Le spectromètre de COMPASS, constitué d'une cible fixe (en beige en bas à gauche), de deux aimants verticaux (en rouge) et d'un ensemble de plus de 200 détecteurs de traces et de calorimètres. Il se caractérise par une grande acceptance et une haute résolution, en étant capable d'acquérir un grand flux de particules. Les particules diffusées par la cible peuvent être identifiées grâce à un détecteur Cerenkov RICH (en gris) et des filtres à muons.
L'expérience COMPASS (Common Muon and Proton Aparatus for Structure and Spectroscopy) est une expérience de physique des particules se situant sur le faisceau du SPS au Cern, dans la banlieue de Genève. Elle comporte plusieurs thématiques de recherche:
L'expérience COMPASS utilise des faisceaux de muons et de hadrons de 160 à 200 GeV obtenus à partir de la collision sur une cible de tungstène d'un faisceau de protons provenant de l'accélérateur SPS du CERN. Ces faisceaux sont ensuite envoyés sur une cible fixe qui peut être de différents types en fonction du processus qui doit être étudié: cible polarisée grâce à un aimant solénoïdal, cible d'hydrogène liquide, cible solide métallique. La collaboration COMPASS regroupe 26 instituts de 14 pays, dont l'Allemagne, l'Italie, la France, les USA et la Russie.
Plusieurs thèmes sont actuellement étudiés ou l'ont été dans un passé récent:
La tomographie 3D du nucléon (2012, 2016-2017)
De nouveaux concepts théoriques, les distributions de partons généralisées (GPD) ou distributions des impulsions transverses (TMD), permettent une approche bien plus riche de la structure du nucléon, et plus généralement du confinement des quarks dans les hadrons. Les GPDs décrivent les corrélations entre les positions et les impulsions des constituants du nucléon et donnent une cartographie à 3 dimensions encore appelés tomographie du nucléon. Un nouveau programme, COMPASS-II, a été approuvé par le Research Board du CERN en Décembre 2010 et a démarré dès l’année 2012 pour ces 2 axes : étude des GPDs avec les réactions exclusives et étude des TMDs avec le Drell-Yan polarisé.
On accède aux GPDs via des réactions exclusives où l’état final est complétement déterminé telles la diffusion Compton virtuelle (DVCS), le canal le plus prometteur mais aussi la production exclusive de mésons (DVMP). La disponibilité de faisceaux de muons polarisés, avec une charge ou positive ou négative, et une grande énergie de 160 GeV, sont les atouts de COMPASS pour ces mesures.
Le processus DVCS, radiation d’un photon de haute énergie par le proton, est toujours intimement associé au processus Bethe-Heitler (BH), radiation d’un photon par les muons. Ceci constitue l’avantage de cette réaction. L’interférence entre le BH et le DVCS permet d’atteindre l’amplitude du processus DVCS. Les sommes et les différences des sections polarisées pour des muons positifs et négatifs donnent respectivement les parties imaginaire et réelle de l'amplitude DVCS. La partie réelle est entièrement nouvelle et est intimement liée au confinement.
Par ailleurs la haute énergie de COMPASS nous permet de ne pas avoir le processus BH trop dominant, afin d'isoler et mesurer la section efficace du processus DVCS pur. Son évolution en fonction du transfert d’impulsion au proton, mesuré très précisément avec le détecteur CAMERA, nous permet d’accéder à la taille transverse de l’objet sondé. On devrait observer que la taille du proton diminue quand on passe d’une région cinématique où les quarks de la mer et les gluons sont importants vers celle où les quarks de valence sont dominants et plutôt concentrés au cœur du proton.
Le processus Drell-Yan. Un antiquark provenant du faisceau de pion interagit avec un quark de la cible de protons, formant un photon qui produit ensuite une paire de muons
L'étude des distributions transverses de partons dans le nucléon par les processus Drell-Yan polarisés (2015, 2018)
Le processus Drell-Yan consiste en l'interaction d'un faisceau de hadrons, ici des pions, sur une cible de nucléons, ici de protons. Cette cible est dans notre étude polarisée transversalement à la direction du faisceau afin d'étudier les effets de spin. L'interaction Drell-Yan consiste en l'anhilitation d'un antiquark du pion du faisceau avec un quark du proton de la cible, qui forment un photon qui va produire une paire lepton-antilepton, ici une paire de µ+-µ-. (A compléter)
Grâce à l’utilisation conjointe d’un faisceau de pions de haute énergie et d’une cible de nucléons polarisés transversalement, COMPASS est la première expérience à pouvoir mesurer directement des événements de type Drell-Yan dépendant du spin. Le processus Drell-Yan (annihilation d’un quark et d’anti quark en une paire de leptons q q → l+ l-) a été utilisé dans le passé pour étudier entre autres les distributions simples de quarks dans le nucléon. Les faisceaux actuels, la cible polarisée et le spectromètre COMPASS permettent de réaliser des mesures de plus grande précision, et surtout d’accéder aux distributions de partons dépendant du moment transverse (TMDs) des partons. Ces mesures sont tout à fait complémentaires des mesures de TMDs déjà réalisées en diffusion profondément inélastique également à COMPASS. De ce fait, on peut étudier l’universalité des distributions TMDs, un résultat très attendu par les théoriciens. C’est ce qui est entrepris à COMPASS
Dispositif expérimental
Le faisceau de pions de 190 GeV produit les antiquarks (de la région de « valence » du méson pion) qui s’annihilent avec les quarks (également de valence) du proton cible. L’événement Drell-Yan est signé par la création d’une paire de leptons, dans ce cas un muon positif et un muon négatif. Les muons sont très facilement identifiés, étant les seuls à traverser un énorme absorbeur de tungstène et béton. La cible comprend deux cellules où les protons sont polarisés transversalement et dans les deux directions opposées. Des mesures de différentes asymétries azimutales des produits de la réaction, entre les deux cellules, permettent de déterminer simultanément plusieurs TMDs.
