En collaboration avec l’université de Glasgow (Écosse), des physiciens du DPhN viennent de publier des mesures d’asymétrie de spin de faisceau d’électrons pour le processus de diffusion Compton profondément virtuelle à partir de données collectées avec le spectromètre CLAS12. Cette mesure renseignera sur la position des quarks dans les protons en fonction de leur impulsion liée aux mécanismes de l’interaction forte à l’origine de la stabilité du proton [1].

Le laboratoire Thomas Jefferson (Virginie, USA) abrite l'accélérateur d’électrons « Continuous Electron Beam Accelerator Facility » (CEBAF), qui est l'un des plus intenses du monde pour l'étude des particules élémentaires constituant les protons que sont les quarks et gluons (Figure 1).

EIC est un futur collisionneur électron-ion au Brookhaven National Laboratory (BNL) qui permettra de sonder la structure interne des nucléons et des noyaux avec une précision inégalée.

Le CEA et le DOE entretiennent une longue et fructueuse collaboration dans de nombreux domaines, notamment la fusion, la physique des hautes énergies et la physique nucléaire avec des projets en cours réunissant les deux organismes sur ces différents domaines.

Lundi 13 novembre 2023, le CEA et le DOE ont signé une déclaration d'intention pour renforcer leur collaboration dans le domaine de la science et de la technologie des accélérateurs et des détecteurs, en vue de la construction du collisionneur électron-ion (EIC) basé au Brookhaven National Laboratory.

 

Les nucléons (protons ou neutrons) sont les constituants du noyau des atomes. L’exploration de leur structure interne se fait traditionnellement par la mesure de "facteurs de forme". Ces quantités sont accessibles en étudiant les réactions de diffusion électron-proton et les réactions d’annihilation électron-positron en proton-antiproton (ou la réaction inverse d'annihilation proton-antiproton en électron-positron). Elles définissent la distribution de charge et de moment magnétique à l’intérieur du nucléon, induite par les quarks et les gluons qui les composent.  Il y a dix ans, un modèle théorique donnant une vision originale de ces distributions a été proposée par une collaboration impliquant une physicienne de l'Irfu [1]. Depuis, l'accumulation de données expérimentales a permis de renforcer la validité de ce modèle, capable de donner une image du proton et un scénario pour la formation de matière hadronique  avec une résolution spatio-temporelle encore jamais atteinte. On a accès à des phénomènes à une echelle spatiale au centième de  femtomètre et temporelle de l’ordre de 10-25 s, ce qui est 100 fois inférieur au temps qui met la lumière pour traverser un proton. Ces résultats font l'objet d'une publication récente dans la revue Physical Review C [2].

Une nouvelle méthode permettant l’étude de la déformation des noyaux atomiques vient d’être mise au point en se basant sur le fait, récemment mis en lumière, que les expériences de collision nucléaire réalisées dans les collisionneurs à haute énergie, tels que le collisionneur d'ions lourds relativistes (RHIC) du BNL ou le grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN, sont sensibles à la forme des isotopes mis en jeu dans les dites collisions. Ainsi, une collaboration entre théoriciens des hautes et basses énergies, dont des chercheurs de l'Irfu, a démontré qu'il est possible d'obtenir des informations quantitatives sur les déformations nucléaires et a montré que l'isotope 129Xe présente une forme triaxiale, c'est-à-dire un sphéroïde à trois axes inégaux. Ce résultat représente la première preuve de triaxialité pour un état fondamental nucléaire obtenue dans des expériences à haute énergie. En outre, il ouvre la voie à de futures recherches passionnantes à l'interface de la physique nucléaire de basse et haute énergies.

Les hadrons se révèlent être des particules d’une pudeur inégalée. La communauté scientifique s’attendait à percer les mystères de leur structure tridimensionnelle en termes de quarks et gluons au travers d’un processus expérimental de diffusion Compton. Cependant, une équipe de physiciens de l’Irfu en collaboration avec le centre de recherche nucléaire (NCBJ) de Varsovie, vient de démontrer que ce processus seul ne sera pas suffisant pour mettre en lumière l’organisation spatiale à l’intérieur des hadrons. Ils proposent néanmoins une alternative pour sonder le cœur de ces grands timides en combinant différents processus au lieu d’en exploiter un seul. Les résultats sont publiés dans Physics Review D [1].

Les physiciens du DPhN ont joué un rôle décisif dans la première mesure des paires de nucléons à l'aide d'une nouvelle méthode, qui ouvrira la voie à l'étude des interactions à courte portée dans les noyaux radioactifs.

