Il est possible de provoquer des réactions nucléaires avec des rayons gamma, ce sont les photoréactions. En détectant les neutrons ou les rayons gamma secondaires produits par ces photoréactions, on pourra détecter des matériaux fissiles dans des colis de déchets radioactifs ou bien faciliter le contrôle des matières nucléaires dans le cadre des traités de non prolifération. Il faut auparavant décrire correctement ce type de réactions. En collaboration avec le laboratoire américain de Los Alamos, les physiciens nucléaires du Dapnia ont modélisé les photoréactions des principaux isotopes de matériaux fissiles (uranium, neptunium, plutonium et américium). Les évaluations tirées de ces modélisations viennent d’être intégrées dans la base de données nucléaires américaine ENDF/B-VII, utilisée par la communauté internationale.
La simulation numérique d’un système complexe, par exemple un réacteur nucléaire, fait appel à des bibliothèques de données contenant les informations nécessaires à la simulation de l'interaction rayonnement-matière. Selon les applications, les bibliothèques de données peuvent différer dans leur format ou leur contenu. Cependant, elles sont généralement construites à partir d'une source unique : les évaluations au format ENDF (evaluated nuclear data format). Ces évaluations combinent des informations expérimentales et théoriques. Elles se présentent sous la forme de fichiers informatique qui contiennent une description complète des réactions nucléaires induites par un photon gamma ou une particule légère (neutron ou proton) sur un noyau donné. Chaque réaction est décrite par une probabilité d'interaction (ou "section efficace") en fonction de l'énergie de la particule incidente (figure 1), de l'angle d'émission et de l'énergie des particules secondaires produites.
Figure 2 : Sections efficaces de fission (γ, F) et d'émission de neutrons (γ, xn) induites par des photons d’énergie de 5 à 20 MeV sur une cible d'américium-241. Notre modélisation (traits pleins) permet d’extrapoler l’évolution des sections efficaces dans un domaine en énergie limité où les mesures manquent.
Les modèles de réaction nucléaire employés doivent, bien entendu, reproduire les données mesurées mais aussi être prédictifs dans des domaines où les mesures sont rares ou peu précises. Les calculs des physiciens du Dapnia ont été réalisés pour des photons d'énergie inférieure à 20 MeV. L’absorption du photon par le noyau (photo-absorption) est modélisée par les physiciens comme une excitation résonante collective du noyau. La désexcitation se modélise quant à elle par l'émission de neutrons ou par fission. La précision des calculs est vérifiée par comparaison avec des mesures de sections efficaces effectuées à Saclay, aux États-Unis ou en Russie. À titre d'exemple, les figures 1 et 2 montrent le bon accord obtenu entre calculs et mesures pour le plutonium-239 et l’américium-241. L'intérêt d'une modélisation physique réaliste est illustré sur la figure 2 : Les modèles permettent une estimation des sections efficaces dans des domaines, limités en énergie, où les points expérimentaux font défauts.
Ces résultats sont désormais disponibles pour la communauté des utilisateurs et peuvent être employés pour la simulation numérique de concepts exploitant les photo-réactions. À titre d'exemple, on peut citer l'installation Saphir (CEA/DRT) implantée sur le Centre de Saclay. Ce dispositif permet la caractérisation de colis de déchets par interrogation photonique (figure 3).
Figure 3 :
(1) Les photons pénètrent dans le colis et sont absorbés par les noyaux des atomes ; (2)Les noyaux entrent en résonance et deviennent instables ; (3)Les noyaux fissiles peuvent se scinder en deux en produisant des neutrons, des photons et deux produits de fission ;(4)Ces derniers aussi sont instables et peuvent émettre d'autres neutrons et photons. La détection des neutrons et photons émis au cours de ces réactions signale la présence de matière fissile dans le colis.
Cette activité d'évaluation complète le programme expérimental du Dapnia sur l'étude de la photofission et des neutrons retardés émis par les produits de fission. Les caractéristiques de ces neutrons retardés, mesurées de manière précise, seront prises en compte dans les prochaines évaluations. Enfin, un travail de modélisation à plus haute énergie (jusqu'à 150 MeV) est en cours dans le but d’étendre le domaine d'application de ces évaluations, aux accélérateurs d'électrons par exemple.
Contacts :
Pour en savoir plus :
• Structure de la matière nucléaire › Dynamique des réactions nucléaires L'énergie nucléaire
• Le Département de Physique Nucléaire (DPhN)
• Laboratoire d'études et d'applications des réactions nucléaires (LEARN)
• PhotoNuc