Résultats et perspectives
Les premières mesures donnent un résultat très prometteur pointant vers l’universalité des TMDs (publication PRL 2017et Fait Marquant). La prise de données se poursuit en 2018 pour finaliser la mesure. En parallèle, les événements Drell-Yan produits sur différentes cibles nucléaires sont analysés pour étudier la structure interne du pion jusque-là mal connue. La possibilité de produire dans le futur (au-delà de 2023) des faisceaux enrichis en kaons ou antiprotons est à l’étude. On aurait alors accès à la structure en quarks des kaons.
La structure en spin du nucléon (2002-2011)
Pour l'étude de la structure en spin du nucléon, un faisceau de muons naturellement polarisé et d'énergie de 160 GeV est diffusé sur des cibles polarisées dans des directions opposées de deutons (6LiD) ou protons (NH3). La mesure des asymétries de spin permet d'accéder aux distributions de partons polarisées dans le cadre de la diffusion très inélastique. Des mesures antérieures avaient montré que les quarks ne portent qu'une faible part du spin total du nucléon. L'un des objectifs principaux de COMPASS a été l'étude de la contribution des gluons au spin du nucléon.
Pour cela, il faut isoler les évenements où a lieu une fusion photon-gluon (PGF), qui sont sensibles à la distribution des gluons. Deux processus PGF sont étudiés: la production de mésons charmés D0 dont on détecte les produits de désintégration, et la production de hadrons à grande impulsion transverse. Ces études menées depuis 2002 ont déjà conduit à de nombreuses publications, et montrent toutes, dans la limite des barres d'erreur actuelles, une contribution positive des gluons dans la région cinématique mesurée. En parallèle la contribution des quarks au spin du nucléon a été mesurée à nouveau: environ 25% du spin du nucléon provient du spin des quarks, résultat en accord avec les récents calculs en QCD sur réseau.
Les quarks étranges dans le nucléon
Grâce à la luminosité accrue (4. 1032cm-2.s-1) par rapport aux expériences précedentes et l'utilisation d'un détecteur à imagerie Cerenkov, COMPASS permet aussi de déterminer avec plus de précision les distributions de quarks polarisées de la mer à petit x, dont les quarks étranges. Ce volet a également conduit à de nombreuses publications, et permetttra, en combinant les mesures d'asymétries et de multiplicité des pions et des kaons, de déterminer aussi les fonctions de fragmentation des quarks étranges.
Les contributions techniques de l'IRFU
L'IRFU a contribué de façon importante et souvent décisive à la réalisation de détecteurs de pointe pour l'expérience COMPASS, ainsi qu'à la restauration d'aimants supraconducteurs:
Les responsabilités du DPhN au sein de la collaboration COMPASS
Porte-parole de l'expérience: 2003 - 2015
Coordination d'Analyse: 1999- 2001; 2010 - 2012, 2014 - 2017
Sous-groupes de physiques (DIS, GPD): 2002 - 2017
Coordination technique: 2003 - 2006, 2014
Comité de publication: 2001 - 2017
Publications majeures
Quark Helicity Distributions from Longitudinal Spin Asymmetries in Muon-Proton and Muon-Deuteron Scattering, Phys. Lett. B 693 (2010) 227-235
Leading order determination of the gluon polarisation from DIS events with high-pThadron pairs, Phys. Lett. B 718 (2013) 922
Leading and Next-to-Leading Order Gluon Polarisation in the Nucleon and Longitudinal Double Spin Asymmetries from Open Charm Muoproduction, Phys. Rev. D 87 (2013) 052018
The COMPASS-II Proposal, CERN-SPSC-2010-014
• Structure de la matière nucléaire
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP) • Le Département d'Ingénierie des Systèmes (DIS) • Le Département de Physique Nucléaire (DPhN) • Le Département des accélérateurs, de cryogénie et de magnétisme (DACM)
• Laboratoire d'étude mécanique et d'intégration des détecteurs (LEMID) • Laboratoire structure du nucléon (LSN)