Des simulations numériques ‘haute résolution’ réalisées par des chercheurs du Service d'Astrophysique du CEA-Irfu/AIM viennent de révéler que la plus célèbre collision de galaxies, la collision des Antennes, produit beaucoup plus d'étoiles que ne le laissaient penser les observations. Lors d'une rencontre entre deux galaxies, la compression du gaz entraine l'allumage de nouvelles étoiles. Jusqu'ici, il semblait que ces nouvelles étoiles n'apparaissaient que dans les régions de forte densité, principalement vers le coeur de la collision. La reproduction sur ordinateur de la collision, avec une résolution permettant pour la première fois de distinguer les plus petits nuages de gaz, montre au contraire que la flambée d'étoiles se répartit beaucoup plus uniformément à l'intérieur d'une myriade de super-amas d'étoiles dispersés à travers les disques des galaxies. Ce résultat important permet de mieux comprendre pourquoi dans certaines collisions près de 100 à 1000 étoiles par an peuvent apparaitre en même temps. Ces travaux sont publiés dans la revue Astrophysical Journal Letters.
Simulation numérique à haute résolution de la collision de deux galaxies. La simulation reproduit le mouvement du gaz des galaxies sur une durée de 500 millions d'années dans une région de 600 mille années-lumière de côté. Les disques des deux galaxies entrent en collision au bout de 250 millions d'années puis une deuxième fois après 450 millions d'années. Ces collisions provoquent par compression du gaz la formation de nouvelles étoiles à l'intérieur des points lumineux visibles sur l'image. Crédits: CEA-Irfu/SAp-AIM, COAST program. (si la vidéo n'apparait pas, cliquer ici). |
Une galaxie spirale nous apparait comme un vaste disque de plusieurs dizaines de milliers d’années-lumière de rayon, rempli de gaz et de plusieurs dizaines de milliards d'étoiles. Pendant que certaines étoiles vieilles y "meurent", de nouvelles étoiles se forment sans cesse à partir du gaz. Dans une galaxie spirale isolée, en moyenne, chaque année, une masse de gaz assez faible, équivalente à la masse de notre Soleil, est transformée en jeunes étoiles, au cœur de petits nuages denses. Mais lorsque deux galaxies rentrent en collision, la violence de la rencontre décuple la formation de nouvelles étoiles. Le gaz est fortement comprimé et des instabilités déclenchent alors la fabrication de nouvelles étoiles jusqu'à des taux pouvant atteindre 100 voire 1000 masses solaires par an. On parle alors de flambée de formation stellaire.
La plus spectaculaire des collisions de galaxies est celle dite des « Antennes » dans laquelle deux galaxies spirales de la constellation du Corbeau, NGC4038 et NGC4039 à une distance d'environ 62 millions d'années-lumière de la Terre, sont rentrés en contact en développant deux grand bras de gaz comme deux antennes d’insectes. Les astronomes estiment entre 3 et 20 masses solaires par an le taux de formation d'étoiles actuel dans les galaxies des Antennes. Mais ces estimations sont rendues difficiles par la présence de poussière qui absorbent le rayonnement émis par les étoiles, obscurcissant ainsi notre vision des galaxies.
Pour « voir en direct » les effets des collisions, la simulation numérique est un outil précieux car elle permet de modéliser, à l'aide de supercalculateurs, les différents phénomènes physiques qui interviennent. Depuis des années, de nombreuses équipes ont réalisé de telles simulations, mais avec d’importantes limitations. L'idéal est de modéliser dans une même simulation, à la fois l’évolution globale des galaxies, sur des grandes distances de plusieurs centaines de milliers d’années-lumière, tout aussi bien que les petites régions où se forment les étoiles, soit quelques années-lumière seulement. Jusqu’ici, la puissance des supercalculateurs ne le permettait pas encore.
Pour reproduire « les Antennes », les chercheurs du Service d’Astrophysique du CEA ont utilisé pour la première fois une simulation ‘haute résolution’ qui permet de prendre en compte de très petites régions jusqu'à des dimensions de 36 années-lumière seulement. Ils ont alors constaté que des instabilités thermiques et gravitationnelles se produisent dans les disques de gaz lors de la collision. Partout, le gaz s'effondre en une myriade de nuages de gaz froid et dense, chacun développant une formation d'étoiles soutenue, ce qui mène à la formation de super-amas d'étoiles. Cette simulation montre que la flambée de formation d’étoiles n’est pas concentrée mais répandue en de nombreux différents centres.
Comparaison de la concentration du gaz après une collision de galaxies calculée par une simulation à 'basse' résolution (à gauche) et 'haute' résolution (à droite). La dimension correspond environ à 30 000 années-lumière et la densité est graduée en intensité croissante du bleu au rouge. La simulation à haute résolution révèle que la concentration du gaz et donc la formation de nouvelles étoiles est beaucoup "diffuse" que prévue (Crédits SAP/CEA-Irfu, COAST)
Auparavant, les simulations à moins bonne résolution, qui ne distinguaient que des régions de plus de 300 années-lumière, montraient que le gaz dense se concentrait dans les bras spiraux des galaxies avant de « couler » vers leur centre. Il formait alors un noyau de gaz dense très massif, où la formation de nouvelles étoiles devenait très intense. Les simulations ‘haute résolution’ montrent au contraire que la formation d’étoiles n’est pas limitée à un centre mais répartie en une structure étendue et inhomogène, bien mieux conforme à l’image des Antennes telles qu'on les observe. Ce nouveau scénario indique que le taux de formation d'étoiles peut alors être dix fois plus élevé. La comparaison avec un catalogue de galaxies en collision a amené les chercheurs à conclure qu'il y aurait donc deux modes de formation d'étoiles lors de collisions, l'un dans lequel les étoiles se forment de façon concentré vers le centre, l'autre dans lequel cette flambée d'étoiles peut être beaucoup plus "diffuse".
Les futures études numériques qui, lorsque la puissance des supercalculateurs le permettra, modéliseront plus précisément la physique du gaz froid dans des nuages de très petites dimensions, devrait permettre très bientôt de confirmer ce nouveau scénario.
Contact : , ,
Publications :
« The Driving Mechanism of Starbursts in Galaxy Mergers »
Teyssier, Romain (1,2); Chapon, Damien (1); Bournaud, Frédéric (1)
(1) Service d’Astrophysique – Laboratoire AIM, CEA Saclay,
(2) Institute for Theoretical Physics, University of Zürich
publié dans The Astrophysical Journal Letters, Volume 720, Issue 2, pp. L149-L154 (2010),
pour une version électronique ficher PDF
Voir aussi : l’actualité CNRS/INSU
Voir également : - "Anneau de gaz et collision de galaxies" (30 juin 2010)
- "Une nouvelle théorie pour la formation des galaxies" (22 janvier 2009)
Rédaction: D. Chapon, J.M. Bonnet-Bidaud
• Structure et évolution de l'Univers › Evolution des grandes structures et des galaxies Détection des rayonnements Modélisation, calcul, analyse des données
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
• Cosmologie et Evolution des Galaxies • Groupe simulation • Modélisation des Plasmas Astrophysiques