Les nucléons sont des particules sociales. Non seulement ils aiment vivre en communauté à l'intérieur des noyaux, mais ils forment également des couples au sein de ces communautés. En effet, on peut observer des protons et des neutrons formant des paires à l'intérieur des noyaux. Les physiciens du DPhN ont joué un rôle décisif dans la première mesure de ces paires de nucléons à l'aide d'une nouvelle méthode, qui ouvrira la voie à l'étude de ces interactions étroites (ou à courte portée) dans les noyaux radioactifs. Les résultats ont récemment été publiés dans Nature Physics [Pat21]. L'étude de ces paires de nucléons dans les noyaux radioactifs est l'objectif du projet ANR COCOTIER dirigé par l'Irfu.

Comprendre comment l'interaction nucléaire émerge des constituants de base de la matière est l'un des défis de la physique contemporaine. L'interaction nucléaire entre les nucléons (proton ou neutron) est considérée comme une manifestation de la force forte entre quarks, à travers l'échange de gluons qui maintiennent les nucléons ensemble. Malgré les efforts déployés depuis longtemps, il n'existe pas encore d'interaction nucléaire unifiée permettant de prédire les propriétés de tous les noyaux.

Il est possible de remonter à la forme d’un tambour à partir de ses modes de vibrations. De manière similaire, il est possible de mesurer la structure 3D du proton en ses composants élémentaires, quarks et gluons, à partir de certaines observables accessibles lors d’expériences de diffusion Compton profondément virtuelle sur le proton.  En étudiant ce processus de diffusion, on peut accéder à cette information géométrique. Ce sujet de recherche est très actif et mobilise une importante communauté internationale théorique et expérimentale. Dans le cadre du projet PARTONS (PARtonic Tomography Of Nucleon Software) , des physiciens de l’Irfu et du NCBJ à Varsovie ont successivement accompli deux analyses détaillées en utilisant toutes les mesures associées à ce processus publiées depuis le début des années 2000. Cela représente près de 2600 points de mesure et 30 observables provenant de 6 expériences différentes. Ces travaux, parus dans la revue European Physical Journal C [1, 2], constituent aujourd’hui l’analyse la plus poussée de ces données expérimentales. De nouvelles données, associées à de nouvelles méthodes d’analyse, enrichiront dans le futur la bibliothèque PARTONS ; ces observables (facteurs de forme Compton) permettront de franchir un cap dans la reconstruction de la structure du proton en 3D.

Suite à une série d’expériences réalisées à Jefferson Laboratory (USA) visant à étudier la diffusion élastique électron-proton, il est apparu que les informations sur la structure du proton n’étaient pas cohérentes selon le type d’expérience effectuée. Pour réconcilier ces différents résultats, il a été suggéré qu’un deuxième photon serait échangé pendant l’interaction, au-delà de l’échange d’un photon qui est le mécanisme dominant. L’existence de ce phénomène serait lourde de conséquences, invalidant de nombreuses expériences. La quête d’une preuve expérimentale de l’existence de ce mécanisme a motivé la réalisation de trois expériences, qui ont eu lieu récemment. Nous avons interprété l’ensemble des résultats obtenus et montrons que l’échange de deux photons n’est pas un mécanisme privilégié. D’autres explications, comme un calcul plus précis des corrections radiatives, apparaissent favorisées. Cette étude, menée par deux chercheurs de l’Irfu et de JINR Dubna (Russie), vient d’être publiée dans la revue Physical Review C [1].

Suite à une étroite collaboration entre deux laboratoires du plateau de Saclay, l’IRFU/DPhN et l’École Polytechnique/LLR, des résultats phénoménologiques importants ont été publiés dans une revue à fort impact [1] dans le but de mieux comprendre les effets de la matière nucléaire sur la production de différentes particules dans les collisions entre un hadron (un pion ou un proton) et un noyau. Cette étude s’inscrit dans un projet scientifique plus vaste d’étude des effets nucléaires dans les collisions en cibles fixes (faisceaux de quelques centaines de GeV) jusqu’aux collisions issues des collisionneurs à beaucoup plus haute énergie (faisceaux de plusieurs TeV).

Dans un article publié en février 2019 dans la revue Nature [1], la collaboration CLAS de Jefferson Lab (USA) rapporte la première mesure permettant de mettre en lumière le rôle central des paires corrélées de protons et de neutrons dans la modification de la structure en quarks et en gluons de ces derniers. Cette découverte pourrait avoir d’importantes conséquences depuis les futures expériences neutrinos à longue portée, jusqu’à la structure des étoiles à neutrons.

