16 avril 2019
Record du monde : l'aimant Nougat a fonctionné à 32,5 teslas
Record du monde : l'aimant Nougat a fonctionné à 32,5 teslas

Figure 1 – Insert SHT NOUGAT composé de ses 9 double-galettes

 

 

Nougat, l’insert supraconducteur à haute température critique (SHT), fruit d’une collaboration CEA-CNRS, a atteint un champ magnétique central de 32,5 teslas établissant un nouveau record du monde dans le domaine des hauts champs pour un bobinage supraconducteur avec un diamètre utile de 38 mm. Lors de la campagne de tests au laboratoire CNRS/LNCMI de Grenoble, l’insert a atteint deux fois son point de fonctionnement nominal de 30 teslas et a fonctionné plus de 6 minutes au-dessus de cette valeur montant jusqu’à un champ magnétique central de 32,5 teslas dont 14,5 sont issus du seul aimant supraconducteur. Sa technologie de bobinage innovante « Metal-as-Insulation », developpée par l'équipe de l'Irfu du CEA, permet de concilier stabilité de fonctionnement et protection en cas de transition vers l’état résistif (quench).

 

Le champ magnétique est un outil indispensable pour la physique et les infrastructures de recherche associées (champs intenses, lignes de lumière, faisceau de neutrons …) nécessitant des champs magnétiques de plus en plus intenses. Si les aimants hybrides (alliant un aimant résistif interne et un aimant supraconducteur externe) permettent de générer des champs intenses records (jusqu’à 45 T), ils ont un coût énergétique très important et les durées d’expériences sont limitées à quelques heures.

 
Record du monde : l'aimant Nougat a fonctionné à 32,5 teslas

Figure 2 – Champ magnétique central en fonction du champ magnétique créé par les bobines résistives lors des tests de l’insert SHT NOUGAT

Enjeux des supraconducteurs à haute température critique (SHT)

Les électroaimants utilisant des bobinages de supraconducteurs à basse température critique (SBT) comme le NbTi ou le Nb3Sn restent limités à des champs magnétiques maximaux de l’ordre de 23 teslas. La dernière génération de SHT permet d’envisager aux mêmes températures des champs magnétiques de 30 à 50 teslas et ouvre des opportunités à tout un pan de la recherche : spectroscopie RMN, fusion thermonucléaire, lévitation magnétique…

La première caractéristique des matériaux SHT est, comme leur nom l’indique, de pouvoir fonctionner à une température bien plus élevée que les SBT (jusqu’à 93 kelvins pour le TRBaCuO) mais sous des champs magnétiques assez faibles.

Leur seconde caractéristique, bien plus intéressante pour nos applications, est leur très grande capacité de transport de courant à basse température (4-10 kelvins), bien en dessous de leur température critique, sous haut champ magnétique.

 

 

Dans le domaine des champs magnétiques intenses (> 30 teslas), le NHMFL (Tallahassee-USA) étudie depuis 20 ans les possibilités offertes par les conducteurs SHT. Le projet d’aimant utilisateur 32 teslas composé d’un aimant SHT en TRBaCuO isolé de 17 teslas et d’un aimant commercial externe SBT en Nb3Sn de 15 teslas, commencé il y a près de 10 ans, a abouti à une communication médiatique sur internet en décembre 2017. L’ouverture de cet aimant aux utilisateurs a cependant été repoussée compte tenu de problèmes techniques récurrents, principalement dus à l’utilisation de bobinages isolés. Le seul aimant avec un insert SHT ouvert aux utilisateurs est actuellement l’aimant 24 teslas de l’université Tohoku au Japon. Cependant, l’insert original TRBaCuO isolé a dû être remplacé par un insert composé d’un matériau différent  à cause d’un endommagement irréversible suite à un quench.

L’insert SHT NOUGAT a été étudié pour générer 10 teslas sous 20 teslas externes. La génération de ces 20 teslas peut être réalisée par un aimant à bobines résistives, comme nous l’avons fait pour ce projet ou par un aimant supraconducteur SBT commercial, que nous envisageons pour le futur. La nouveauté que nous venons de valider pour la première fois à des champs aussi importants est l’utilisation de la technique de bobinage « à isolation métallique » (MI) en double-galettes pour l’insert NOUGAT qui permet d’éviter tous les problèmes rencontrés avec les bobinages isolés comme au NHMFL ou au Japon. Cette technique alternative consiste en un co-bobinage du ruban SHT avec un ruban métallique, sans isolation et sans imprégnation, permettant une excellente protection contre le quench grâce à la redistribution du courant entre tours et un renfort mécanique supplémentaire nécessaire pour lutter contre les forces magnétiques (Forces de Laplace) très importantes à ces valeurs de champ.

 

La campagne de tests de l’insert SHT Nougat à haut champ s’est déroulée avec succès au CNRS/LNCMI, à Grenoble. L’insert a atteint deux fois son point de fonctionnement nominal de 30 teslas, dont 12 teslas ont été générés par l’aimant SHT seul. L’insert a fonctionné plus de 6 minutes au-dessus de cette valeur avec des paliers à 31 teslas puis 32 teslas et un nouveau record du monde a été établi pour un insert SHT de cette taille (diamètre utile de 38 mm) avec un champ magnétique central de 32,5 teslas dont 14,5 teslas sont issus du seul aimant supraconducteur.

Ce résultat démontre que la technologie SHT à bobinage MI est désormais mature et qu’un aimant générant des champs magnétiques supérieurs à 30 teslas avec un insert SHT est possible. Il ouvre aussi la voie à d’importantes économies d’énergie car cela permet de remplacer partiellement des expériences sur des installations résistives de plusieurs MW par des aimants supraconducteurs de quelques dizaines de kW. L’utilisation de matériaux supraconducteurs permet aussi des gains importants de compacité.

 

Le projet a pu être mené grâce à un financement de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR-14-CE05-0005 'NOUvelle Génération d'Aimants pour la production de Teslas').

actualité NOUGAT de 2018

page de R&D au DACM sur les supras haute température

 

 

Contacts Irfu :

Philippe FAZILLEAU

Thibault LECREVISSE

 

équipe projet:

Xavier Chaud1, François Debray1, Philippe Fazilleau2, Thibault Lécrevisse2 et Jungbin Song1

1LNCMI, CNRS, UGA, INSA, UPS, Grenoble & Toulouse. Le LNCMI est une Infrastructure de Recherche du CNRS qui met à disposition des chercheurs et industriels 3000 heures par an de champs magnétiques continus atteignant 37 T et des champs pulsés atteignant 99 T  pour réaliser des expériences dans des domaines variés de la science. Le LNCMI est membre fondateur du laboratoire européen EMFL (European Magnetic Field Laboratory).

2DACM, IRFU, CEA, Université Paris-Saclay, 91191 Gif-Sur-Yvette, France. Le Département des Accélérateurs, Cryogénie et Magnétisme (DACM) de l’IRFU (CEA) est un laboratoire moteur dans le domaine des aimants supraconducteurs ; un programme de R&D SHT est en place depuis plusieurs années et ses domaines de recherche concernent les aimants d’accélérateurs et les aimants hauts champs.

 
#4587 - Màj : 19/04/2019

 

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