Depuis le dévoilement des premières images acquises avec l’IRM 11,7 T installé à NeuroSpin à l’automne 2021, le travail des équipes du CEA-Irfu et du CEA-Joliot s’est poursuivi et s’est notamment concentré sur le développement et la validation expérimentale de leur antenne “home made” dédiée à cet imageur exceptionnel. Car, bien que spectaculaires, les images de potimarron n’étaient pas optimales, acquises avec une simple antenne de validation des équipements. Ce développement constitue une nouvelle prouesse technologique des équipes pour transformer l’aimant hors norme en imageur IRM humain corps entier le plus puissant au monde. Explications avec Alexis Amadon (CEA-Joliot) et Michel Luong (CEA-Irfu).
Réalisation: Marie Oregas, Florence Mousson
Pour construire l’IRM Iseult à 11,7 teslas (T), les équipes du projet Iseult de Neurospin (CEA-Joliot) et de l’Irfu ont dû réaliser de nombreuses ruptures technologiques. Ainsi, une partie du projet a concerné l’antenne, cet élément de l’IRM qui entoure la tête du patient et qui sert à émettre des impulsions RF pour exciter les spins des protons des tissus du patient et à réceptionner les signaux produits en retour et qui contiennent les informations pour construire les images (les signaux « échos » dépendent des propriétés du tissu excité).
« La fabrication d’une antenne dédiée était prévue dès le début du projet. Sans elle, impossible d’avoir de belles images sans artéfact » déclare Alexis Amadon, directeur de recherche CEA responsable de l’équipe instrumentation IRM à NeuroSpin (CEA-Joliot). « En effet, plus la puissance du champ magnétique statique (B0) augmente, plus grande doit être la fréquence des ondes RF utilisées (B1) et plus la longueur d’onde associée diminue ; l’antenne est alors sensible aux propriétés diélectriques du corps humain causant des inhomogénéités du champ B1 » précise le chercheur. « De plus, les différences de susceptibilité magnétique entre tissus augmentent avec l’intensité de B0. L’air se trouvant dans les cavités de la tête telles que les sinus et les oreilles internes devient une source importante d’inhomogénéités locales de B0 à haut champ » poursuit-il. Ainsi, sans correction, les images du cerveau peuvent être déformées, le contraste perdu, et certaines zones assombries.
Pour résoudre le problème des inhomogénéités de B1, l'antenne a été conçue pour fonctionner avec la méthode des points kT (kT-points®) couplée à la transmission parallèle qui sert à produire une excitation homogène à haut champ. « Contrairement aux antennes qui équipent les IRM à bas champ et qui ne possèdent qu’une seule voie de transmission, l’antenne Iseult en comprend plusieurs afin d’envoyer différentes formes d’impulsions d’ondes RF et ainsi optimiser leur interaction avec l'objet à imager » explique Alexis Amadon. A ces voies d’émission s’ajoutent des voies de réception. « Une particularité de notre antenne est que son diamètre est relativement petit pour pouvoir être insérée dans le fourreau de shim prototype que nous avons spécialement conçu pour cet IRM en complément de l’ensemble des bobines correctives déjà fournies par le fabricant Siemens Healthineers pour pallier les inhomogénéités de B0. » précise Michel Luong, expert en instrumentation radiofréquence (RF) de l’Irfu en charge de la conception et réalisation de l’antenne Iseult. « Pour que le tout tienne à la surface de l’antenne, nous avons optimisé la place prise par les multiples voies en imaginant un réseau « miniaturisé » de composants indépendamment contrôlables, à la fois émetteurs et récepteurs, doublé d’un réseau uniquement récepteur » poursuit-il.
Les développements réalisés sont protégés par six brevets portant à la fois sur la nature des résonateurs et sur la manière de les associer, notamment pour réduire la diaphonie entre les résonateurs et pour produire un pilotage optimal des émetteurs à partir de huit amplificateurs de puissance.
Cette nouvelle antenne a fait ses preuves. En effet, après avoir uniformisé l’excitation dans un fantôme sphérique d’Agar de la taille d’une tête, les ingénieurs-chercheurs du CEA ont réussi à acquérir des images d’un cerveau ex vivo sans artéfact. Désormais, « il faut préparer le dossier pour obtenir auprès de l'ANSM l'autorisation de faire des images in vivo chez l’homme » annoncent Alexis Amadon et Michel Luong.
La méthode des points kT consiste à intercaler de petites impulsions de gradient du champ principal entre de courtes impulsions radiofréquence de sorte qu’à l’issue de la séquence de ces impulsions, l’excitation des spins soit uniforme dans tout le volume d’intérêt. Cette méthode a été inventée par Alexis Amadon, brevetée par le CEA, et est sous licence d’exploitation de Siemens Healthineers, leader mondial des IRM. La technique fonctionne d’autant mieux qu’il y a plusieurs canaux de transmission.
Le fourreau de shim prototype a été réalisé par l’équipe pour mettre en œuvre la méthode « Scotch » de correction de l’inhomogénéité de B0 développée par l’équipe (voir actu parallèle)
Pour en savoir plus : Iseult: un fourreau haute-couture pour une antenne d’exception !
Diaphonie : défaut dans la transmission ou la restitution d'un signal, dû à un transfert d'énergie d'un signal sur un autre.
Contact Irfu: Michel Luong
• Détection des rayonnements › Réalisations en réponse aux enjeux sociétaux
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département des accélérateurs, de cryogénie et de magnétisme (DACM)
• Laboratoire d’ingénierie des systèmes accélérateurs et des hyperfréquences (Lisah)