Dans le cadre du projet de jouvence du spectromètre CLAS en vue de la montée en énergie à 12 GeV du faisceau d’électrons du Jefferson Lab (USA), l’Irfu a mené une R&D pendant plus de 10 ans pour concevoir et réaliser un trajectographe de nouvelle génération, employant des détecteurs Micromegas minces et flexibles qui sont désormais en fonctionnement auprès du nouveau spectromètre CLAS12. Après un an d’installation, ce trajectographe est opérationnel et  remplit les caractéristiques attendues avec plus de 95 % d’efficacité de detection et une résolution spatiale de moins de 100μm. Après une prise de données dédiée pour mesurer les réponses des détecteurs, le nouveau spectrometre CLAS12 est à ce jour en prise de données pour l'experience de physique DVCS auquelle participe aussi l'Irfu et dont l'objectif est la mesure de la structure interne du proton en 3 dimensions. 

Ce projet de trajectographe, issu d’une collaboration étroite entre les départements d’ingénierie et de physique de l’Irfu (le DEDIP, le DIS et le DPhN) est une réussite exceptionnelle et a donné lieu à d’autres  projets pour de nombreuses expériences de physique depuis la chasse aux particules au LHC à l'imagerie muonique des pyramides, ainsi qu’à un transfert de savoir-faire à un industriel.

Dans un article publié en août 2018 dans la revue Nature, la collaboration CLAS de Jefferson Lab (USA) rapporte une étude extensive sur les corrélations de courte portée entre nucléons dans différents noyaux. La conclusion va à l’encontre de l’intuition, indiquant que plus le ratio du nombre de neutrons sur le nombre de protons dans un noyau est grand, plus la vitesse des protons est grande par rapport à celle des neutrons. Ces protons très rapides pourraient être une clé pour comprendre la formation de systèmes ultra-riches en neutrons comme les étoiles à neutrons ainsi que leur coalescence observée pour la première fois il y a un an. Ce phénomène est d’autant plus important qu’il pourrait contribuer à la création des éléments lourds de l’Univers.

Un programme scientifique important est consacré à la structure tridimensionnelle du proton en termes de ces constituants élémentaires, quarks et gluons. Une nouvelle génération d’installations expérimentales, à Jefferson Lab (US), au CERN, et peut-être plus tard auprès d’un futur collisionneur électrons-ions (EIC), devrait permettre de réaliser une tomographie du proton avec une précision inégalée. Le succès de ce programme passe par l’extraction de quantités appelées distributions de partons généralisées (GPD) à partir d’une grande variété d’observables. L’Irfu, en partenariat avec des instituts américain, espagnol et italiens, a franchi une étape décisive en construisant de manière systématique des modèles de GPD obéissant à priori à toutes les contraintes théoriques requises. Ces résultats font l’objet de deux publications dans les revues à fort impact Eur. Phys. J. C.  [1] et Phys. Lett. B [2].

Une étude théorique récente de l’Irfu a permis d’infirmer un mécanisme lié à la matière noire prétendant expliquer l’anomalie de la durée de vie du neutron. En effet, les contraintes fortes, extraites de ce mécanisme, rendent impossible la prédiction théorique des étoiles à neutrons de 2 masses solaires dont on connait pourtant l’existence. Cette étude a été conduite en collaboration avec des physiciens de l’Université d’Adélaïde en Australie, et sera prochainement publiée dans la revue J. Phys. G. Basé sur des calculs théoriques de physique nucléaire, combinés à des observations astronomiques, ce cas illustre bien la fécondité des approches transverses en physique.

Les physiciens de la collaboration Compass au Cern, dont fait partie une équipe de l’Irfu, viennent de publier les résultats d’une mesure sur la structure en quarks du proton [1] pour le moins originale. Cette mesure, attendue depuis longtemps, tend à confirmer l’une des prédictions de la théorie de l’interaction forte, la Chromodynamique Quantique (QCD). En effet, d’après la QCD, une prédiction appelée « factorisation », stipule que la réaction complexe entre deux particules lors d’une collision nucléaire de suffisamment grande énergie peut être séparée en deux contributions : l’interaction elle-même et les fonctions de distribution des quarks à l’intérieur des particules en interaction. Pour examiner le concept de factorisation, les expérimentateurs ont mesuré une même quantité physique, appelée asymétrie, mais en employant deux processus différents : avec un faisceau de muons en premier lieu et avec un faisceau de pions ensuite.  Le résultat est original car paradoxalement, pour confirmer les prédictions de la QCD, les deux expériences doivent fournir des résultats de signes opposés.

