Depuis plus de 10 ans maintenant, les physiciens et ingénieurs de l’Irfu ont développé à Saclay l’appareillage nécessaire pour l’expérience GBAR, conçue pour tester le comportement de l’antimatière sous gravité terrestre. Une étape importante vient d’être franchie avec le montage au Cern d’une nouvelle source de positons utilisant sur un linac à électrons, et le transport au Cern du système de piégeage des positons construit à Saclay.
La nouvelle source a produit ses premiers positons le 17 novembre 2017. L’installation des pièges est en cours, pour être opérationnels lors de l’arrivée des antiprotons, prévue pour le printemps 2018.
GBAR : une course à la lenteur
L’expérience GBAR a pour but de mesurer l’accélération gravitationnelle exercée par la Terre sur un anti-atome d’hydrogène. Cette mesure nécessite de ralentir cet anti-atome à un niveau jamais atteint pour de l’antihydrogène. La fabrication de ces anti-atomes et leur ralentissement extrême (à des vitesses inférieures au mètre par seconde) nécessite de passer par la création, une première mondiale à venir, de l’anti-ion antihydrogène+ (un antiproton et deux positons). Un tel anti-ion peut être plus facilement piégé, et refroidi par interaction avec des ions plus lourds, eux-mêmes refroidis par des faisceaux laser. Une fois ralenti, l’anti-ion antihydrogène sera neutralisé et, libéré des forces électromagnétiques, ne sera plus soumis qu’à la force gravitationnelle. Il viendra alors s’annihiler sur une paroi de l’enceinte contenant le dernier piège, et les particules issues de cette annihilation seront détectées par des plans de détecteur Micromégas et des plans de scintillateurs.
Le piégeage, clé pour atteindre l’intensité visée
La production de l’anti-ion antihydrogène+ nécessite de disposer d‘une source très intense de positons, objet du projet SOPHI (SOurce de Positons de Haute Intensité) de R&D à Saclay. Cette source est constituée d’un accélérateur linéaire d’électrons, d’une cible où ces électrons produisent des positons, d’un dispositif de tri magnétique, et des pièges pour capter et stocker ces positons. Deux pièges se sont révélés nécessaires pour atteindre l’objectif fixé. L’un venu du Japon (laboratoire RIKEN) a été modifié pour le stockage intense des positons, et le deuxième a été entièrement construit à Saclay, en collaboration avec l’Université de Swansea (Pays de Galles).
GBAR vient au Cern en apportant son accélérateur
L’expérience GBAR a été acceptée en 2012 au Cern, sous le sigle AD9. Elle est située dans le hall de l’anneau décélérateur d’antiprotons (AD) du Cern, et sera la première à être alimentée en antiprotons par le nouvel anneau ELENA construit dans l’AD pour ralentir les antiprotons à une énergie très basse (100 keV). La première étape de son installation est la construction d’une nouvelle source de positons pour GBAR construite sur le modèle de celle de Saclay, avec un linac plus puissant de 9 MeV fabriqué par les collaborateurs polonais de GBAR. Cette ligne alimente les pièges de capture et de stockage de positons, qui viennent d’être transportés au Cern, et serviront à créer un nuage de positronium, état lié électron-positon, dans une enceinte où arriveront les antiprotons d’ELENA. Cette chambre d’interaction vient également d’être transportée de Saclay au Cern.
Vue de la zone GBAR au Cern, avec les pièges, avant leur connexion à la ligne positons. En bleu le piège du RIKEN, au premier plan (avec un blindage violet) la chambre d'interaction avant sa mise en place. En haut à gauche sur une plate forme on voit la base de la cabane abritant les lasers nécessaires à GBAR.
Un démarrage réussi
La ligne de positons a transporté ses premières particules le 17 novembre 2017, et fonctionne comme prévu. Les opérations de réglage et d’optimisation sont en cours, avant que cette ligne soit reliée prochainement aux pièges, qui seront à leur tour reliés à la chambre d’interaction où les antiprotons interagiront avec le positronium.
La production des premiers atomes de positronium est prévue début 2018, ainsi que les premiers antiprotons. Restera à installer le transport des anti-ions antihydrogène jusqu’aux pièges de refroidissement, pendant l’arrêt du Cern en 2019-2020. GBAR fera cette mise au point avec des protons, afin d’être prêt manipuler les antiprotons et à observer la chute libre de l’antihydrogène, une longue route encore à faire.
Contact : Yves Sacquin
Pour en savoir plus, d'autres faits marquants.
• Constituants élémentaires et symétries fondamentales › Interactions fondamentales: tests à basse énergie
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP) • Le Département d'Ingénierie des Systèmes (DIS) • Le Département de Physique des Particules (DPhP) • Le Département des accélérateurs, de cryogénie et de magnétisme (DACM)
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