L'édition 2020 de la conférence sur la physique auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHCP) s’est déroulé du 25 au 30 mai 2020. En raison de la pandémie de COVID-19, la conférence, qui devait se tenir initialement à Paris, a eu lieu entièrement en ligne. La collaboration ALICE y a présenté de nouveaux résultats montrant comment les particules charmées – celles qui contiennent des quarks, composants élémentaires de la matière, dits c – peuvent jouer le rôle de « messagers » du plasma de quarks et gluons, qui aurait existé dans l'Univers primordial et qui peut être recréé lors de collisions d'ions lourds dans le Grand Collisionneur de Hadrons (LHC). En étudiant les particules charmées, les scientifiques peuvent en savoir davantage sur les hadrons, particules dans lesquelles les quarks sont liés par des gluons, ainsi que sur le plasma de quarks et gluons, état de la matière dans lequel les quarks et les gluons ne sont pas confinés à l'intérieur des hadrons. Ces nouveaux résultats sont le fruit d’une analyse menée dans le cadre d’une thèse actuellement en cours au DPhN.
La collaboration ALICE a mesuré, dans des collisions d'ions lourds, le flot elliptique (voir FM « Le flot du charme intrigue ») d’hadrons contenant un quark c, lié soit à un quark léger (formant un méson D), soit à un antiquark c (formant un méson J/ψ). Les hadrons contenant des quarks lourds, à savoir le quark c ou le quark b, sont d'excellents « messagers » du plasma de quarks et de gluons formé dans ces collisions. Ils sont produits lors des phases initiales des collisions, avant la formation du plasma, et ainsi, interagissent avec les constituants du plasma tout au long de son évolution, depuis sa phase d'expansion rapide jusqu’à son refroidissement et sa transformation en hadrons.
Lorsque les noyaux lourds n'entrent pas en collision frontale, le plasma s’allonge et son expansion conduit à une modulation principalement elliptique de la distribution de l'impulsion des hadrons (le flot). La collaboration ALICE a constaté que, pour une faible impulsion, le flot elliptique des mésons D est moindre que celui des pions, qui ne contiennent que des quarks légers, et que le flot elliptique des mésons J/ψ [1] est plus faible que celui des deux autres mais peut néanmoins être observé distinctement.
« Ce profil indique que les quarks c lourds sont entraînés par l'expansion du plasma de quarks de gluons, mais probablement dans une moindre mesure que les quarks légers, et que les mésons D comme les mésons J/ψ, à de faibles impulsions, sont en partie formés par la liaison, ou recombinaison, de quarks en mouvement, explique Luciano Musa, porte-parole d'ALICE ».
Une autre mesure réalisée par l'équipe d'ALICE concernant le flot d'électrons issu des désintégrations d’hadrons B, qui contiennent un quark b, indique que les quarks b sont également sensibles à l’allongement du plasma de quarks et de gluons. Les particules Upsilon, qui sont constituées d'un quark b et de son antiquark (et non pas d'un quark c et d'un antiquark c, comme c'est le cas de la particule J/ψ) ne présentent pas un flot significatif [2] (voir FM « L'Upsilon (1S), contre vents et marées »), probablement en raison de leur masse beaucoup plus élevée et du faible nombre de quarks b pouvant se prêter à une recombinaison.
Ces résultats sont illustrés par la figure 1 qui montre le flot elliptique de diverses particules, depuis les pions ne contenant pas de quarks lourds, en passant par les mésons J/ψ, jusqu’aux mésons Upsilon, mesuré par ALICE dans des collisions entre noyaux de plomb au LHC.
Figure 1. Mesure du flot elliptique des pions (croix noire) ne contenant pas de quark lourd, des mésons D (cercle orange) contenant un quark c, des mésons J/ψ (cercle rouge et rose) formés d’un quark c et son antiquark, des electrons provenant de la décroissance de mésons B (carré violet) content un quark b, et des mésons Υ(1S) (carré bleu) formés d’un quark b et son antiquark, dans les collisions de noyaux de plomb au LHC en fonction de l’impulsion transverse pT. Les barres indiquent la taille des incertitudes statistiques, et les rectangles celles des incertitudes systématiques.
Le flot des quarks lourds sera d’avantage étudié avec le lot de données bien plus large qui sera acquis par la Collaboration lors des Runs 3 et 4 du LHC prévus à partir de 2021 et pour lesquels des améliorations du détecteur sont en cours (voir FM « Les puces du nouveau détecteur à muons d’ALICE voient du faisceau pour la première fois »).
[1] ALICE Collaboration, arXiv:2005.14518
[2] ALICE Collaboration, Phys. Rev. Lett. 123 (2019) 192301
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