Les rayons X, particulièrement au delà de 10 keV, sont ceux qui révèlent la présence de matière portée à très haute température et de particules accélérées à des vitesses proches de celle de la lumière. Dans l'Univers, de très hautes températures sont atteintes autour des trous noirs et dans les amas de galaxies. L'accélération de particules est quant à elle produite dans des objets aussi variés que les vestiges de supernova, les étoiles à neutrons et les jets de matière relativiste autour des trous noirs de tout type. Ces thématiques scientifiques constituent les deux objectifs principaux de la mission Simbol-X.
Laboratoire unique pour confronter observations et théories de la physique moderne, l'étude des trous noirs est aujourd'hui l'objet d'une attention toute particulière de la communauté scientifique. Les conditions les plus extrêmes de gravitation qui y règnent, leur effet sur leur environnement, leur rôle dans l'évolution de l'Univers les placent au coeur de nombreuses questions de physique fondamentale et de la cosmologie.
On compte principalement à ce jour deux types de trous noirs, caractérisés par leur masse. Les trous noirs de quelques masses solaires sont le résidu de l'explosion d'étoiles massives en fin de vie et signent dans ce scénario une étape ultime de l'évolution stellaire. Les trois noirs dits « super-massifs », de plusieurs millions à milliards de masses solaires, sont tapis au coeur des galaxies dont notre propre Galaxie, et tracent quant à eux l'histoire et l'évolution de l'Univers. L'existence d'un troisième type, dit de masse intermédiaire (cent à dix mille masses solaires), est également avancée par les astrophysiciens pour expliquer l'émission observée de sources ultralumineuses en rayons X.
En chauffant la matière qui les entoure et en la propulsant parfois sous forme de jets, les trous noirs façonnent leur environnement bien au-delà de leur proche voisinage, ceci sur des des échelles de temps et de distances très différents suivant la masse du système. Véritables pourvoyeurs d’énergie, ils jouent un rôle clef dans la formation et l’évolution des galaxies.
Pour les étudier, les astrophysiciens doivent mettre à profit tout type de leur manifestation et le domaine des rayons X s'avère particulièrement bien adapté. Dévoiler pour la première fois les trous noirs supermassifs des galaxies lointaines, cerner la nature et l'environnement de SgrA*, le trou noir central de notre Galaxie ou décrire les phénomènes physiques opérant dans les couples d'étoiles abritant un trou noir sont ainsi des objectifs majeurs de la mission Simbol-X. Ils sont détaillés ci-après.
Découvert au début des années 60, le fond diffus X extragalactique est longtemps resté une énigme. Si aujourd'hui sa composante au dessous de 10 keV est identifiée comme la somme de l'émission d'une multitude de sources ponctuelles, la situation reste confuse au delà. La répartition en énergie indique un maximum autour de 30 keV, possible signature de l'existence d'une nouvelle classe d'objets, dits très enfouis, invisibles en deçà de 10 keV. Recenser ces objets est l'un des objectifs majeurs de Simbol-X.
A gauche, image du Lockman hole en rayons X, une région du ciel riche en galaxies lointaines (crédit XMM-Newton). A droite la répartition en énergie du fond diffus X extragalactique.
Objet de multiples campagnes d'observations, le centre galactique est aujourd'hui étudié des ondes radio au domaine des photons de haute énergie afin de mieux en cerner la nature. En haut à gauche l'image de la région autour de centre galactique telle que détectée par le satellite XMM-Newton dans la bande d'énergie 8-10 keV. En bas à gauche, une simulation d'observation de Simbol-X de la région délimitée par le carré blanc (champ de 10x10 minutes d'arc) sur l'image supérieure. La même finesse d'image est atteinte mais jusqu'à des énergies bien supérieures (jusqu'à 80 keV). Les observations de Simbol-X permettront de comprendre pourquoi SgrA* , malgré sa masse de trois millions de masses solaires, est étonnamment peu lumineux en rayons X et de résoudre l'énigme de la présence de la composante diffuse très chaude au coeur de notre Galaxie.
Dans les couples d'étoiles dont l'une est un objet dense (trou noir ou étoile à neutrons), la matière de l'étoile compagnon est attirée par l'objet compact et peut être absorbée ou réémise sous forme de jets relativistes selon des mécanismes encore mal compris. Simbol-X étudiera ces phénomènes dans les systèmes binaires de la Galaxie comme les novae X et permettra de sonder pour la première fois des systèmes à très faible luminosité, inaccessibles aux télescopes actuellement en opération.
La sensibilité du télescope Simbol-X permettra également d'étendre l'étude de ces systèmes à des galaxies du groupe local comme M31 (la galaxie d'Andromède) et M33 (image en bas à gauche obtenue par le satellite XMM-Newton).
L'existence d'un troisième type de trou noir, de masse comprise entre 100 et 10000 masses solaires, est évoquée pour expliquer la luminosité particulière de certaines sources X, appelées sources X ultralumineuses (ULX en anglais). Simbol-X permettra d'observer ces sources pour la première fois au delà de 10 keV et de mieux cerner la nature de ces objets dont l’existence et le mode de formation potentiel sont encore très débattus. A gauche une image XMM-Newton de la galaxie NGC4565 et de plusieurs ULX.
De nombreux accélérateurs de particules existent dans l'Univers, des étoiles denses fortement magnétisées aux amas de galaxies. Un siècle après la découverte du rayonnement cosmique, ce flux de particules qui baigne la Galaxie, l'origine des sites de production de ces particules et les mécanismes physiques capables de fournir l'énergie nécessaire pour les accélérer font toujours partie des grandes interrogations. Quelles sont les sources du flux du rayonnement cosmique observé ? Quels sont les mécanismes responsables de l'accélération ? Quelle est la nature des particules ? Jusqu'à quelle énergie ces particules peuvent-elles être accélérées ?
