Le projet EUPRAXIA vient de terminer fin 2019 sa phase d'étude de conception avec la délivrance du Rapport de Design Conceptuel (CDR). L'implication forte de l'IRFU, notamment dans le domaine de physique du faisceau de particules, a permis de montrer que des solutions existent pour la réalisation d'un accélérateur à champ de sillage dans les plasmas, avec une qualité de faisceau approchant celle des accélérateurs conventionnels.
L'étude détaillée des mécanismes physiques a pu guider efficacement les simulations numériques, chacune durant plus de 10h sur 2048 nœuds de calcul, pour démontrer que tous les objectifs du faisceau à la sortie peuvent être atteints avec un plasma de longueur 30 cm, de densité électronique 1,1017 cm-3, et un laser de puissance 400 térawatts, d'énergie 50 joules. Des méthodes innovantes ont été mises en œuvre pour pouvoir, sans dégrader le faisceau, l'accélérer et le conduire à travers les deux étages plasma jusqu'à l'utilisateur final. Une analyse des tolérances aux erreurs a permis d'identifier les composants les plus sensibles auxquels un soin particulier devrait être apporté lors de la fabrication et l'installation.
EuPRAXIA (European Plasma Research Accelerator with eXcellence In Applications) est un consortium regroupant 16 membres participants, instituts ou universités européens, et 25 partenaires associés répartis en Europe, Amérique et Asie, ainsi que 5 entreprises privées du secteur laser de puissance. Son objectif est d'étudier puis de construire un accélérateur basé sur les techniques d'accélération par plasma, capable de fournir à des communautés d'utilisateurs sur site un faisceau d'électrons à l'énergie de 1 à 5 GeV, une charge de 30 pC, une émittance et une dispersion en énergie plus petites que 1mm.mrad et 1%, à la cadence de 10-100 Hz, avec une reproductibilité et une fiabilité de qualité "industrielle". Avec ces caractéristiques réunies simultanément, ce projet vise une rupture majeure, scientifique et technique, amenant l'accélération par champ de sillage comme une expérience de physique, à l'accélérateur comme une installation délivrant du faisceau à des utilisateurs.
En traversant une colonne de plasma, un laser de puissance ou un faisceau de particules laisse dans son sillage une cavité millimétrique avec un surplus d'électrons à l'arrière et sur les côtés de cette cavité. C'est le mécanisme de la force pondéromotive. Un paquet d'électrons injecté dans cette partie de la cavité va pouvoir être fortement accéléré et focalisé par les forces de Coulomb résultantes. Typiquement, un laser d'1 pétawatt et un plasma de densité 1016-1019 cm-3 peut engendrer un champ accélérateur jusqu'à 100 GV/m, soit 1000 fois supérieur aux champs produits par les techniques radiofréquences conventionnelles. Potentiellement, cela permettra de diminuer la taille des accélérateurs de plusieurs ordres de grandeur.
Accélération par champ de sillage dans un plasma. La propagation du pulse laser (ensemble de lignes verticales rouges) dans le plasma (fond bleu clair) laisse dans son sillage une cavité (bleu noir) où les électrons sont expulsées dans la partie arrière et sur les côtés (rouge foncé), générant un champ accélérateur due à la force de Coulomb (ligne verte). Des électrons (point rouge foncé) injectés dans cette partie arrière vont être fortement accélérés et focalisés. Image calculée dans le référentiel lié au pulse laser, en coordonnées réduites (kp est la longueur d'onde plasma).
Cette phase de design comporte une série de défis majeurs à relever car l'obtention d'un faisceau de haute énergie, haute charge et haute qualité faisceau simultanément n'a jamais été encore démontré, ni expérimentalement, ni théoriquement. La contribution de l'Irfu sur ces aspects a été déterminante, à travers la responsabilité, la co-responsabilité ou la participation aux workpackages "WP2-Physique et simulations", "WP5-Design et optimisation des lignes de transport faisceau" et "WP15-Diagnostiques" (voir le fait marquant précédent).
Les efforts de l'Irfu étaient concentrés sur les configurations d'accélérateur laser-plasma à deux étages, un premier étage pour optimiser l'injection des électrons et leur accélération jusqu'à 150 MeV et un deuxième étage pour son accélération jusqu'à l'énergie finale de 5 GeV. Des études détaillées ont été entreprises sur les mécanismes physiques agissant sur les profils des champs de sillage accélérateur et focalisant. Cela a permis de guider les optimisations fines effectuées par les simulations numériques, chacune durant plus de 10h sur 2048 nœuds de calcul. On a pu ainsi démontrer que tous les objectifs du faisceau à la sortie peuvent être atteints avec un plasma de longueur 30 cm, de densité électronique 1,1017 cm-3, et un laser de puissance 400 térawatts, d'énergie 50 joules, possédant des caractéristiques bien déterminés.
Grâce à une double compétence sur l'accélération laser-plasma et l'accélération radiofréquence conventionnelle, des méthodes innovantes ont été mises en œuvre pour pouvoir, sans dégrader le faisceau, l'extraire d'un étage plasma, le transporter et l'injecter dans un deuxième étage, ou le transporter vers l'utilisateur final. Enfin, une analyse des tolérances aux erreurs a permis d'identifier les composants les plus sensibles auxquels un soin particulier devrait être apporté lors de la réalisation.
Une collaboration étroite avec les partenaires européens d'EuPRAXIA a conduit à la détermination puis l'optimisation de plusieurs autres schémas d'injection et d'extraction capables d'atteindre les objectifs visés. Dans une étape ultérieure, une analyse de rendement/performance/risque va être entreprise afin de choisir la meilleure configuration d'accélération ainsi que celle des systèmes laser et plasma. S'ensuivra alors une phase d'études techniques plus détaillées pour vraiment amorcer la phase de fabrication et d'installation.
La clôture de cette première phase d'étude de conception marque une étape décisive vers un véritable accélérateur basé sur les techniques d'accélération plasma.
Contact : P. A. P. Nghiem, A. Chancé
Publications :
• Physique et technologie des accélérateurs › Instrumentations et développements pour les accélérateurs
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département des accélérateurs, de cryogénie et de magnétisme (DACM)
• Laboratoire d’'études et de développements pour les accélérateurs (Léda)