09 mai 2006
Quand un Piccolo joue au cœur d’un réacteur

Divers projets internationaux étudient les réacteurs hybrides qui utilisent un faisceau de neutrons produit par un accélérateur pour asservir un réacteur nucléaire. Ces systèmes nécessitent des détecteurs de neutrons fonctionnant sur une large gamme d’énergie et peu sensibles aux rayonnements X ou gamma. Dans le cadre du projet Trade à Casacia en Italie, les équipes du Dapnia viennent d’achever le développement d’un détecteur conçu spécifiquement pour ce besoin : Piccolo Micromegas.

 

Les systèmes hybrides présentent plusieurs atouts qui sont à comparer aux réacteurs nucléaires classiques. Ils fonctionnent dans un état sous critique grâce aux neutrons supplémentaires produits par l’intermédiaire de l’accélérateur, et sont donc intrinsèquement plus sûrs. Ils peuvent utiliser de l’oxyde de thorium comme combustible, produisant ainsi moins de plutonium et de déchets radioactifs, et ils offrent la possibilité d’incinérer leurs propres déchets… Leur étude présente un intérêt incontestable et la fiabilité des mesures qui vont être réalisées au sein de ces réacteurs doit être de tout premier ordre.

 
Quand un Piccolo joue au cœur d’un réacteur

Vue schématique d'un démonstrateur de système hybride (clef CEA N°36)

Les détecteurs Micromegas sont des détecteurs de particules chargées inventés au Dapnia. Ils se présentent sous la forme d’une chambre de quelques millimètres d’épaisseur remplie de gaz qu’une grille de quelques microns sépare en deux étages. Un faible champ électrique appliqué au premier étage attire les électrons, arrachés aux atomes par la particule chargée, vers le second étage soumis à un champ électrique plus fort.

Un détecteur Micromegas ne peut donc pas détecter directement les neutrons, électriquement neutres, seules des méthodes indirectes permettent d’y arriver. Une première méthode consiste à détecter le recul d’atomes du gaz provoqués par le choc des neutrons. Une autre consiste à placer devant le détecteur Micromegas des éléments comme le bore, le lithium, l’uranium ou le thorium qui émettent des particules chargées lorsqu’ils capturent des neutrons.

 

Le projet n_TOF au Cern en 2001 ou encore l’imagerie neutronique ont déjà utilisé des détecteurs Micromegas dans ces configurations. D’autres projets plus récents, comme Demin ou Inpho, ont montré les capacités de Micromegas à détecter des neutrons dans un environnement de rayonnements X et gamma très intenses.

Il était donc tout à fait naturel qu’un détecteur de neutron basé sur Micromegas soit proposé pour la caractérisation des systèmes hybrides. Ce détecteur de neutrons a été conçu et réalisé conjointement par le service d’électronique, des détecteurs et d’informatique (Sédi) et le service de physique nucléaire (SphN) du Dapnia. en collaboration avec l’Enea (Italie), le LPC (CNRS/IN2P3) et la DEN (CEA). Collaboration avec l’Italie oblige, ce petit détecteur de quelques cm2 s’appelle Piccolo (figure 1). Il est conçu pour venir s’insérer dans les barres recevant habituellement le combustible qui sont placées au cœur du réacteur.

 
Quand un Piccolo joue au cœur d’un réacteur

Figure 1 : le détecteur Piccolo Micromegas

Quand un Piccolo joue au cœur d’un réacteur

Courbe de réponse du détecteur Piccolo Micromegas pour ses différents modes de mesure, en fonction de la puissance de fonctionnement du réacteur.

Piccolo est en fait composé de quatre chambres Micromegas de 5 mm2  remplies d’un mélange gazeux d’argon et d’isobutane. Chacune de ces chambres correspond à une méthode différente de conversion des neutrons en particules chargées (uranium 235, bore 10, thorium 232, recul des atomes d’hydrogène du gaz).

Ces chambres distinctes ont pour but de détecter les neutrons dans différents domaines d’énergie. L’uranium et le bore permettent de mesurer les flux intégrés des neutrons pour des énergies comprises entre 1 eV et quelques MeV. La fission du thorium permet de mesurer le flux au-dessus de 1 MeV et les reculs d’atomes d’hydrogène permettent une mesure entre quelques dizaines de keV et quelques MeV.

 

Après des tests préliminaires réalisés en 2005 sur un générateur de neutrons (installation Celina à Cadarache), Piccolo vient d’être testé au sein du réacteur Triga (figure 2) d’une puissance de 1 MW en février 2006. Les analyses des données recueillies sont en cours et les premiers résultats sont encourageants. Le fonctionnement du détecteur n’a pas été affecté par le rayonnement ambiant à l’intérieur du réacteur. Même si ces mesures ont permis de révéler d’inévitables problèmes de jeunesse du détecteur, les équipes du Dapnia viennent de franchir une étape importante en démontrant que la technologie Micromegas est suffisamment robuste pour fonctionner à l’intérieur d’un réacteur.

 
Quand un Piccolo joue au cœur d’un réacteur

Figure 2 : Vue de l’intérieur du réacteur TRIGA illuminé par la lumière Tcherenkov

Pour en savoir plus :

Scintillations N°38 : Micromegas, un nouveau détecteur de particules.

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Contact : Julien Pancin  

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Signification des acronymes :

Trade  : Triga accelerator driven experiment

n_TOF : neutron time of fight

Demin : detector micromegas for neutrons

Inpho  : interrogation neutronique par photofission

 

 
#929 - Màj : 25/10/2017

 

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