L'expérience COMPASS
L'expérience COMPASS

Le spectromètre de COMPASS, constitué d'une cible fixe (en beige en bas à gauche), de deux aimants verticaux (en rouge) et d'un ensemble de plus de 200 détecteurs de traces et de calorimètres. Il se caractérise par une grande acceptance et une haute résolution, en étant capable d'acquérir un grand flux de particules. Les particules diffusées par la cible peuvent être identifiées grâce à un détecteur Cerenkov RICH (en gris) et des filtres à muons.

L'expérience COMPASS (Common Muon and Proton Aparatus for Structure and Spectroscopy) est une expérience de physique des particules se situant sur le faisceau du SPS au Cern, dans la banlieue de Genève. Elle comporte plusieurs thématiques de recherche:

  • la structure du nucléon en termes de quarks et gluons, dans lequel le DPhN est plus particulièrement impliqué. Cette thématique regroupe un grand nombre de sujets: la contributions des quarks et gluon au spin du proton, la distributions transverses des positions et des impulsions des partons, la structure en 3 dimensions du nucléon, l'étude de la structure du nucléon au travers de processus spécifiques appelés processus Drell-Yan
  • la spectroscopie des hadrons: l'étude des hadrons charmés, la recherche de "glueballs", la recherche d'états exotiques des hadrons

L'expérience COMPASS utilise des faisceaux de muons et de hadrons de 160 à 200 GeV obtenus à partir de la collision sur une cible de tungstène d'un faisceau de protons provenant de l'accélérateur SPS du CERN. Ces faisceaux sont ensuite envoyés sur une cible fixe qui peut être de différents types en fonction du processus qui doit être étudié: cible polarisée grâce à un aimant solénoïdal, cible d'hydrogène liquide, cible solide métallique. La collaboration COMPASS regroupe 26 instituts de 14 pays, dont l'Allemagne, l'Italie, la France, les USA et la Russie.

Plusieurs thèmes sont actuellement étudiés ou l'ont été dans un passé récent:

  • 2015-2018 : Mesure des distributions de partons dépendant du moment transverse, dans le nucléon, via le processus Drell-Yan (annihilation q q en deux leptons), utilisant pour la première fois une cible polarisée transversalement.
  • 2012-2016 : Etude des distributions généralisées de partons dans le nucléon via le processus de diffusion Compton virtuelle profonde (Deep Virtual Compton Scattering DVCS).
  • 2002-2011:  Etude de la structure en spin du nucléon, qui a permis d’étudier la contribution du spin des gluons au spin du nucléon. Les résultats sont en accord avec les mesures auprès d’un autre accélérateur, et concluent à une contribution positive dans la région cinématique étudiée.

 

 

 

La tomographie 3D du nucléon (2012, 2016-2017)

De nouveaux concepts théoriques, les distributions de partons généralisées (GPD) ou distributions des impulsions transverses (TMD), permettent une approche bien plus riche de la structure du nucléon, et plus généralement du confinement des quarks dans les hadrons. Les GPDs décrivent les corrélations entre les positions et les impulsions des constituants du nucléon et donnent une cartographie à 3 dimensions encore appelés tomographie du nucléon. Un nouveau programme, COMPASS-II, a été approuvé par le Research Board du CERN en Décembre 2010 et a démarré dès l’année 2012 pour ces 2 axes : étude des GPDs avec les réactions exclusives et étude des TMDs avec le Drell-Yan polarisé.

On accède aux GPDs via des réactions exclusives où l’état final est complétement déterminé telles la diffusion Compton virtuelle (DVCS), le canal le plus prometteur mais aussi la production exclusive de mésons (DVMP). La disponibilité de faisceaux de muons polarisés, avec une charge ou positive ou négative, et une grande énergie de 160 GeV, sont les atouts de COMPASS pour ces mesures.

Le processus DVCS, radiation d’un photon de haute énergie par le proton, est toujours intimement associé au processus Bethe-Heitler (BH), radiation d’un photon par les muons. Ceci constitue l’avantage de cette réaction. L’interférence entre le BH et le DVCS permet d’atteindre l’amplitude du processus DVCS. Les sommes et les différences des sections polarisées pour des muons positifs et négatifs donnent respectivement  les parties imaginaire et réelle de l'amplitude DVCS. La partie réelle est entièrement nouvelle et est intimement liée au confinement.

Par ailleurs la haute énergie de COMPASS nous permet de ne pas avoir le processus BH trop dominant, afin d'isoler et mesurer la section efficace du processus DVCS pur. Son évolution en fonction du transfert d’impulsion au proton, mesuré très précisément avec le détecteur CAMERA, nous permet d’accéder à la taille transverse de l’objet sondé. On devrait observer que la taille du proton diminue quand on passe d’une région cinématique où les quarks de la mer et les gluons sont importants vers celle où les quarks de valence sont dominants et plutôt concentrés au cœur du proton.

