Les poussières interstellaires présentent des raies en émission aux longueurs d'onde de 6.2, 7.7, 8.3, 11.3 et 12.8 microns. Les émetteurs sont le plus généralement assimilés à des molécules particulières, les hydrocarbures polycycliques aromatiques, dits "PAH". Constitués d'un réseau hexagonal de carbone (structure du graphite) entouré d'atomes d'hydrogène, ils sont très résistants aux conditions hostiles du milieu interstellaire et présentent les motifs spectraux typiques cités, qui dépendent peu de la forme et de la taille. Ils sont formés d'une vingtaine à quelques centaines d'atomes, nettement plus grands que les autres molécules interstellaires.
Les motifs spectraux ont une forme significative. Ils sont plus larges que les raies interstellaires, et surtout présentent un profil dit "de Lorentz" (Fig. 1), en opposition aux autres raies interstellaires qui sont plus étroites, avec un profil dit "de Gauss". Cette constatation signale un phénomène physique de base. La largeur d'un motif spectral est inversement proportionnelle à la durée de vie en l'état excité du niveau atomique ou moléculaire qui lui donne naissance (incertitude d'Heisenberg). Dans les petites molécules ou les atomes, ce temps est relativement long, les raies sont étroites, et la largeur observée est due à l'agitation thermique du milieu (d'où la forme de Gauss). Pour les PAH, la situation est inversée. Ces grosses molécules sont capables d'absorber toute l'énergie d'un photon du domaine visible ou ultraviolet sans être détruites ; elles sont simplement portées à une température de quelque centaines de degrés Kelvin. L'énergie absorbée se répartit instantanément dans les très nombreux modes de vibrations, et passe d'un mode à l'autre en une fraction de picoseconde (10-12 seconde: phénomène dit de "conversion vibrationnelle interne"). La largeur du motif reflète la durée de vie du dernier mode vibrationnel occupé avant l'émission. Des études théoriques et expérimentales sur de grandes molécules le confirme et conduisent à des largeurs comparables à celles qui sont rapportées ici. Ces constations apportent une confirmation substantielle à l'attribution des motifs spectraux observés dans l'infrarouge moyen à des molécules du type hydrocarbure polycyclique aromatique (PAH).
Ce travail est fondé sur des observations effectuées avec le spectrographe ISOCAM à bord du satellite ISO.