L’aimant Iseult de 11,75 T corps entier qui doit être installé à Neurospin en 2017 est la pièce maîtresse d’un système d’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui repoussera les limites de l'imagerie cérébrale. La réussite de ce projet franco-allemand passe par le développement de prototypes qui ont validé les points clés de ce projet ambitieux en dépassant les frontières technologiques actuelles.
Qu’est ce que le projet Iseult ?
L’imagerie par résonance magnétique est un outil de diagnostic et de recherche pour les neurosciences. Dans ce contexte, le centre Neurospin accueillera en 2017 un imageur par résonance magnétique IRM de 11,75 teslas avec une ouverture de 90 cm de diamètre permettant le passage du corps entier d’un patient, et garantissant la meilleure homogénéité du champ magnétique dans la zone d’intérêt.
L’aimant, tout comme l’antenne radiofréquence de transmission et de réception fait l’objet du programme de recherche Iseult en collaboration avec des industriels majeurs du secteur, Guerbet, Siemens et Alstom. Ce projet sollicite des équipes importantes dans les services SACM, SIS et Sédi de l’Irfu.
Les canaux de la bobine 8 T ont été équipés de capteurs de température et de capteurs de pression pour étudier la thermohydraulique des quenchs dans des conditions représentatives de celles d’Iseult.
Les défis d’Iseult
L’aimant Iseult comporte un certain nombre de caractéristiques qui le distinguent des aimants d’IRM conventionnels. Le bobinage principal de l’aimant, pesant 45 tonnes, doit être positionné le plus précisément possible autour du cerveau (à quelques dixièmes de millimètres). Le bobinage est réalisé à partir de plusieurs milliers de kilomètres de fils supraconducteurs en niobium titane bobinés en doubles galettes et parcourus par un courant de 1400 A stable à 0,05 ppm/h. Ce supraconducteur est maintenu à très basse température (1,8 K au dessus du zéro absolu) à l’aide de plusieurs milliers de litres d’hélium superfluide protégés de la température extérieure par une série d’enceintes, telle une gigantesque bouteille thermos.
Le confinement du champ magnétique dans la salle d’examen est réalisé grâce à un bobinage qui génère un contre-champ et annule le champ du bobinage principal à l’extérieur de l’aimant. Pour apprendre à maîtriser ces difficultés, les solutions proposées réclament un plan de développement comprenant, entre autres, la réalisation de prototypes et de stations d’essais spécifiques.
Quant à l’antenne radiofréquence, elle doit permettre une excitation homogène dans une zone la plus grande possible tout en minimisant la puissance dissipée dans les tissus organiques.
La station d'essais Seht
Un ancien aimant de 8 T utilisé au Laboratoire des champs magnétiques intenses (LCMI) de Grenoble a été intégré dans un nouveau cryostat afin de réaliser des tests. Ce prototype appelé Seht (Station d’essais huit teslas) est conçu avec la même technique de bobinage et le même système de refroidissement utilisés sur Iseult. L’utilisation de cette station a été une occasion d’évaluer et de valider les développements faits sur la cryogénie à 1,8K, le circuit d’alimentation électrique, le contrôle-commande et la protection de l’aimant en cas de transition.
L'expérience H0
Un assemblage de 24 double-galettes a permis de démontrer expérimentalement la possibilité de créer un champ homogène de qualité IRM à l’aide de doubles galettes et de tester les procédures d’assemblage prévues sur Iseult. Le champ de cet aimant de 1,5 T a été mesuré en 648 points à l’aide d’un système de sonde RMN ; l’homogénéité mesurée de 300 ppm crête à crête est conforme aux prédictions théoriques.
Mesure de la stabilisation du champ sur H0 par le dispositif associant un limiteur de courant et une résistance de filtrage.
Stabiliser le courant dans l’aimant
La spécification en stabilité de champ de 0,05 ppm/h ne peut être atteinte avec une alimentation en courant stabilisée seule. Un nouveau concept a été développé à l’Irfu pour stabiliser le champ magnétique d’Iseult ; il est basé sur l’association d’un limiteur de courant et d’une résistance de filtrage mis en parallèle de l’aimant et de l’alimentation électrique.
Antenne réseau pour la neuro-imagerie
La formation d’une image en résonance magnétique s’obtient par le traitement du signal de relaxation d’un noyau atomique, généralement celui de l’hydrogène, préalablement excité. Une antenne, parfois appelée sonde, est utilisée pour exciter les noyaux grâce à une onde électromagnétique et recueillir le signal de relaxation. Elle opère à une fréquence qui augmente proportionnellement avec le champ magnétique statique : 128 MHz à 3 T et 500 MHz à 11,7 T.
Débruitage et interpolation d’une carte d’excitation expérimentale par une approche géostatistique sur un fantôme simple dans une antenne réseau à 7 T (à gauche : cartes brutes, à droite : cartes traitées, en haut : débruitage, en bas : interpolation).
Jusqu’à 128 MHz, un résonateur ouvert à accès unique assure cette fonction en garantissant une excitation suffisamment uniforme. Au-delà, l’interaction entre l’onde émise et la matière organique rend l’excitation fortement inhomogène et requiert la mise au point d’une antenne réseau à accès multiple, composée d’éléments de transmission et de réception en nombre égal, avec des contraintes spécifiques : de couplage mutuel entre éléments, de rendement, de cartographie de l’excitation, de stratégie de pilotage, de dépôt de puissance chez le patient, etc. L’antenne réseau offre en effet des degrés de liberté supplémentaires pour retrouver une excitation uniforme à travers d’algorithmes dits de shimming, alimentés par des cartes d’excitation de chaque élément d’antenne.
La simulation numérique par la méthode des éléments finis constitue la base du développement. La validation des concepts est réalisée en étroite collaboration avec le centre Neurospin sur un système d’IRM (Siemens) de 7 T à 298 MHz. Elle fait appel notamment à des fantômes simples simulant le patient avant les tests in vivo. Certains aspects de l’ingénierie tels que la mesure du dépôt de puissance, les effets athermiques potentiels des ondes électromagnétiques sur les tissus humains, la caractérisation des matériaux diélectriques servant à la construction des antennes et des fantômes, sont étudiés en collaboration avec Supélec, l’Institut Fresnel et l’Institut d’électronique et des télécommunications de Rennes (IETR). Un prototype à 7 T avec 8 voies a été construit et validé, parallèlement à la conception d’un modèle à 15 voies. Une méthode innovante pour piloter en transmission une antenne à 15 voies avec uniquement 8 chaînes électroniques a été développée dans un but d’économie et d’efficacité de la cartographie de l’excitation. Ces développements ont donné lieu au dépôt de deux brevets. La transposition de ces concepts de 7 T à 11,7 T pour le projet Iseult est en cours.
• Physique et technologie des aimants supraconducteurs
• Le Département des accélérateurs, de cryogénie et de magnétisme (DACM)
• Laboratoire de cryogénie et des stations d’essais (LCSE) • Laboratoire d'’études des aimants supraconducteurs (Léas) • pas de titre