 
L'expérience COMPASS

Le processus Drell-Yan. Un antiquark provenant du faisceau de pion interagit avec un quark de la cible de protons, formant un photon qui produit ensuite une paire de muons

L'étude des distributions transverses de partons dans le nucléon par les processus Drell-Yan polarisés (2015, 2018)

Le processus Drell-Yan consiste en l'interaction d'un faisceau de hadrons, ici des pions, sur une cible de nucléons, ici de protons. Cette cible est dans notre étude polarisée transversalement à la direction du faisceau afin d'étudier les effets de spin. L'interaction Drell-Yan consiste en l'anhilitation d'un antiquark du pion du faisceau avec un quark du proton de la cible, qui forment un photon qui va produire une paire lepton-antilepton, ici une paire de µ+-µ-. (A compléter)

Grâce à l’utilisation conjointe d’un faisceau de pions de haute énergie et d’une cible de nucléons polarisés transversalement, COMPASS est la première expérience à pouvoir mesurer directement des événements de type Drell-Yan dépendant du spin. Le processus Drell-Yan (annihilation d’un quark et d’anti quark en une paire de leptons q q → l+ l-) a été utilisé dans le passé pour étudier entre autres les distributions simples de quarks dans le nucléon. Les faisceaux actuels, la cible polarisée et le spectromètre COMPASS permettent de réaliser des mesures de plus grande précision, et surtout d’accéder aux distributions de partons dépendant du moment transverse (TMDs) des partons. Ces mesures sont tout à fait complémentaires des mesures de TMDs déjà réalisées en diffusion profondément inélastique également à COMPASS. De ce fait, on peut étudier l’universalité des distributions TMDs, un résultat très attendu par les théoriciens. C’est ce qui est entrepris à COMPASS

Dispositif expérimental

Le faisceau de pions de 190 GeV produit les antiquarks (de la région de « valence » du méson pion) qui s’annihilent avec les quarks (également de valence) du proton cible. L’événement Drell-Yan est signé par la création d’une paire de leptons, dans ce cas un muon positif et un muon négatif. Les muons sont très facilement identifiés, étant les seuls à traverser un énorme absorbeur de tungstène et béton. La cible comprend deux cellules où les protons sont polarisés transversalement et dans les deux directions opposées. Des mesures de différentes asymétries azimutales des produits de la réaction, entre les deux cellules, permettent de déterminer simultanément plusieurs TMDs.

Résultats et perspectives

Les premières mesures donnent un résultat très prometteur pointant vers l’universalité des TMDs (publication PRL 2017et Fait Marquant). La prise de données se poursuit en 2018 pour finaliser la mesure. En parallèle, les événements Drell-Yan produits sur différentes cibles nucléaires sont analysés pour étudier la structure interne du pion jusque-là mal connue. La possibilité de produire dans le futur (au-delà de 2023) des faisceaux enrichis en kaons ou antiprotons est à l’étude. On aurait alors accès à la structure en quarks des kaons.

 

 

La structure en spin du nucléon (2002-2011)

Pour l'étude de la structure en spin du nucléon, un faisceau de muons naturellement polarisé et d'énergie de 160 GeV est diffusé sur des cibles polarisées dans des directions opposées de deutons (6LiD) ou protons (NH3). La mesure des asymétries de spin permet d'accéder aux distributions de partons polarisées dans le cadre de la diffusion très inélastique. Des mesures antérieures avaient montré que les quarks ne portent qu'une faible part du spin total du nucléon. L'un des objectifs principaux de COMPASS a été l'étude de la contribution des gluons au spin du nucléon.

Pour cela, il faut isoler les évenements où a lieu une fusion photon-gluon (PGF), qui sont sensibles à la distribution des gluons. Deux processus PGF sont étudiés: la production de mésons charmés D0 dont on détecte les produits de désintégration, et la production de hadrons à grande impulsion transverse. Ces études menées depuis 2002 ont déjà conduit à de nombreuses publications, et montrent toutes, dans la limite des barres d'erreur actuelles, une contribution positive des gluons dans la région cinématique mesurée. En parallèle la contribution des quarks au spin du nucléon a été mesurée à nouveau: environ 25% du spin du nucléon provient du spin des quarks, résultat en accord avec les récents calculs en QCD sur réseau.

Les quarks étranges dans le nucléon

Grâce à la luminosité accrue (4. 1032cm-2.s-1) par rapport aux expériences précedentes et l'utilisation d'un détecteur à imagerie Cerenkov, COMPASS permet aussi de déterminer avec plus de précision les distributions de quarks polarisées de la mer à petit x, dont les quarks étranges. Ce volet a également conduit à de nombreuses publications, et permetttra, en combinant les mesures d'asymétries et de multiplicité des pions et des kaons, de déterminer aussi les fonctions de fragmentation des quarks étranges.

 
L'expérience COMPASS

Polarisation des gluons en fonction de x, fraction d'impulsion du nucléon portée par le gluon.