A l’initiative de physiciens du DPhN, la collaboration internationale COMPASS au CERN a mené un programme de mesures de haute précision concernant la production de kaons. La méthode a consisté à étudier les kaons chargés négativement K- d’une part, et les kaons chargés positivement K+ d’autre part, afin d’accéder séparément aux quarks et antiquarks étranges impliqués dans la réaction de diffusion d’un lepton sur un nucléon. Ces résultats viennent d’être publiés dans la revue Physics Letters B [1]. Ils contraignent des quantités fondamentales de la structure du nucléon relatives aux quarks dits étranges, et les mécanismes physiques de production de particules composées de quarks étranges. Notamment, on soupçonne les quarks étranges d’être responsables d’une fraction non négligeable du spin du nucléon sans pouvoir l’établir avec certitude ; la connaissance de ces probabilités permettra de progresser sur cette question.

 

L’image dynamique de la structure interne du nucléon s’exprime au travers de facteurs de forme électromagnétiques. La diffusion d’électrons permet de caractériser cette matière, dont la concentration à l’intérieur d’un rayon d’environ 1 fm (10-15 m) est loin d’être uniforme. Cette même matière peut se créer suite à une annihilation électron-positron ainsi que disparaître dans la rencontre avec l’antimatière, lors d’une collision proton-antiproton. De manière remarquable, ce sont les mêmes facteurs de forme qui sont mesurés par les sections efficaces et les distributions angulaires de toutes ces réactions. Ils portent les secrets de la formation de la matière à partir du vide crée par l’annihilation. L’Irfu, depuis les expériences à Saclay (ALS), a participé à plusieurs expériences sur ce sujet, en diffusion (Jefferson Lab, Etats-Unis) et en annihilation (SLAC, Etats-Unis). Une expérience future pourra mesurer de façon précise ces facteurs de forme sur un grand domaine cinématique : l’expérience PANDA (FAIR, Allemagne). Une simulation détaillée prédisant les signaux attendus sur une telle machine a récemment été publiée dans la prestigieuse revue EPJA, qui a choisi de souligner la qualité de ce travail en y consacrant sa couverture. La précision élevée de cette expérience d’annihilation permettra pour la première fois la connaissance individuelle des facteurs de forme électrique et magnétique dans ce régime cinématique.

Des physiciens du service de physique nucléaire (SPhN) membres de la collaboration du Hall A au Jefferson Lab (USA), étudient la structure des protons composés de quarks et de gluons décrite par les distributions de partons généralisées. Pour cela un faisceau d'électrons avec une énergie de plusieurs gigaélectronvolts est envoyé sur une cible d'hydrogène liquide. L'électron interagit avec le proton en échangeant un photon, un grain de lumière, qui va nous dévoiler la structure du proton.

Leader de l’analyse des données, les physiciens du SPhN, en collaboration avec ceux de l'Institut de physique nucléaire d'Orsay (CNRS), ont étudié pour la première fois la probabilité de production d’un pion neutre issu de l’interaction entre le photon et le proton, en fonction de l'énergie de l'électron incident. En faisant la mesure avec 2 énergies incidentes, nous changeons les propriétés du photon et c'est comme si nous observions le proton sous un autre angle. En croisant les deux prises de vue, on obtient une information plus complète sur ce que l'on observe. Pour la première fois au monde, notre résultat indique que l’on accède aux distributions de parton généralisées dites de « transversité », qui demeuraient expérimentalement inaccessibles [1]. La production de pions neutres permet donc de photographier une face du proton qui jusqu'alors nous était cachée.

La collaboration D0, dont le coordinateur de la Physique est un physicien de l’Irfu, vient d’annoncer l’observation d’un tout nouveau tetraquark, assemblage de quatre quarks, appelé X(5568). La famille de ces particules exotiques s’enrichit pour la première fois d’un membre composé de quatre quarks de saveurs différentes : up, down, étrange et beau.  Les résultats de cette analyse ont été soumis à la revue Physical Review Letters en février 2015. Cette découverte ouvre une nouvelle fenêtre sur l’interaction forte qui lie les quatre quarks entre eux et aide les théoriciens à développer les modèles : trois semaines après l'annonce, on compte déjà une vingtaine d'interprétations théoriques publiées sur le site ArXiv.

L’expérience BABAR au SLAC a publié des mesures de section efficace pour la réaction d’annihilation électron-positron en proton-antiproton. Ces données, exprimées en termes de facteur de forme temporel du proton, ont été ré-analysées en fonction de l’impulsion relative des particules sortantes (Phys.Rev.Lett. 114 - 2015). Des structures périodiques, régulières, ont été mises en évidence, comme dans un phénomène d’interférence entre deux sources. L’une des sources provient d’une région spatiale dix fois plus petite que la dimension du proton et porte l’information sur la transition du « vide » à la matière.

