Figure 1 : Rendu visuel des données digitales d'une des simulations obtenue dans cette étude, comparées au Soleil à l'échelle, à gauche.
Crédit: L. Amard, A.S. Brun, A. Palacios, A. Finley
Le champ magnétique du Soleil est généré par un effet dynamo, causé par des mouvements de convection et de rotation dans son enveloppe. Il évoluera dans un futur lointain lorsque notre étoile deviendra une géante rouge, une étoile évoluée caractérisée par une enveloppe étendue et une rotation bien plus lente. La question se pose alors : comment évoluera le champ magnétique lorsque notre Soleil se transformera ?
Pour répondre à cette question, une équipe de chercheurs affiliée au Département d’Astrophysique du CEA Paris-Saclay et à l’OSU OREME de l’Université de Montpellier a réalisé plusieurs simulations numériques hautes performances avancées de l’étoile Pollux, une géante rouge qui sert d’exemple à ce que pourrait devenir le Soleil, avec un champ magnétique très faible, inférieur à 1 Gauss, du fait de son enveloppe étendue.
Ces simulations permettent de reproduire la valeur observée et expliquent cette faible valeur en montrant qu’entre 2 et 8 % de l’énergie cinétique (de mouvement) du plasma est convertie en énergie magnétique, en fonction de la taille des cellules de convection à la source de la dynamo. Les petites cellules créent des champs moins intenses et plus complexes, car la corrélation entre les structures magnétiques et convectives diminue à grande échelle. L’étude montre également que le champ magnétique de Pollux inverserait sa polarité sur plusieurs années, à l’image du Soleil, un phénomène encore non observé mais suggéré par les simulations et nécessitant de l’observer sur une période plus longue pour le confirmer.
Par ailleurs, ces travaux enrichissent notre compréhension du magnétisme des étoiles géantes et ouvrent de nouvelles perspectives pour la mission PLATO de l’ESA, qui explorera l’activité magnétique des étoiles et ses impacts sur les exoplanètes.
Cette étude fait l’objet d’une publication dans The Astrophysical Journal.
Le Soleil se trouve actuellement dans la séquence principale, une phase stable où l’hydrogène fusionne en hélium dans son noyau, produisant l’énergie nécessaire pour maintenir l’équilibre mécanique (hydrostatique) de l’étoile. Dans environ 5.5 milliards d’années, le Soleil aura converti tout son hydrogène en hélium dans son coeur nucléaire et entrera alors dans une phase plus instable. Son cœur se contractera jusqu'à initier la fusion de l’hélium, libérant une grande quantité d’énergie qui dilatera les couches externes de l’étoile, suivant un mécanisme thermostatique. Le Soleil deviendra alors une géante rouge, avec un diamètre atteignant l’orbite de Vénus, et une luminosité jusqu’à 2 000 fois plus élevée.
En ce qui concerne l’évolution de son champ magnétique, les choses sont moins claires. Au-delà du cœur radiatif stable et dense des étoiles, le plasma de l’étoile devient convectivement instable et produit ainsi des écoulements de matière à plus ou moins grande échelle. Ces cellules convectives sont affectées par la rotation non uniforme (différentielle) en fonction du rayon et de la latitude présente dans l’enveloppe, et permettent la mise en place d’une dynamo à l’échelle de l’étoile, entretenant la génération d’un champ magnétique contre sa dissipation par effet Joule. Toutefois, on ignore comment ce champ évoluera lorsque le Soleil atteindra la phase de géante rouge, au cours de laquelle son enveloppe se dilatera considérablement et sa rotation ralentira fortement.
Une équipe de chercheurs, associée au Département d’Astrophysique du CEA Paris-Saclay et à l’OSU OREME de l’Université de Montpellier s’est donc attelé à la tâche. Elle a utilisé l’étoile Pollux, qui a tout juste atteint le stade de géante rouge, comme proxy pour comprendre le futur de notre étoile. Pollux, bien étudiée en raison de sa proximité et de sa luminosité, présente une masse 2,5 fois supérieure à celle du Soleil et un rayon environ 9 fois plus grand (cf. Figure 1). Les observations spectro-polarimétriques ont montré que le champ magnétique à la surface était très faible, à peine inférieur à 1 Gauss, probablement l'un des plus faibles jamais détectés sur une étoile.