L'expérience COMPASS

Construction de la grande chambre à dérive DC4 à Saclay

Les contributions techniques de l'IRFU 

L'IRFU a contribué de façon importante et souvent décisive à la réalisation de détecteurs de pointe pour l'expérience COMPASS, ainsi qu'à la restauration d'aimants supraconducteurs:

  • Détecteurs Micromegas: conception, réalisation et mise en oeuvre de 12 détecteurs Micromegas de 40x40 cm2 de surface active, ainsi que l'électronique rapide de mise en forme et de digitisation associée. Ces détecteurs ont longtemps été les plus grands détecteurs gaseux à micromesh utilisés sur une expérience de haute énergie. Ils permettent de tenir des flux jusqu'à 500 kHz, ont une résolution spatiale de 90 μm et une résolution en temps de 10 ns. Néanmoins, ces détecteurs avaient une zone inactive de 5 cm de diamètre au centre. Pour lever cette restriction et ainsi pouvoir améliorer le tracking du muon diffusé à plus petit angle pour les mesures GPD (qui correspond aux grands x Bjorken), des détecteurs hybrides avec une feuille de GEM comme préamplificateur et équipés de pixels au centre ont été réalisés en partenariat avec l'entreprise ELVIA pour la prise de données 2015, démarrage officiel de la phase 2 de COMPASS.
  • Chambres à dérive: réalisation et mise en oeuvre de grandes chambres à dérive (DC0, DC1, DC2 de 1.2x1.2 m2 et DC4 de 2x2 m2) avec 8 plans par chambre et un gap de 8 mm, ainsi que l'électronique associée. La résolution spatiale est de 200 µm. L'IRFU a transféré son savoir faire à l'Université d'Illinois pour réaliser une chambre supplémentaire DC5 basée sur le design de DC4 pour améliorer le tracking des muons à grand angles pour l'étude du Drell-Yan.
  • Aimant supra-conducteur de la cible: l'IRFU a également été mis à contribution pour remettre en service dans un premier temps le solénoide supra de l'ancienne expérience SMC pour les mesures effectuées à COMPASS de 2002 à 2004. Puis dans un deuxième temps pour effectuer les tests à froid, la mise en route, la caractérisation et l'instrumentation du solénoide à grand angle solide réparé par Oxford DanPhysik, lequel a servi à toutes les mesures depuis 2006.
  • Détecteur de temps de vol "Camera": conception, réalisation et mise en oeuvre d'un détecteur pour mesurer les protons de recul de la réaction DVCS. Ce détecteur de 5 tonnes, de 4 m de long et 2 m de diamètre, basé sur l'utilisation de deux couronnes concentriques de scintillateurs plastique, a été installé autour d'un cible d'hydrogène de 2.5m de  long en 2012, ce qui a permis de prendre les données DVCS en 2012, 2016 et 2017.

 

 

Les responsabilités du DPhN au sein de la collaboration COMPASS

Porte-parole de l'expérience: 2003 - 2015

Coordination d'Analyse: 1999- 2001; 2010 - 2012, 2014 - 2017

Sous-groupes de physiques (DIS, GPD): 2002 - 2017

Coordination technique: 2003 - 2006, 2014

Comité de publication: 2001 - 2017

Publications majeures

Quark Helicity Distributions from Longitudinal Spin Asymmetries in Muon-Proton and Muon-Deuteron Scattering, Phys. Lett. B 693 (2010) 227-235

Leading order determination of the gluon polarisation from DIS events with high-pThadron pairs, Phys. Lett. B 718 (2013) 922

Leading and Next-to-Leading Order Gluon Polarisation in the Nucleon and Longitudinal Double Spin Asymmetries from Open Charm Muoproduction, Phys. Rev. D 87 (2013) 052018

The COMPASS-II Proposal, CERN-SPSC-2010-014

 
#392 - Màj : 19/12/2017
Voir aussi
  La diffusion Compton profondément virtuelle (DVCS), dont le diagramme est représenté ci-contre, est le plus simple des processus exclusifs durs liés aux Distributions de Partons Généralisées (GPD)s : la diffusion d'un électron sur un proton par échange d'un photon de virtualité Q2 et la réemission d'un photon réel par le proton dans la voie finale.
Mesure des TMDs (Transverse Momentum Dependent parton distribution functions)
  Processus Drell-Yan polarisé et distributions de partons dépendant du moment transverse (TMD) dans le nucléon Grâce à l’utilisation conjointe d’un faisceau de pions de haute énergie et d’une cible de nucléons polarisés transversalement, COMPASS est la première expérience à pouvoir mesurer directement des événements de type Drell-Yan dépendant du spin.
Application-Specific Integrated CircuitS
Si les chaînes de traitement de données sont devenues majoritairement numériques, les circuits frontaux, convertissant les signaux des détecteurs en grandeurs électriques, restent analogiques.
  La théorie et la phénoménologie au LSN se focalisent sur une meilleure compréhension de la structure des hadrons en quarks et gluons, et des mécanismes des réactions élementaires.

 

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