’utiliser le soleil comme source d’axions. Pour pouvoir détecter ces axions issus du soleil, des aimants très puissants sont nécessaires : en effet, les axions peuvent être convertis en photons, mais cette conversion nécessite des champs magnétiques très intenses. Pour cela, l’expérience CAST utilise le champ magnétique intense (9 T) produit par le prototype d’un aimant LHC pour convertir les axions solaires en photons. L’aimant est monté sur un rail, montré en figure 1, afin d’observer le soleil à son lever et à son coucher, d’où l’appellation « d’hélioscope à axions ». Un signal d’axions doit se manifester lors de l’observation du soleil par un excès de photons X avec une énergie moyenne de 4 keV. Des détecteurs sensibles aux rayons X ont été installés à chaque extrémité des tubes à vide de l’aimant. Pour observer le signal, noyé dans le bruit de fond du rayonnement cosmique et de la radioactivité naturelle, les détecteurs doivent être conçus avec des matériaux à faible radioactivité et doivent être capables d’avoir une bonne rejection du bruit de fond et faire ressortir les événements issus de la conversion d’axion : en effet, on s’attend à seulement un événement toutes les 30 heures !
Photos pendant l’installation du détecteur Micromegas (en cuivre orange) entouré de briques de plomb et couplé à l’optique de focalisation. Dans la photo de gauche on voit comment la ligne détecteur-optique est également connectée au dipôle LHC.
Les résultats:
Les résultats de l’article qui vient d’être publié dans Nature Physics concernent l’analyse des données enregistrées entre 2014 et 2015 avec trois systèmes de détection de type Micromegas conçus et développés par l’Irfu et l’Université de Zaragoza. Deux détecteurs Micromegas étaient couplés directement à l’aimant et le troisième détecteur était situé dans le plan focal d’une optique de focalisation optimisée pour CAST développée par Lawrence Livermore National Laboratory. Les détecteurs étaient des petites chambres à projection temporelle avec un plan de lecture de type microbulk [1], technologie très radiopure développée par les équipes de l’Irfu équipés par une électronique et un système d’acquisition également développés à l’Irfu [2,3]. Les matériaux des détecteurs ont été soigneusement choisis pour minimiser leur radioactivité et étaient entourés d’un blindage passif (cuivre et plomb) ainsi que d’un blindage actif (scintillateurs plastiques). Ces efforts ont abouti aux niveaux du bruit de fond le plus bas jamais obtenu dans l’expérience CAST[4].
CAST n’a pas trouvé d’évidence d’axion solaires. Mais l’absence de signal a pu être traduite par une limite sur la constante de couplage, qui est montrée en figure 2. Cette limite représente la meilleure limite actuelle pour la constante de couplage entre les axions et les photons dans un large intervalle de masse. L’amélioration en sensibilité d’environ un facteur 3 par rapport aux premiers résultats de CAST précédents est due à l’amélioration du bruit de fonds de détecteurs ainsi qu’au développement d’une optique de focalisation optimisée pour la recherche d’axions.
Cette limite concerne une partie de l’espace de paramètres d’axions qui est privilégiée par les modèles théoriques et qui est très difficilement atteignable par les expériences. Cette zone est intéressante car elle pourrait pointer vers une nouvelle physique au-delà du Modèle Standard. Pour la première fois, CAST atteint des sensibilités similaires à celles obtenues par les observations astrophysiques.
La figure ci-contre montre les limites sur la constante de couplage axion-photon en fonction de la masse de l'axion. La bande jaune montre la région favorisée par les modèles d’axions. La ligne bleue montre la limite CAST dépassant la limite obtenue par les contraintes stellaires et astrophysiques (lignes pointillées « Sun » et « HB » pour Horizontal Branch stars). Les régions exclues par les expériences dites de laboratoire (PVLAS, OSQAR) ont également montrées ainsi que les limites obtenues par les expériences avec des détecteurs pour la matière noire (DAMA) et le Helioscope SUMICO. A faible masse, 10-6-10-5 eV, ce sont les haloscopes (expériences qui cherchent des axions venant du halo) qui sont les plus sensibles.
Et après:
La chasse aux axions solaires continuera avec l’expérience International Axion Observatory (IAXO) [5]. Ce hélioscope de 4eme génération, vise à améliorer la sensibilité sur la constante de couplage axion-photon de 1.5 ordres de grandeur par rapport aux meilleures limites actuelles. Ceci sera possible grâce a un aimant toroïdal spécialement conçu pour IAXO, de 20 m de long et équipé de 8 systèmes de détection au plan focal de chacune des 8 optiques de focalisation. La ligne de base pour les systèmes de détection est la technologie Micromegas comme celle développée pour CAST. En attendant IAXO, les résultats de CAST resteront une référence pour les années à venir et guideront les développements futurs.
Contacts: Stephan Aune, Esther Ferrer-Ribas, Ioannis Giomataris, Thomas Papaevangelou
Références :
[1] S. Andriamonje et al., “Development and performance of Microbulk Micromegas detectors”, JINST 5 (2010) P02001.
[2] P. Baron et al., “Architecture and implementation of the Front-End Electronics of the Time Projection Chambers in the T2K Experiment, IEEE Trans.Nucl.Sci. 57 (2010) 406-411.
[3] D. Calvet, “A Versatile Readout System for Small to Medium Scale Gaseous and Silicon Detectors », IEEE Trans. Nucl. Sci. 61 (2014), no. 1 675-682.
[4] F. Aznar et al., "A Micromegas-based low-background x-ray detector coupled to a slumped-glass telescope for axion research" JCAP 1512 (2015) 008
[5] E. Armengaud et al., "Conceptual Design of the International Axion Observatory", JINST 9 (2014) T05002.
En savoir plus :
http://www.nature.com/nphys/journal/vaop/ncurrent/full/nphys4109.html
http://www.nature.com/nphys/journal/vaop/ncurrent/full/nphys4139.html
http://home.cern/about/updates/2017/05/cern-casts-new-limits-dark-matter
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP)