07 février 2008
Nouvelle technique d'étuvage sur cavité supraconductrice en niobium
Nouvelle technique d'étuvage sur cavité supraconductrice en niobium

Courbes caractéristiques d'une cavité supra-conductrice en niobium massif, montrant l'amélioration des performances après un traitement thermique sous ultra-vide
à 120°C pendant 48 heures.





 Les cavités supraconductrices sont un élément clé des accélérateurs du futur. Un nouveau traitement thermique permettant d’améliorer les performances des cavités supraconductrices en niobium vient d’être mis au point à Saclay. Ce procédé marque une avancée technologique indéniable par rapport à l’ancienne méthode, également proposée par Saclay et largement utilisée depuis plusieurs années dans les autres laboratoires internationaux. Ce nouveau traitement, plus rapide et ne nécessitant pas le maintien sous ultravide de la cavité, est particulièrement adapté à la production en masse de cavités. Il sera donc utilisé dans la préparation des 808 cavités qui composeront l’accélérateur linéaire supraconducteur XFEL. Ce résultat a été présenté à un colloque international à Pékin et a fait l’objet de deux publications.
 


Les nouveaux projets d'accélérateurs linéaires à électrons tels que XFEL (X-ray Free Electron Laser) et ILC (International Linear Collider), sont basés sur l’utilisation de la technologie supraconductrice, économiquement plus avantageuse. Les cavités accélératrices sont réalisées en niobium, matériau supraconducteur en dessous de 9,2 K, et elles sont caractérisées par deux grandeurs physiques :
- le facteur de qualité Q0, proportionnel à l'inverse de la résistance de surface;
- le champ accélérateur Eacc (MV/m).
Pour des questions de coût de construction et de fonctionnement, il faut optimiser la valeur de ces deux grandeurs (Q0 > 1010, Eacc > 30 MV/m).

 

Pour pouvoir atteindre de telles performances les cavités doivent subir plusieurs traitements :
- un recuit thermique à 800°C pour éliminer l’hydrogène présent dans le matériau;
- un polissage électrochimique afin d’obtenir une faible rugosité de surface;
- un rinçage à haute pression avec de l’eau ultra-pure (100 bar - 18 MΩ.cm) pour éliminer toute contamination particulaire (ø > 1 μm);
- un conditionnement de la cavité en salle blanche (classe 10) pour éviter toute contamination de surface.
Malgré tout, lors du test RF de la cavité, on observe au delà de 25 MV/m une augmentation de la résistance de surface (figure 1 – courbe verte). En conséquence la forte chute du facteur de qualité limite le champ accélérateur maximum aux environs de 30 MV/m. L’origine de cette dissipation est à l’heure actuelle non élucidée. L’une des causes possibles pourrait être la présence de lacunes à l’interface oxyde-métal qui, lors du refroidissement de la cavité, deviennent des centres de piégeage pour le champ magnétique résiduel ; les vortex de courant ainsi créés seraient alors la cause des pertes RF non linéaires observées.
Un traitement thermique permet de supprimer la forte dégradation du Q0 et de dépasser la limite des 30 MV/m pour le champ accélérateur: il consiste à étuver la cavité dans des conditions assez strictes, la cavité devant être maintenue sous ultra-vide et portée à 120°C pendant 48 heures. Ce traitement, dont l’effet a été découvert pour la première fois à Saclay en 1998 [1] permet de diminuer les pertes résistives à hauts gradients (figure 1 – courbe rouge). Des champs de 40 MV/m peuvent ainsi être atteints sur des cavités ayant le profil « Tesla », voire même 50 MV/m avec un profil géométrique « Ichiro ». A ces niveaux de champs, les performances de la cavité sont alors limitées par une rupture de la supraconductivité d’origine thermique ou magnétique: le « quench ».

 
Nouvelle technique d'étuvage sur cavité supraconductrice en niobium

L'utilisation de lampes infrarouge permet de réduire fortement le temps de montée en température de la cavité (145°C en 5 mn)

Nouvelle technique d'étuvage sur cavité supraconductrice en niobium

Amélioration des performances RF d'une cavité en utilisant les nouveaux paramètres d'étuvage: 145°C-3h, et l'intérieur de la cavité est sous argon (1 atm).

