Au sein d’une équipe franco-canadienne, des chercheurs du Service d’Astrophysique/Laboratoire AIM du CEA-Irfu ont étudié l'évolution au cours du temps du vent stellaire d’étoiles voisines du Soleil. Basé sur des simulations numériques 3D sur des ordinateurs massivement parallèles du GENCI couplé à des observations, l’étude sur un échantillon d’étoiles d’âge compris entre 25 millions d’années et 4.5 milliards d’années (l’âge du Soleil) a permis de suivre comment le vent stellaire, son intensité et sa distribution de vitesses évolue au cours du temps. Ces travaux sont notamment basés sur les contraintes imposées par les mesures du champ magnétique de surface des étoiles obtenues par des observations en mode de spectropolarimétrie. Ils conduisent en particulier à établir une loi de distribution de vitesse du vent stellaire en fonction de l’âge de l’étoile. Ces travaux sont publiés dans la revue The Astrophysical Journal, décembre 2016.
Les étoiles de type solaire génèrent un champ magnétique dans leur enveloppe convective grâce à l'effet dynamo. De l'énergie magnétique est injectée dans leur atmosphère étendue, la couronne, qui est chauffée à quelques millions de Kelvin. Le gradient de pression entre la base de la couronne et le milieu interstellaire produit alors un vent de particules chargées responsable du freinage rotationnel de l'étoile sur la séquence principale.
Contrairement à la structure interne des étoiles de type solaire et à leur photosphère et couronne qui peuvent être respectivement étudiées grâce à l’astérosismologie et la spectrocopie, les caractéristiques du vent stellaire sont bien plus difficiles à déterminer. Le couplage entre simulations numériques 3D et observations en mode spectropolarimétrie a été mis à profit par les auteurs de cette étude pour étudier les propriétés du vent stellaire.
Les chercheurs ont utilisé des simulations magnétohydrodynamiques (MHD) pour modéliser la couronne de ces étoiles couplée au champ magnétique créé dans l’intérieur stellaire. Les contraintes sur les vents stellaires sont faibles et font appel à de multiples observations dans tout le spectre du rayonnement électromagnétique. Cette étude développe, à partir d’un modèle calibré sur le vent solaire, un modèle coronale pour n’importe quelle étoile de type solaire synthétisant les observations du flux de masse dans les raies d’absorption Lyman alpha (une transition de l’atome d’hydrogène) et les observations spectropolarimétriques par la technique de Zeeman Doppler Imaging (ou ZDI) du champ magnétique de surface de ces étoiles. Cette méthode est une technique observationnelle qui permet de cartographier le champ magnétique de la surface d’une étoile. Elle nécessite l’usage d’une instrumentation spécifique qui permet de mesurer la polarisation de la lumière émise dans une raie spécifique, polarisation qui résulte de la présence d’un champ magnétique. Dans cette étude, les chercheurs ont mis à profit les données obtenues par les spectropolarimètres NARVAL installé au télescope Bernard Lyot du Pic-du-Midi et ESPaDOnS en opération sur le CFHT à Hawaii.
Solution MHD résultant des simulations numériques 3D de la couronne et du vent d’analogues solaires à divers âges (six étoiles de 25 millions d’années à 4.5 milliards d’années). La surface d’Alfvén (où le vent se découple du champ magnétique) qui caractérise le freinage rotationnel de l’étoile sur la séquence principale est illustrée en beige. En haut à gauche de chaque image, un zoom sur la surface de l’étoile, où la structure complexe et non axisymétrique du champ est issue des observations. La polarité des lignes de champ magnétique est en rouge si positive, bleue si négative.
En étudiant des étoiles cibles proches des caractéristiques solaires mais à un âge et un taux de rotation différent, les chercheurs du CEA peuvent imaginer ce qu’était le milieu interstellaire du système solaire jeune. À partir d’un échantillon de six étoiles, âgées de 25 à 4570 millions d’années (l’âge du Soleil), les simulations permettent de décrire la structure coronale de ces étoiles et notamment la forme de la surface d’Alfvén qui caractérise le freinage rotationnel de chacune de ces étoiles (voir figure ci-dessus).
Ces travaux mettent également en avant des propriétés inattendues dans les vents d’étoiles jeunes. On observe par exemple une distribution trimodale des vitesses pour les étoiles les plus jeunes (voir ci-dessus). La composante la plus rapide (qui peut atteindre 1500 km/s) n’a pas d’équivalent dans le vent solaire, car elle a pour origine l’interaction du champ magnétique intense avec la forte rotation de l’étoile (de six à dix rotations solaires). Une partie de cet effet nécessite la prise en compte de la structure complexe, non-axisymétrique du champ de surface obtenu par les mesures observationnelles ZDI. Cette étude révèle également que les interactions vent rapide/vent lent sont très probablement plus courantes chez les étoiles jeunes, et implique une activité géomagnétique plus intense. Le champ magnétique jouant un rôle important sur la structure et évolution du milieu environnant l’étoile, ces effets doivent selon les chercheurs de cette étude être prise en compte pour étudier le passé des planètes du système solaire ou l’environnement d’exo-planètes détectés autour d’étoiles jeunes.
Contact : Victor Réville, Allan-Sacha Brun
« AGE DEPENDENCE OF WIND PROPERTIES FOR SOLAR TYPE STARS: A 3D STUDY »
Victor Réville, Colin P. Folsom, Antoine Strugarek, Allan Sacha Brun publié dans la revue The Astrophysical Journal (2016)
Version électronique : http://arxiv.org/abs/1609.06602
voir aussi : Le site du Laboratoire Dynamique des Etoiles et de leur Environnement (notamment sa rubrique Actu/Faits marquants)
Rédaction : V. Réville, S. Brun, C. Gouiffès
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