Pendant son arrêt (LS3) prévu à l'horizon de 2023-2025, le LHC sera amélioré de manière à pouvoir fonctionner dans sa phase dite haute luminosité (HL-LHC). Le HL-LHC devrait ainsi fonctionner à une luminosité instantanée de 5 10**34 cm-2s-1 et pouvoir fournir une luminosité intégrée de l'ordre de 250/fb par an pendant une dizaine d’années soit environ 3000/fb de luminosité intégrée. Dans ces conditions, l'empilement (Pile Up ou PU) devrait augmenter jusqu'à une valeur moyenne de l'ordre de 200 interactions par croisement de faisceau et ainsi représenter un défi majeur pour les expériences en particulier CMS. De même la dégradation des performances due à la dose de radiation intégrée (300 kGy de dose absorbée ou 3 Gy/h) devra être soigneusement évaluée.
Pour faire face à ces défis l’expérience CMS va s'engager dans une seconde phase d’améliorations (upgrades phase 2). Ces upgrades vont concerner plusieurs composants majeurs de CMS en particulier le trajectomètre, la calorimétrie, le système à muons et le système de déclenchement de manière à pouvoir faire face au PU sans augmenter les seuils de façon non raisonnable du point de vue de la physique avec la perspective d’inclure le trajectomètre dès le premier niveau de déclenchement.
La calorimétrie constitue un élément critique de CMS pour la physique auprès du HL-LHC. Elle permet l'identification et la reconstruction des photons et des électrons ainsi que la mesure des jets et de l’énergie transverse manquante. La technique du flot de particules (PF) permet de bien mesurer les jets et l’énergie transverse manquante en combinant les informations du trajectomètre et de la calorimétrie. Dans des conditions d'empilement élevé la technique du flot de particules requiert une très bonne segmentation longitudinale et transverse pour optimiser l'association des traces et des dépôts d’énergie dans les calorimètres. Une bonne reconstruction de ces objets (photon, électron, jet et énergie transverse manquante) est primordiale pour pouvoir poursuivre les mesures de précision des propriétés du boson de Higgs et pour la recherche de phénomènes nouveaux au-delà du Modèle standard.
Le calorimètre électromagnétique (ECAL) de CMS est un calorimètre homogène constitué de 75848 cristaux scintillants de tungstate de plomb situé à l’intérieur de l'aimant supraconducteur de CMS. Il est composé d'une partie centrale (barrel ECAL 60000 cristaux) couvrant la région en pseudo-rapidité et de deux parties bouchons (End Cap ECAL i.e. EC ECAL, 15000 cristaux) qui étend la couverture en pseudo-rapidité jusqu’à eta<3 .
Ces calorimètres ont été conçus pour permettre une bonne mesure et une bonne reconstruction des objets mentionnés plus haut et mener le programme de physique attenant jusqu’à une luminosité intégrée de l'ordre de 300-500/fb sur une dizaine d’années jusqu’à l’arrêt LS3. Cependant, les conditions de fonctionnement de la phase HL-LHC i.e. de l'ordre de 3000/fb de luminosité intégrée, impose de réexaminer les capacités du matériau actif des détecteurs et de l’électronique pour maintenir de manière optimale les performances de reconstruction et mener le programme de physique à terme.
L'impact dû à l'irradiation dans le barrel ECAL après 3000/fb est de l'ordre de l'irradiation des parties bouchons après 30/fb. L'irradiation ne devrait donc pas être un problème pour les cristaux du barrel ECAL et il n'est donc pas nécessaire de les remplacer. Cependant le barrel ECAL devra relever le défi du taux d'empilement, de l'augmentation du bruit des photodétecteurs ainsi que des efficacités de déclenchement qui vont imposer une amélioration de son électronique. Il sera nécessaire d’avoir une meilleure granularité (single cristal) au niveau 1 du système de déclenchement. Les taux imposeront également d’augmenter la bande passante limitée actuellement par le multiplexage de l’information sur le détecteur. Il est aussi obligatoire de pouvoir étiqueter les spikes (cf. définition plus loin) pour ne pas saturer le système de déclenchement (trigger) de premier niveau.
La partie bouchon (End-Cap) du calorimètre de CMS doit être complètement modifiée pour supporter une irradiation importante (300 kGy) et atténuer les effets du PU. En mai 2015 CMS a opté pour un calorimètre dense silicium/tungstène+cuivre à très haute granularité (5D i.e. position, énergie temps) dit HGCAL résistant aux radiations. Le HGCAL est un calorimètre inspiré du calorimètre CALICE développé pour l'ILC et adapté au très grand taux d’événements du HL-LHC. Le HGCAL permettra d'exploiter la topologie des dépôts et les capacités trajectographiques de suivi des gerbes électromagnétiques dans une reconstruction de flux de particules (particle flow PF) à la fois pour le système de déclenchement et l'analyse hors-ligne.
Concernant les améliorations du détecteur CMS pour cette phase haute luminosité du LHC, le groupe CMS de Saclay s'est impliqué dans les études, le développement et la fabrication de l’électronique frontale de la partie tonneau du calorimètre électromagnétique. De plus les calorimètres bouchons de CMS vont être entièrement remplacés par un calorimètre dense silicium/tungstène à très haute granularité dit HGCAL résistant aux radiations. Le groupe CMS de Saclay s'est également impliqué dans ce projet en prenant la responsabilité des études et du développement du système électronique de distribution précise de l'horloge du LHC, incluant la partie TDC de l’électronique frontale du HGCAL, ceci afin de garantir la synchronisation des voies électroniques du HGCAL et la détermination précise du temps de vol des particules. Le développement du système de distribution d'horloge peut dépasser le cadre de HGCAL et se généraliser à d'autres détecteurs de CMS. Le groupe CMS de Saclay s'est aussi impliqué dans l’étude des algorithmes des primitives de déclenchement pour les jets dans HGCAL et de leur implémentation dans des firmwares (FPGA).
Le TDR pour l'amélioration des calorimètres a été rédigé en 2017 et soumis au LHCC en 2017 pour la partie tonneau et 2018 pour la partie bouchon.