Sous l'effet du champ magnétique présent soit dans l'environnement proche des sources, dans la Galaxie ou à plus grande échelle au niveau intergalactique ou par collisions durant leur périple, nombreux sont les phénomènes physiques qui font que ces particules cèdent une fraction de leur énergie sous forme de photons X. Le domaine spectral couvert par Simbol-X couplé à sa capacité d'imagerie permettra d'aborder le thème de l'accélération des particules dans les objets suivants.
Les quasars et microquasars possèdent des jets de matière propulsés à des vitesses parfois proches de celle de la lumière. Séparer pour la première fois au delà de 10 keV l'émission provenant de l'objet central de celle du jet est l'un des objectifs scientifiques de Simbol-X. Ceci apportera d'importantes informations sur la composition du jet et sur les propriétés de l'objet central. A gauche, l'image du quasar 3C273 et de son jet observé par le satellite Chandra.
Simbol-X permettra d'étudier la physique des pulsars et de leur environnement proche. L'image en haut à gauche est une image du pulsar du Crabe et de sa nébuleuse obtenue par le satellite Chandra sur laquelle est reportée la résolution spatiale de Simbol-X (cercle grisé). Les capacités d'imagerie du télescope couplées à sa résolution spectrale permettront de séparer l'émission du pulsar de sa nébuleuse et de déterminer l'énergie des particules qui s'y propagent.
En bas à gauche, une illustration d'un couple d'étoiles dont l'un des membres est un pulsar ultra-rapide qui dévore son compagnon.
Les restes de supenovae, vestige de l'explosion d'une étoile, figurent en bonne place parmi les accélérateurs cosmiques. Le reste de supernova SN1006 observé par le satellite Chandra met en évidence une structure asymétrique avec des filaments particulièrement brillants en rayons X. En cartographiant avec précision ce type d'objets, Simbol-X permettra de mesurer l'énergie des électrons responsables de cette émission et de déterminer la contribution exacte de ces objets dans la formation du rayonnement cosmique.
Les amas de galaxies sont les plus grandes structures de l'Univers. Contiennent-ils une composante importante de particules accélérées? Simbol-X en les observant au delà de 10 keV permettra de séparer les différentes composantes de l'émission (gaz chaud, groupes de galaxies, particules accélérées..). Cette composante de particules est une information cruciale pour déterminer la quantité de matière noire présente dans l'amas.
Le scénario communément admis de l'émission des noyaux actifs de galaxie reposent sur l'accrétion et l'éjection (sous forme de jets) de matière sur le trou noir central supermassif. Les photons X, et plus particulièrement au dessus de 10 keV, proviennent des régions les plus internes du disque d'accrétion, la où règnent les conditions physiques les plus extrêmes. Simbol-X permettra d'accéder à ce type d'information et d'étudier avec une précision inégalée la variabilité à court terme de ces objets.
Avec Simbol-X, les astrophysiciens bénéficieront également de mesures cruciales dans d'autres domaines de l'astrophysique, comme par exemple, à des distances cosmologiques, celui des sursauts gamma ou encore dans notre propre Galaxie, celui de la formation des éléments chimiques ou des étoiles très jeunes magnétiquement actives.
Simbol-X mesurera la quantité et la distribution spatiale d'un élément clé créé par nucléosynthèse lors des explosions d'étoiles, le Titane 44. A gauche l'image du reste de supernova Cassiopée A observé entre 2 et 8 keV par le satellite Chandra. Au dessous, une simulation du spectre qu'obtiendra Simbol-X en intégrant le signal sur la région délimitée par le cercle rouge sur l'image de Cas A. Les deux raies en émission à 68 et 78 keV, clairement visibles sur cette simulation, signent la présence du 44Ti. Leurs études permettront d'obtenir des informations importantes sur les stades ultimes de l'évolution des étoiles et sur les mécanismes d'explosion.
Les régions de formation d'étoiles sont le siège d'une émission X intense provenant des étoiles jeunes qui s'y forment. Simbol-X permettra de sonder des régions très enfouies dans les nuages moléculaires, d'étudier le plasma entourant ces étoiles ou encore de surprendre leurs violentes éruptions. Image ci-contre : une image obtenue par XMM-Newton de la région de formation d'étoile de Rho Ophiuchi.
L'exploration de l'Univers et de ses nombreuses facettes est une quête qui lie recherche théorique et progrès technologique. Dans ce cadre, l'exploitation de tout instrument de nouvelle génération, dans le cas présent le principe de focalisation allié à la technologie du vol en formation, s'accompagne toujours de découvertes et de surprises. Au delà des objectifs scientifiques déclinés ci-dessus, Simbol-X ne devrait pas déroger à cette règle. Des informations complémentaires sur les objectifs scientifiques sont disponibles dans les comptes-rendus de deux ateliers sur la mission Simbol-X qui se sont tenus l'un à Paris en mars 2004 et le second à Bologne en mai 2007.
Des informations complémentaires sur les objectifs scientifiques de la mission Simbol-X et ses aspects technologiques sont disponibles dans les comptes-rendus de plusieurs ateliers internationaux qui se sont tenus respectivement à Paris en mars 2004, à Bologne en mai 2007 Bologne puis de nouveau à Paris en décembre 2008 à l'Université Paris-Diderot. Ce dernier colloque a réuni près de deux cents scientifiques du monde entier.