Depuis plusieurs années, un important effort de R&D est réalisé au niveau mondial afin tenter de comprendre le mécanisme physique conduisant à « l’effet étuvage ». Les expériences successives menées au DAPNIA/SACM ont conduit à considérer comme déterminant la diffusion de l’oxygène interstitiel à l’interface oxyde-métal. Cette diffusion, conséquence naturelle de l’étuvage, permettrait de combler les sites vacants. Cependant, elle doit être parfaitement « contrôlée » : des analyses de surface et des mesures RF, menées conjointement sur échantillons et sur cavités, ont pu démonter qu’une trop forte pénétration d’oxygène dans le niobium dégrade les performances de la cavité [2].

 Avec la double intention de valider à l’échelle macroscopique cette interprétation du phénomène et de simplifier la procédure d’étuvage, les ingénieurs du SACM ont cherché à en modifier les paramètres :
-afin de supprimer la contrainte de mise sous vide de la cavité, celle-ci a été placée en atmosphère sans oxygène, sous une pression d’argon;
-pour réduire le temps d’étuvage à quelques heures, une équivalence température – temps a été trouvée entre 120 °C / 48h et 145 °C / 3h en ne considérant que les paramètres de diffusion de l’oxygène dans le niobium.

 

 

 

Pour réaliser cette expérience « d’étuvage rapide » les ingénieurs ont utilisé un système de chauffage par lampes infrarouge (figure 2) afin de diminuer fortement le temps de montée en température de la cavité (5 mn). La cavité mise sous atmosphère d’argon (1 atm.) a donc été étuvée durant 3 heures à 145°C. La comparaison des figures 1 et 3 montre l’équivalence entre les deux méthodes d’étuvage.

Dernièrement l'«étuvage rapide» a de nouveau été testé sur une cavité au profil « Ichiro ». Ce profil géométrique permet d’atteindre des champs accélérateurs très élevés (~ 50 MV/m). Afin d’optimiser le paramètre temps, la cavité IS8, électropolie au Japon dans le cadre de la collaboration LIA France-Japon, a tout d’abord été étuvée pendant 1 heure. Les résultats en jaune, présentés sur la figure 4, montrent déjà un gain de 9 MV/m. La suppression de la pente à hauts champs n’étant pas totale, un étuvage additionnel de 1 heure a permis de supprimer la pente résiduelle (données couleur rouge) et de déterminer ainsi le temps optimum de 2 heures pour un étuvage rapide à 145°C. Cependant la cavité est toujours limitée à 43 MV/m par la puissance RF disponible, un test supplémentaire devrait nous permettre d’atteindre le champ accélérateur de « quench », limite intrinsèque de la cavité.

Cette nouvelle méthode d’étuvage, a permis de prouver que la diffusion « contrôlée » de l’oxygène interstitiel avait un lien direct avec la suppression de la pente à hauts champs. En outre « l’étuvage rapide » sous atmosphère d’argon, est bien plus adapté à la production en série de cavités. Il devrait donc être mis en œuvre dans le projet XFEL où 808 cavités doivent être étuvées lors de leur préparation.

[1] 6th European Particle Accelerator Conference - Stockholm (1998) / Rapport DAPNIA/SEA/98-33
[2] 13th International Workshop on RF Superconductivity - Pékin (2007) / Rapport DAPNIA/07-198
 
2 publications:
 
B. Visentin "Low, Medium, High Field Q-Slopes Change with Surface Treatments", ICFA Beam Dynamics Newsletter n°39 (2006) p. 94-106. ICFA BD 39 - 2006
B. Visentin et al., "First Results on Fast Baking", Physica C Vol. 441, Issues 1-2, p. 66-69 (2006) Physica C 2006

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Nouvelle technique d'étuvage sur cavité supraconductrice en niobium

Nouveau procédé d'étuvage sur cavité au profil "Ichiro" pendant 2 heures à 145°C (données rouges). L'intérieur de la cavité est sous argon (1 atm).

#2353 - Màj : 07/02/2008

 

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