Figure 2 : Représentations tri-dimensionnelles des flots de matière dans une des simulations numériques de l’enveloppe convective de la géante rouge Pollux. À haut, les flots de matières montant et descendant ; et en bas, l’enstrophie quantifie les structures tourbillonnaires. Les lignes émergentes de la surface sont une extrapolation des lignes de champ magnétique possiblement générées par l’étoile.
Crédit : L. Amard, A.S. Brun, A. Palacios, A. Finley
Figure 3 : Rendu visuel des données digitales des deux simulations, comparées à gauche au Soleil à l'échelle. La taille des cellules convectives visibles à la surface est ici clairement différente d'une simulation à l'autre. De plus petites cellules mènent à un champ magnétique plus faible et à un champ plus complexe, lié à la moins bonne corrélation entre les structures convectives et magnétiques à ces grandes échelles.
Crédit: L. Amard, A.S. Brun, A. Palacios, A. Finley
Pour comprendre le champ magnétique des géantes et le processus de dynamo dans leur enveloppe convective étendue, l'équipe de chercheurs a réalisé une série de simulations magnéto-hydrodynamiques 3D (figure 2), grâce aux supercalculateurs GENCI du TGCC et de l'Idris.
Les valeurs du champ magnétiques déduites des simulations numériques de l’étude sont comparable aux valeurs très faibles mesurées à la surface de Pollux, de l’ordre de 1G.
Les chercheurs démontrent également que la géométrie et l’intensité de ce champ magnétique dépendent directement de la taille des cellules de convection (cf figure 4). De petites cellules, illustrées par la simulation de gauche dans la figure 3, produisent un champ magnétique plus faible et plus complexe, et structuré à petites échelles. Cela s'explique par une corrélation moins efficace entre les structures convectives et magnétiques à ces grandes échelles, limitant ainsi la cohérence et la puissance du champ magnétique global comme illustré à gauche de la figure 4.
Grâce à cette étude, les chercheurs ont estimé qu’entre 2 et 8% de l’énergie cinétique est convertie en énergie magnétique en fonction des paramètres/cas considérés. La découverte d’un tel mécanisme de dynamo dans des simulations 3D turbulentes d’étoiles géantes est une première mondiale.
Enfin, comme le montre la figure 4, les simulations suggèrent qu’une étoile comme Pollux pourrait inverser la polarité du champ magnétique sur des périodes de plusieurs années, comme le fait le Soleil. Ce phénomène n’est pas visible dans les données actuelles car elles ne couvrent qu'environ quatre ans d’observation. L’étude prédit ainsi que des observations régulières sur une période plus longue pourraient révéler des inversions magnétiques chez Pollux.
Cette étude sur le magnétisme des étoiles géantes apporte une meilleure compréhension du phénomène de dynamo stellaire en proposant un scénario où la turbulence à petite échelle génère un champ magnétique de faible intensité dans l’enveloppe étendue de ces étoiles.
En créant de l’activité magnétique à la surface de l’étoile et en provoquant ainsi des variations de luminosité, le champ magnétique complique la détection et la caractérisation des exoplanètes. Ainsi, en approfondissant notre connaissance du magnétisme stellaire, cette recherche s’inscrit parfaitement dans le cadre de la future mission spatiale de recherche d’exoplanètes de l’ESA, PLATO, pour laquelle le LDE3 et le LUPM contribuent activement.
Figure 4 : À gauche, est représentée l’échelle à laquelle le champ magnétique est généré dans les deux simulations présentées sur la figure 2. À droite, on montre l’évolution du champ magnétique intégré à la surface visible de ces mêmes simulations. La bande verte indique le domaine couvert par les valeurs observées par le spectropolarimètre Narval, situé au Pic du Midi [Aurière et al. (2021)].
Crédit : L. Amard, A.S. Brun, A. Palacios, A. Finley
Contacts CEA-IRFU : Louis AMARD, Sacha BRUN
Publication : “Understanding Post Main Sequence Stellar Magnetism: On the origin of Pollux weak surface magnetic field”, Amard et al. 2024, The Astrophysical Journal
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