Les physiciens de l'expérience Compass au CERN, dont fait partie une équipe de l'Irfu, ont observé une particule inattendue, appelée a1(1420). L'article annonçant cette découverte vient d'être publié dans Physical Review Letters [1]. D'après ses propriétés - masse et nombres quantiques - la nouvelle particule fait partie de la famille des mésons. Comme tous les membres de sa famille, le nouveau méson est une particule composite, constituée des briques réellement élémentaires que sont les quarks. Toutes les particules observées jusqu'ici pouvaient être expliquées par des combinaisons à deux ou trois quarks. Or, les caractéristiques du nouveau méson a1(1420) découvert par Compass ne sont pas compatibles avec une structure en deux quarks: c'est ce qui intrigue les scientifiques de la physique hadronique.

[1] Publication: C. Adolph et al., (COMPASS Collaboration) Physical Review Letters 115, 082001 (2015).  

Rétroconcevoir un hadron, c’est analyser sa structure en quarks et gluons pour exhiber les mécanismes de l’interaction forte. Du fait des créations de paires de particules à toutes les échelles de temps et de distance, le nombre de quarks et de gluons dans les hadrons est variable et arbitrairement élevé. Leur structure est donc décrite statistiquement en termes de distributions. Les Distributions de Partons Généralisées sont celles d’intérêt expérimental actuel qui contiennent l’information la plus riche. Des théoriciens de l’Irfu viennent de les modéliser au moyen de degrés de liberté effectifs construits de manière mathématiquement cohérente à partir des quarks et gluons de QCD. Ces travaux sont publiés dans la prestigieuse revue Physics Letters B (Phys. Lett. B737 (2014) 23 et Phys. Lett. B741 (2015) 190) et concernent pour l’heure le plus léger des hadrons, le pion. Ils seront suivis de la description du proton.

Le groupe de calculs sur réseau du SPhN (T. Métivet et P. Guichon en collaboration avec L. Lellouch du CPT Marseille) vient de franchir une étape décisive en calculant la masse du méson rho et sa durée de vie. Pour cela, ils ont mobilisé les super calculateurs BlueGene-Q de l’IDRIS (France) et du centre de calcul de Jülich (Allemagne), pendant une durée équivalente à 30 millions d’heures-processeur, dans le cadre de la collaboration Budapest-Marseille-Wuppertal (BMW). Les résultats, en accord remarquable avec l’expérience, montrent que les calculs sur réseau peuvent maintenant prédire les propriétés des particules qui se désintègrent par interaction forte.

 

La QCD1 sur réseau permet en principe de prédire tout ce qui est régi par l’interaction forte une fois que les masses des quarks ont été fixées. Cependant il y a loin de la coupe aux lèvres car les calculateurs actuels ne peuvent traiter que des réseaux de petite dimension, ce qui limite les applications à des systèmes très simples. De plus les algorithmes de calcul ralentissent dramatiquement quand les masses des quarks légers approchent leurs vraies valeurs, voisines de zéro. C’est pourquoi l’immense majorité des calculs portent sur les propriétés (masse, taille, etc...) d’un seul hadron (nucléon, pion,...) et en général avec des masses de quarks loin de leurs valeurs physiques. La conséquence la plus néfaste est que le pion, le méson le plus léger, se voit attribuer par le calcul une masse nettement supérieure  aux 140 Mev prévus par la nature, ce qui complique la comparaison avec l’expérience. En effet chaque observable doit être calculé avec des paramètres correspondant à plusieurs masses de pion et ensuite extrapolée vers la valeur physique de 140 Mev.Cette procédure, dite "extrapolation chirale" est le pain noir des latticistes (lattice mot anglais pour réseau).

Une autre difficulté évidente, est que la taille finie du réseau empêche les particules de s’éloigner indéfiniment les unes des autres, ce qui arrive pourtant aux produits de désintégration d’une particule instable. Si la masse des quarks était très grande toutes les particules seraient stables et on pourrait comparer directement les calculs à l’expérience. Mais les particules qui intéressent les physiciens nucléaires contiennent des quarks légers, ce qui les met dans la pire des situations : la petite masse des quarks ralentit  terriblement le calcul et de plus rend instable la plupart des particules ! La physique nucléaire serait donc inaccessible aux calculs de QCD sur réseau? Les résultats que nous présentons ci-dessous montrent que ce n’est pas le cas.

