La vitesse de rotation d’une étoile à neutrons à sa naissance est un paramètre important pour mieux comprendre la nature du progéniteur et les processus dynamiques liés à l’effondrement du cœur de l’étoile massive. Néanmoins, la distribution des vitesses de rotation initiale des pulsars est loin d’être connue. Une étude menée par R. Kazeroni du Service d’Astrophysique/laboratoire AIM (SAp) du CEA-Irfu et ses collaborateurs vient, via des simulations numériques, de souligner l’efficacité de l’instabilité hydrodynamique appelée « SASI » pour impulser une vitesse de rotation à l’étoile à neutrons. De manière surprenante, les simulations montrent que dans certains cas, la rotation de l’objet compact est de sens opposé à la perturbation qui lui donne naissance. Ces travaux sont publiés dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
A la fin de sa vie, le coeur de fer d'une étoile au moins dix fois plus massive que le Soleil s'effondre sous son propre poids. En moins d'une seconde, le coeur de fer de 3000km de diamètre se comprime en une boule de neutrons de quelques dizaines de kilomètres. Une onde de choc se forme et s'immobilise à un rayon d'environ 150km, tandis que l'effondrement de l’enveloppe stellaire se poursuit. L'immense réservoir d'énergie gravitationnelle libérée dans cette contraction est transporté sous forme de neutrinos qui chauffent alors la matière sous l'onde de choc. L'explosion se déclenche lorsque l'énergie déposée par les neutrinos devient suffisante pour arrêter le mouvement d'effondrement et relancer l'onde de choc. Le succès de l'explosion et la formation d'une étoile à neutrons n'est possible qui si cette phase de chauffage est suffisamment brève, de l'ordre de la seconde. Dans le cas contraire, l'étoile à neutrons devient elle-même trop massive et s'effondre finalement en trou noir. De nombreuses simulations numériques ont montré l'importance d'une dynamique multi-dimensionnelle par rapport à un modèle à symétrie sphérique. Les mouvements transverses augmentent le temps de chauffage de la matière et facilitent ainsi le déclenchement de l'explosion.
Depuis 2003, les spécialistes étudient le rôle de l'instabilité SASI (Standing Accretion Shock Instability) capable de faire osciller globalement l'onde de choc. Cette instabilité pourrait favoriser le déclenchement de l'explosion en induisant des mouvements de turbulence et de convection qui ralentissent la chute de l'enveloppe stellaire vers l'étoile à neutrons, augmentant ainsi l'efficacité du chauffage par les neutrinos. Les mouvements de l'onde de choc génèrent une explosion asymétrique, même pour une étoile massive à symétrie sphérique. Les oscillations du choc dues à SASI communiquent à l'étoile à neutrons une impulsion telle que sa vitesse peut être dix fois plus grande que celle de l'étoile qui lui a donné naissance.
Vitesse transverse du gaz dans les régions internes du coeur de l’étoile en effondrement basée sur les simulations numériques effectuées dans le cadre de ce travail. Les régions en rouge représentent la matière en rotation dans le sens horaire tandis que les régions bleues tournent en sens inverse. Les plus grandes vitesses de rotation correspondent aux couleurs les plus intenses. L'étoile à neutrons en formation est représentée par le disque blanc situé au centre de chaque figure. Selon la taille de la région sous le choc, l'insatabilité SASI est capable de créer une dissymétrie entre les mouvements de matière tournant en sens opposés. A gauche : la taille de la région sous le choc est suffisamment grande pour réordonner les mouvements transverses. L'onde de choc est animée d'un mouvement spiral (régions bleues) tandis que l'étoile à neutrons absorbe la matière tournant en sens inverse (régions rouges). A droite : l'onde de choc est animée d'un mouvement d'oscillation. La répartition symétrique des vitesses azimutales rend impossible la mise en rotation de l'étoile à neutrons. Dans ce cas, la taille de la région post-choc est inférieure à la valeur minimale nécessaire au développement d'un mode spiral. |
L'instabilité SASI peut également être dominée par un mode spiral qui met l'onde de choc en rotation. Dans le cas d'une étoile massive sans rotation, cette onde spirale sépare la matière sous l'onde de choc en deux régions de moments cinétiques opposés. Les régions les plus internes tournent en sens inverse de l'onde de choc et peuvent mettre en rotation l'étoile à neutrons. L'étude a permis de préciser les conditions d'émergence d'un mode spiral pour confirmer la viabilité de ce mécanisme. Un mode spiral est capable de dominer la dynamique en quelques dizaines de millisecondes si la taille de la région sous le choc est suffisamment grande. Dans le cas contraire, l'instabilité favorise une oscillation globale de l'onde choc qui ne permet pas de redistribution de moment cinétique. La taille de la région sous le choc est d'autant plus petite que le progéniteur est massif. La pression dynamique exercée par la matière en effondrement confine d'autant plus l'onde de choc. Ces résultats ont été établis au moyen de simulations numériques d'un modèle idéalisé de la dynamique engendrée par SASI dans le plan équatorial. La distribution des périodes de rotation initiale des pulsars observés, de quelques dizaines à quelques centaines de millisecondes, est marginalement compatible avec une période rapide, d'environ 10 millisecondes, estimée par conservation du moment cinétique du coeur de fer dans l'effondrement. Cette étude permet d'identifier une gamme d'étoiles progénitrices pour lesquelles l'action de SASI peut expliquer la période de rotation initiale des étoiles à neutrons engendrées.
La prochaine étape de ce travail consistera à étudier l’effet de la vitesse de rotation de l’étoile progéniteur, élément non pris en compte dans la présente étude.
Contacts : Rémi Kazeroni (CEA)
Publications :
" New insights on the spin-up of a neutron star during core-collapse. "
R. Kazeroni, J. Guilet, T. Foglizzo
publié dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (MNRAS), 2016, 456, 126.
Accès à la version électronique de la publication
Voir aussi : - Supernova dans un verre d'eau (3 février 2012)
- Explosion asymétrique des supernovae (1 décembre 2006)
Rédaction : R. Kazeroni, C. Gouiffès
• Structure et évolution de l'Univers › Phénomènes cosmiques de haute énergie et astroparticules Thèmes de recherche du Service d'astrophysique
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
• Phénomènes Cosmiques de Haute Énergie • Modélisation des Plasmas Astrophysiques