L’incinération des déchets nucléaires par la transmutation d’actinides de durée de vie longue en radioéléments de plus courte période ou la mise au point de réacteurs nucléaires sous-critiques, intrinsèquement sûrs, réclament des sources de neutrons intenses. Pour produire de telles sources, on utilise la technique de spallation, c’est-à-dire l’interaction d’un faisceau de protons de haute énergie avec une cible. Le projet international Megapie a pour objectif de concevoir, fabriquer et tester une cible de spallation en plomb-bismuth liquide. Dans ce cadre, le Dapnia a réalisé un « détecteur de neutrons » pour déterminer les caractéristiques des neutrons produits par la cible et pour étudier ses capacités d’incinération des actinides mineurs. Ce détecteur vient de franchir une étape majeure dans sa réalisation : il vient d’être installé au sein même de la cible.
Au centre de la cible et en rouge, l’ensemble détecteur d’une longueur totale de 4,7 m et de 12 mm de diamètre. La structure mécanique intègre un blindage et est remplie d’hélium afin de favoriser les évacuations thermiques. Les passages étanches de connectique, organes critiques pour la sécurité nucléaire, ont été éprouvés pour résister à une pression de 25 bars en cas d’incident de la cible et qualifiés pour fonctionner dans l’hélium gazeux à 0,5 bar avec une tension de 400 V.
Maquette de l’expérience Megapie (MEgawatt PIlot Experiment), projet international dont l’objectif est de réaliser la première cible de spallation Pb-Bi liquide. Cette cible est installée auprès du cyclotron de PSI (Paul Scherrer Institut, à Villigen près de Zürich) qui délivrera un faisceau de protons. La cible de spallation Megapie pourra absorber une puissance de 1 MW. Elle sera la première démonstration expérimentale d’une cible liquide pour la réalisation d’une source intense de neutrons.
Si, pour les physiciens, le problème est de caractériser les flux de neutrons produits par la cible de spallation Megapie, pour les techniciens il s’agit de réaliser un détecteur de neutrons qui devra fonctionner pendant six mois, sans intervention possible, à des températures variant entre 230°C et 600°C et dans un milieu de très grande radioactivité. C’est principalement la synergie et les compétences des physiciens du Service de physique nucléaire (SPhN) et des équipes techniques du Service d’ingénierie des systèmes (SIS) du Dapnia qui ont permis de développer le " Détecteur de Neutrons " de Megapie.
L’un des défis relevés par les équipes du SIS a été de mettre en œuvre des techniques comparables à la micromécanique horlogère dans un environnement nucléaire. Il leur a fallu, par exemple, intégrer un ensemble de 8 minuscules détecteurs de neutrons (micro-chambres à fission ) dans un espace réduit d’une dizaine de millimètres. L’ensemble ainsi constitué est formé de 4 étages de micro-chambres à fission, de la taille d’une cartouche de stylo à encre, associées 2 par 2.
En traversant ces chambres, les neutrons induisent des réactions nucléaires dans des matériaux spécialement choisis à cet effet, ce qui produit un très faible courant électrique, de l’ordre du microampère. L’objectif principal des concepteurs du détecteur a été de réussir à mesurer ce courant avec une précision de quelques pourcents au sein de l’environnement extrêmement ionisant et sujet aux fortes perturbations électromagnétiques de Megapie. Un logiciel spécifique a été développé pour récupérer les données issues des détecteurs et pour piloter l’ensemble.
Micro-chambres à fissions : Elles contiennent des dépôts d’isotopes d’uranium 235, ou de neptunium 237, ou d’américium 241. Deux d’entre elles sont entourées d’un blindage en gadolinium de 200 µm d’épaisseur pour absorber les neutrons thermiques. Ces chambres ont été développées, en collaboration avec le DEN/DER/SPEX, afin de tenir les hautes températures, puis elles ont été testées et étalonnées dans le réacteur à haut flux de l’Institut Laue-Langevin (ILL, Grenoble).
Afin de disposer d’une mesure de référence du nombre de neutrons qui ont traversé le détecteur, neuf moniteurs faits chacun d'une minuscules pastille de la taille d’un confetti ont été placés au centre du détecteur. Chaque moniteur de flux est composé de quelques microgrammes d’un métal (différent pour chacun d’eux) dont la sensibilité aux neutrons dépend de l'énergie de ceux-ci.
Le développement du détecteur et la prise de données, qui débutera mi-2006, font l’objet d’une thèse de physique nucléaire.
On peut considérer que le détecteur de neutrons de Megapie est une démonstration des savoirs-faire du CEA grâce à la collaboration des laboratoires de la DEN, la DRT et de la DSM au service d’un projet du Dapnia.
• Structure de la matière nucléaire › Dynamique des réactions nucléaires
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Ingénierie des Systèmes (DIS) • Le Département de Physique Nucléaire (DPhN)
• Laboratoire d'études et d'applications des réactions nucléaires (LEARN)
• Megapie