 

Le concept de Distributions de Partons Généralisées (GPD) s’est avéré dès son introduction un outil performant pour l’étude de la structure des protons et neutrons (nucléons). Les quarks et les gluons, désignés sous le terme de partons, sont les constituants élémentaires du nucléon et sont soumis à l’interaction forte. Un des enjeux de la physique moderne consiste à reconstruire les caractéristiques bien connues des nucléons (masse, spin, etc.) à partir des propriétés fondamentales de leurs constituants élémentaires. Le Service de Physique Nucléaire de l’Irfu est un des acteurs majeurs au niveau mondial des études théoriques et expérimentales des GPD. Ces distributions, accessibles au travers de réactions exclusives (où toutes les particules de l’état final sont détectées) à haute énergie, rendent possible une représentation tridimensionnelle du nucléon. C’est une fenêtre ouverte sur la dynamique quantique et relativiste de particules assujetties au confinement, une des caractéristiques essentielles et encore énigmatiques de l’interaction forte. En outre, la connaissance des GPD permettra de clarifier de manière définitive l’origine du spin du nucléon.

Le détecteur Caméra, construit par l’Irfu,  a été mis en place en Septembre 2012.  Il est nécessaire pour mesurer des réactions exclusives auprès de Compass au CERN et il permettra l’exploration de la distribution spatiale des constituants des nucléons par la diffusion Compton virtuelle.

Une équipe commune du service de physique nucléaire et du service des détecteurs, d’électronique et d’informatique de l’IRFU (SPhN et Sédi) a récemment montré que la nouvelle génération de détecteurs Micromegas pouvait être utilisée dans l’air atmosphérique. Grâce à la technologie des pistes résistives mise au point par le CERN, ce détecteur atteint en effet des gains d’amplification de 2 à 5 fois supérieurs à un Micromegas standard. Un premier spectre d’une source radioactive (Fe55) a été obtenu, et une détection de rayonnements cosmiques a été mise en évidence. L’utilisation de ce détecteur sans aucun système de gaz, souvent contraignant, pourrait ouvrir de nouvelles possibilités d’applications, par exemple dans l’imagerie ou la dosimétrie.

 

Les travaux de cette étude ont fait l’objet d’un article accepté en juin à publication dans Nuclear Instruments and Methods in Physics.

 

Contexte


Les détecteurs gazeux ont joué un rôle majeur dans l’histoire de la détection de particules, depuis l’invention de la chambre à brouillard par Wilson il y a un siècle. De nos jours, des chambres proportionnelles multi-fils, des chambres à dérive, ainsi que des détecteurs à micro-pistes équipent la plupart des grandes expériences de physique à travers le monde. L’une des dernières générations de ces détecteurs est le Micromegas, dans lequel l’amplification du signal est réalisée entre le plan d’anode (pistes) et une micro-grille. Ce détecteur présente l’avantage d’être très résistant à des flux de particules élevés, et moins cher que des détecteurs solides type Silicium pour des surfaces beaucoup plus grandes. Ses performances l’ont également rendu attractif pour de nombreuses applications en dehors de la physique fondamentale, comme l’imagerie médicale ou récemment la détection d’incendies de forêts. 

Dans tous les cas, ces détecteurs doivent être remplis avec un gaz approprié, ce qui implique généralement l’installation et la maintenance d’un système de gaz et éventuellement la mise en place de règles de sécurité (afin de parer aux risques d’inflammabilité ou d’anoxie).  En pratique, l’air « simple » n’est jamais utilisé car il ne permet pas une amplification suffisante des charges, en raison de la forte probabilité de recombinaison des électrons avec les atomes d’oxygène de l’air. Une plus grande amplification nécessiterait des tensions électriques plus élevées. Or ce régime est instable et se traduit par l’apparition de claquages entre les bornes du détecteur.

 

 

Des physiciens, ingénieurs et techniciens de l'Irfu mettent au point la prochaine génération de détecteurs de traces de type Micromegas. Les futures expériences de Compass au Cern et de Clas12 au Jefferson Lab apportent de nouvelles contraintes de fonctionnement dont certaines sont telles que les détecteurs actuels ne peuvent les supporter tout en gardant leurs performances. Des tests de détecteurs comportant de nouvelles caractéristiques ont été réalisés sous faisceau au Cern. Les deux objectifs de ces tests ont été atteints : d'une part une réduction des taux de décharges, facteur limitant pour les expériences à haut flux comme Compass et d'autre part la vérification du bon fonctionnement dans des champs magnétiques intenses, nécessité pour les détecteurs gazeux du futur spectromètre Clas12. Plus généralement le développement de la technologie Micromegas est partie intégrante de la stratégie de l'Irfu avec la création récente d'un atelier de fabrication de ces détecteurs.

