Matière noire et énergie noire
La matière exotique de l'univers

Une équipe internationale d'astronomes, à laquelle participent des scientifiques du Service d'Astrophysique du CEA/DSM/DAPNIA, vient de créer pour la première fois une image précise en trois dimensions d'une région de l'Univers contenant matière noire et galaxies. Cette carte, la plus précise et la plus vaste jamais obtenue, couvre une région du ciel grande comme environ neuf fois la surface d'une pleine Lune. Elle a été établie à partir de près de 1000 heures d'observations par le satellite spatial Hubble complétées par 30 nuits d'observations du télescope japonais Subaru à Hawaii et permet de reconstruire l'enchevêtrement de matière visible et invisible jusqu'à des distances de cinq milliards d'années lumière (environ la moitié de l'âge de l'Univers).  Cette première grande cartographie en trois dimensions démontre que la matière visible (étoiles et galaxies) se forme au coeur des concentrations de matière noire, confirmant la théorie de formation des grandes structures. Ces résultats sont présentés à la réunion de la Société Astronomique Américaine (AAS) et font l'objet d'un article en ligne de la revue Nature du 7 janvier 2007.

 

Voir la matière noire


La matière noire est une composante majeure de l'Univers, plus de six fois plus abondante que la matière visible ordinaire. Elle a pour particularité de n'émettre aucun rayonnement et de n'interagir que par l'action de la gravité [1]. Pour découvrir sa distribution dans l'espace, les astronomes utilisent la déviation de la lumière qu'elle produit par sa gravité, un effet baptisé "lentille gravitationnelle"

 

La lumière des galaxies lointaines voyage dans l'espace et traverse sur le chemin des concentrations de matière (galaxies, amas de galaxies, matière noire) avant de nous atteindre. La lumière est alors légèrement déviée et cette infime déviation nous renseigne sur la distribution et la quantité de matière traversée, qu'elle soit visible ou invisible. L'effet est analogue à celui d'une lentille déformant légèrement le paysage d'arrière-plan. Ce sont ces distorsions gravitationnelles qui permettent d'établir la carte de la matière noire (cliquer sur l'illustration pour agrandir).

La connaissance de la distribution de la matière noire dans l'espace est indispensable pour comprendre comment les galaxies se forment et  évoluent  dans l'univers.

 

Tranches d'Univers visible et invisible

Le télescope spatial Hubble (HST) a consacré plus de 1000 heures d'observation à une région du ciel  soigneusement choisie pour permettre la meilleure étude de la matière noire, dans le cadre d'une vaste collaboration internationale baptisée COSMOS . Pas moins de 575 images à haute définition ont été obtenues par le HST auxquelles ont été jointes des images profondes obtenues en différentes couleurs par plusieurs grands télescopes au sol (Subaru, Kitt Peak,  ). Enfin des milliers de spectres de galaxies ont été obtenues à l'observatoire européen austral VLT. Les spectres et les couleurs de galaxies sont utilisés pour déterminer avec précision la distance des galaxies.

L'analyse pour mesurer la déformation gravitationnelle des images de galaxies  a été réalisée par des méthodes numériques originales baptisées "multi-échelles", développées au CEA/DSM/DAPNIA. Ce traitement permet d'adapter l'analyse aux différentes dimensions des objets recherchés. Les formes d'un demi-million de galaxies ont ainsi été étudiées.

 
Matière noire et énergie noire

Carte de la matière noire (en bleu, à gauche) et de la matière visible (en rouge, à droite) d'une même région d'Univers. Les concentrations les plus denses de matière se retrouvent identiques sur les deux images démontrant que la matière visible se concentre dans les régions où la matière noire domine (Droits: R.Massey/NASA )

Ce gigantesque programme a fourni la meilleure carte actuellement disponible de la répartition de la matière visible et invisible. Cette image apporte une des meilleures preuves que la matière visible, galaxies et gaz, s'accumule dans les régions les plus denses de matière noire, en accord avec le théorie actuelle de formation des grandes structures. Dans cette théorie, les galaxies naissent en effet à partir de petites "grumeaux" dans un Univers presque  totalement homogène au début de l'expansion. Ces grumeaux sont ensuite amplifiés par l'action déterminante de la grande quantité de matière noire qui attire et concentre également la matière visible.

Pour la première fois, les cartes ont aussi été obtenues pour différentes distances (et donc différents âges de l'Univers, en raison du temps de voyage de la lumière) et ont révélé que les filaments de matière noire se concentraient progressivement au cours du temps et se rencontraient dans des régions où semblent se former préférentiellement les grands amas de galaxies visibles

 
Matière noire et énergie noire

Cartographie de la matière noire selon la distance dans trois tranches d'Univers correspondant à un âge de 7 (z=0.7), 9 (z=0.5) et 10 (z=0.3) milliards d'années et montrant la concentration progressive de matière noire au cours de l'évolution cosmique (Droits: R.Massey/NASA ; cliquer pour agrandir)

Euclid : vers une carte globale de la matière noire

L'apport de l’imagerie spatiale est capital pour l’étude de la matière noire. Dans la prochaine décennie, des projets spatiaux en cours d’études, comme le projet Dune (Dark Universe Explorer), mené par le CEA/DSM/DAPNIA, utiliseront la technique de lentille gravitationnelle pour faire un relevé de la matière noire sur un champ dix mille fois plus grand que celui du projet COSMOS. Avec un tel relevé, les astrophysiciens pourront étudier, sur la moitié du ciel, le rôle de la matière noire dans la formation des grandes structures de l’Univers. Ils pourront alors déterminer également les propriétés de l’énergie noire [2], une autre composante mystérieuse de l’Univers, qui produit aujourd’hui une accélération de son expansion, et dont la nature est une des plus grandes questions actuelles de la physique fondamentale. Le projet Dune a fait l’objet en 2005 d’une pré-étude avec le Centre National d'Etudes Spatiales (CNES) et est sur le point d’être proposé par un consortium international à l’Agence Spatiale Européenne dans le cadre d'un vaste programme de prospective baptisé "Cosmic Vision 2015 – 2025".

MP3 (1.5Mo) Interview A. Refregier (RFI/Micromega 15h  14/01/07 ) - fichier WMA(PC)  - fichier MPEG(Mac)

 

 
#2521 - Màj : 12/01/2009

 

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