Le pion, prédit par Yukawa en 1935 et découvert en 1947, est le premier d'une famille de particules appelées mésons, famille qui n'a pas cessé de s'agrandir depuis.  Les mésons ordinaires sont composés d'un quark et d'un antiquark. La théorie de l'interaction forte prévoit également l'existence de mésons plus complexes, appelés exotiques.  Activement recherchés depuis plus d'une dizaine d'années, leur existence n'a pas encore été formellement prouvée. L'expérience Compass au CERN, collaboration internationale dont fait partie une équipe du Service de physique nucléaire de l'Irfu, a mis en évidence un méson exotique lors d'une expérience préliminaire, gage de belles moissons de particules à venir. Le méson observé par les physiciens de COMPASS a une masse de 1660 MeV/c2 (Millions d'électronVolts/c2).  Sa masse, quoique 12 fois plus grande que celle d'un pion, n'a rien d'extraordinaire. Ce sont ses propriétés quantiques qui ont intrigué les physiciens. Interdites pour les mésons ordinaires, ces propriétés indiquent qu'il s'agit bien d'un méson exotique. 

 

 Ces résultats viennent d'être publiés dans la revue Physical Review Letters (PRL 104, 241803, 2010).

Une avancée majeure en physique hadronique

 Le spin est une des propriétés quantiques des particules. Toutes les particules ont un spin. Les nucléons (les protons et les neutrons) qui composent le noyau des atomes en ont un, tout comme les gluons et les quarks dont ils sont faits. Mais en 1989, on a découvert que les quarks ne contribuaient pas autant au spin du nucléon que la théorie le prédisait et aucun mécanisme ne permettait d’expliquer ce déficit. Ce fut le début de la crise du spin, que les physiciens du monde entier tentent de résoudre depuis lors.
Le Dapnia participe à l’effort mondial dans ce domaine depuis la fin des années 80, et contribue très activement à  la collaboration Compass au Cern depuis 2002. Grâce à la précision de leurs données, les physiciens du Dapnia ont pu déduire pour la première fois la contribution des gluons au spin du nucléon, indiquant la fin de la crise telle qu’on la concevait jusqu’à maintenant.

Dix ans d’attente : Les physiciens de la collaboration Compass au Cern n'espéraient plus la livraison de leur nouvel aimant supraconducteur.

Arrivé au Dapnia avec un an de retard pour être testé, cet aimant fabriqué par une société privée se révéla de surcroît affecté par deux avaries majeures qui faillirent mettre définitivement terme au projet.

Il a fallu que les équipes du Dapnia déploient des trésors d’astuces et d’énergie pour réparer l’aimant, le tester, l’instrumenter et le livrer en fin de compte dans les temps.
Le nouvel aimant est opérationnel depuis juillet 2006, et grâce à lui les prochains résultats de l’expérience Compass, à laquelle le Dapnia participe largement, seront encore améliorés.

L’expérience E158, réalisée auprès de l’accélérateur linéaire de Stanford en Californie, a récemment publié un test très précis de l’interaction faible entre deux électrons. Ce résultat repousse un peu plus loin les limites d’une nouvelle physique dont les physiciens recherchent ardemment la première manifestation.

Les quarks sont les composants de base des protons et des neutrons (les nucléons) mais il n’existe encore aucune description théorique complète de la façon dont ces quarks forment la structure interne des nucléons. Les récents résultats des expériences Happex menées auprès de l’accélérateur Cebaf du laboratoire Jefferson (Virginie, USA) apportent un nouvel éclairage sur cette description, en désaccord avec ce que les modèles théoriques proposent. En effet, les quarks « étranges » pourraient contribuer de manière significative à l’une des caractéristiques fondamentales du proton : son moment magnétique.

Les nucléons (proton ou neutron) sont les constituants du noyau atomique, et possèdent tous un spin dont la valeur est ½. Les constituants des nucléons, les quarks et les gluons, possèdent eux aussi un spin, mais la contribution de chacun d’eux à celui du nucléon reste énigmatique. Au Cern, l’expérience Compass mesure ΔG/G(x), la polarisation des gluons dans le nucléon, qui est reliée à la contribution des spins des gluons au spin du nucléon. Compass vient de publier sa première mesure précise de ΔG/G(x) : Surprise, sa trop faible valeur pourrait bien annoncer une nouvelle crise du spin.

Le Dapnia a conçu et réalisé un aimant supraconducteur, avec les systèmes de contrôle et de sécurité associés, pour l’expérience CLAS/DVCS au laboratoire Jefferson (Virginie, USA). Cet aimant, formé de deux bobines et de conception cryogénique originale, vient s’insérer à l’intérieur de l’aimant toroïdal de CLAS, où son intégration magnétique et mécanique a nécessité de résoudre de nombreux problèmes. Testé fin décembre 2004 au service des accélérateurs, de la cryogénie et du magnétisme du Dapnia (SACM), l’aimant a été expédié et installé en février 2005 au centre du détecteur CLAS. L’expérience CLAS/DVCS a pu démarrer comme prévu en mars 2005 et se poursuit avec succès.

En 2003, on observait pour la première fois une particule constituée de plus de deux ou trois quarks. Cette nouvelle particule formée de 5 quarks, le pentaquark θ+, a été mise en évidence par trois expériences au Japon, en Russie puis aux USA et depuis cette date plusieurs expériences tentent de confirmer cette observation. Selon la théorie, l’existence du θ+ implique celle d’autres particules à 5 quarks. L’observation par une expérience d’un autre pentaquark, nommé Φ, dont deux de cinq quarks sont appelés quarks étranges, semblait en accord avec ce modèle. Pourtant dix autres expériences, dont Compass dans laquelle le Dapnia est fortement engagé, ne confirment pas cette observation.

De quelles façons les propriétés des quarks, ultimes constituants de la matière, influencent- elles les composants du noyau atomique, les nucléons ? L’expérience Compass au Cern, qui prend des données depuis 2002, nous livre ses premiers résultats : une évaluation deux fois plus précise de la contribution du moment magnétique intrinsèque des quarks (le spin) à celui du nucléon et une première mesure des effets dits « de spin transverse ».

Pour observer la forme des particules élémentaires, les physiciens utilisent de gigantesques microscopes électroniques, les accélérateurs d'électrons. Mais quand, avec le même appareil, deux observateurs voient deux images complètement différentes du proton, on commence à se poser des questions. Pierre Guichon (SPhN) et Marc Vanderhaeghen (université de Williamsburg) proposent une explication. Parmi les particules élémentaires, le proton joue un rôle central car il constitue, sous forme d'hydrogène, la quasi-totalité de la matière visible de l'univers. C'est aussi, grosso modo, la moitié des constituants des noyaux atomiques, l'autre moitié étant les neutrons. Il est donc bien normal qu'on s'intéresse de près à cette particule qui n'est pas si élémentaire que ça. C'est quand même un petit objet. On sait que son rayon est environ un millionième de millionième de millimètre et donc, pour l'étudier, il faut un microscope électronique à (très) fort grossissement : c'est l'accélérateur d'électrons. Actuellement il n'en existe que deux capables de fournir une image raisonnablement précise. Le vénérable Slac, en Californie et le fringuant Cebaf qui est situé au laboratoire JLab en Virginie. L'Europe, qui en son temps eut un projet ambitieux, se contente d'envoyer des physiciens travailler dans ces installations américaines. Le proton est constitué de particules plus petites dont certaines portent une charge électrique. Quand un électron propulsé par l'accélérateur arrive dans le voisinage du proton, les charges internes de celui-ci l'attirent ou le repoussent plus ou moins selon leurs positions. Ceci perturbe la trajectoire de l'électron et avec un appareil de détection idoine, on détermine la probabilité pour qu'il soit dévié dans telle ou telle direction. On appelle cela mesurer la section efficace de diffusion. A partir de celle-ci on peut alors reconstruire la répartition des charges, ce qui donne une image « électrique » de la forme du proton. Pour que ça marche il faut que l'électron ait une grande énergie, sinon il peut être dévié alors qu'il est encore trop loin du proton pour voir sa structure interne. Une cible ponctuelle, au sens mathématique du terme, produirait le même effet, qu'on appelle « diffusion de Rutherford ». Naturellement celle-ci sert de référence pour dire si une particule est ponctuelle ou non. Le rapport entre la section efficace mesurée et la section efficace de Rutherford définit les facteurs de forme de la particule étudiée. Ils sont la signature de sa structure spatiale et pour le proton il y en a deux : l'électrique, GE, et le magnétique, GM, qui sont fonction de la variable Q2, une combinaison de l'énergie et de l'angle de diffusion de l'électron. Plus Q2 est grand, meilleure est la définition de l'image finale. Comme leur nom le suggère, GE dépend de la distribution spatiale des charges électriques tandis que GM dépend de la distribution de la magnétisation. Celle-ci est crée, comme dans un électro-aimant, par les courants électriques qui circulent à l'intérieur du proton. Ces deux facteurs de forme recèlent donc des informations fondamentales et c'est pourquoi des efforts importants ont été, et sont encore, consacrés à leur détermination expérimentale par la diffusion d'électrons de haute énergie. La méthode de mesure repose sur l'approximation d'échange d'un seul photon. En gros l'électron incident émet un photon virtuel qui est absorbé par la particule cible. On peut alors montrer que la probabilité de diffusion est une combinaison linéaire de GE et GM. En variant l'énergie du faisceau et l'angle de diffusion à Q2 constant, on change les coefficients de cette combinaison, ce qui permet d'extraire GE et GM. Cette méthode, dite de Rosenbluth, a été la seule praticable à grand Q2 jusqu'à l'avènement des faisceaux d'électrons polarisés au JLab.

 

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