Une équipe de chercheurs du Service d'Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-IRFU, vient d’apporter de nouvelles informations sur le cycle d’activité de 11 ans du Soleil. En effet, l’activité solaire, marquée notamment par le nombre de taches à sa surface, a changé de façon significative au cours des deux derniers cycles. Après un long et faible minimum à la fin du cycle 23, le cycle 24 contraste avec les cycles précédents par son activité réduite. L’étude des oscillations internes du Soleil, mesurées par l'instrument GOLF à bord du satellite SoHO sur plus de 18 ans a permis de montrer que seules les couches externes sous la surface ont été modifiées au cours du cycle 24, et que les caractéristiques magnétiques et structurelles des couches plus profondes sont restées comparables aux cycles précédents. Ces résultats sont publiés dans la revue Astronomy & Astrophysics de juin 2015.
L’observation du nombre de taches à la surface du Soleil montre que son activité magnétique varie avec un cycle de durée approximative de 11 ans. Bien que l’intensité de l’activité diffère légèrement d’un cycle à un autre, l’activité magnétique du Soleil a fortement diminué à partir du minimum du dernier cycle en 2007. Apres une longue période sans tache, l’activité solaire a repris sa variation cyclique mais avec une intensité 30% plus faible que pour les cycles précédents. Le cycle actuel, dont le maximum a été atteint en avril 2014, est l’un des plus faibles au cours des 100 dernières années. L’origine de cette forte diminution de l’activité de surface du Soleil intrigue les chercheurs qui tentent de comprendre son lien avec les variations du champ magnétique générées à différentes profondeurs sous la surface du Soleil par les forts mouvements de convection.
La convection turbulente génère des ondes acoustiques dont les caractéristiques sont directement reliées aux propriétés internes du Soleil. L’étude précise de ces oscillations - ou héliosismologie - est l’unique façon de sonder l’intérieur du Soleil aux différente profondeurs. Elle permet également de fournir des indications précises sur le champ magnétique des dernières couches du Soleil.
Les trois derniers cycles de 11 ans d'activité du Soleil, mesurés par le nombre de taches à la surface, montrent très nettement la diminution apparente de l'activité solaire lors des derniers cycles. L'origine de ces variations qui pourraient avoir un impact éventuel sur le climat terrestre ne sont pas encore totalement comprises. Crédit NASA
Les astrophysiciens du CEA ont utilisé 18 ans de données heliosismiques continues obtenues par l'instrument GOLF (Global Oscillations at Low Frequencies) à bord du satellite SoHO (Solar and Heliospheric Observatory ou Observatoire Solaire et Heliosphérique) de l'agence spatiale européenne ESA et américaine NASA, en orbite autour du Soleil depuis le 2 Décembre 1995. Ces observations couvrent entièrement le cycle solaire 23 et la phase montante du cycle 24 jusqu’à son maximum en 2014. L’instrument GOLF mesure les variations à la surface du Soleil dues aux oscillations de l’ordre de quelques cm/s à quelques dizaines de cm/s. Ces ondes, dont les fréquences sont sensibles à l'activité magnétique du Soleil, permettent d’étudier en détail le cycle magnétique de 11 ans de la même façon qu’il peut être fait pour d’autres étoiles. De plus, chaque mode d’oscillation, c.a.d chaque fréquence, sonde différentes profondeurs du Soleil.
En étudiant individuellement différentes gammes de fréquence, il est donc possible de mesurer l’évolution temporelle du champ magnétique des couches externes du Soleil en fonction de la profondeur. Dans cette étude, les chercheurs ont pu étudier cette évolution de la surface jusqu’à environ 3000 km de profondeur. Ils ont montré que le cycle 24 est bien 30% plus faible magnétiquement dans les couches peu profondes du Soleil c'est à dire à moins de 1400 km de la surface. Cette valeur correspond bien aussi à la diminution observée à la surface même du Soleil, déterminée par exemple par le nombre de taches solaires ou l'intensité de l'émission d'ondes radio du Soleil. De plus, cette étude montre que les cycles solaires 23 et 24 sont magnétiquement comparables dans les couches plus profondes que 1400 km. Ceci implique que les phénomènes physiques responsables de la diminution de l’activité solaire de surface observée depuis près de 10 ans ont pour origine les couches superficielles du Soleil.
Variations au cours du temps des différentes fréquences d’oscillations du Soleil (modes de degré l = 0, 1, et 2) correspondantes à différentes profondeurs sous la surface: à 2400 km (gauche), à 1400 km (au centre) et à 760 km (à droite). La variation de ces fréquences en fonction du temps est comparée au niveau d'activité du Soleil représenté ici par son émission d'ondes radio (courbe rouge). Ces mesures montrent que le cycle 24 est 30% moins actif dans les couches peu profondes, alors que le magnétisme et la structure du Soleil est reste identique entre les cycles 23 et 24 à de plus grandes profondeurs. Crédit CEA
Les mesures collectées par l’instrument spatial GOLF depuis plus de 18 ans à ce jour constitue une base de données unique et inégalée pour l’étude de l’intérieur du Soleil mais aussi de son magnétisme. Avec la prolongation réente de la mission, les chercheurs ont l’espoir d’obtenir 22 ans de données correspondant à l’observation continue du Soleil pendant 2 cycles solaires complets. Les tables de fréquences annuelles des modes d’oscillations solaires de bas degrés extraites lors de l’analyse des données GOLF effectuée dans cette étude sont maintenant rendues accessibles a l’ensemble communauté scientifique au Centre de Données astronomiques de Strasbourg, ainsi que sur le site internet du projet GOLF au Service d’Astrophysique du CEA, également accessible à partir de la NASA et de l’ESA.
Ce succès est le fruit de l’engagement financier constant de l’agence spatiale européenne ESA, américaine NASA, et française CNES. En plus des tables de fréquences, les indicateurs d’activité magnétique solaire obtenus à partir des variations temporelles des fréquences d’oscillations et des fluctuations temporelles des vitesses radiales sont également disponibles sur le site du projet au CEA. Ils permettent un suivi précis de l’activité solaire, au même titre que d’autres indicateurs comme le nombre de taches solaires ou le flux radio. Ces indicateurs magnétiques sont aussi disponibles sur le site du projet FP7-SPACE “Exploitation of Space Data for Innovative Helio- and Asteroseismology” (SpaceInn) initié par l’Union européenne et dont le SAp fait partie. L’ensemble de ces données seront mises à jour régulièrement afin de pérenniser l’apport sans précèdent à la physique solaire du projet GOLF.
Contact : David Salabert
« Seismic sensitivity to sub-surface solar activity from 18 yr of GOLF/SoHO observations»
David Salabert (1), Rafael A. Garcia (1), Sylvaine Turck-Chièze (1)
(1) Laboratoire AIM, CEA/DSM-CNRS, Université Paris 7 Diderot, IRFU/SAp, CEA Saclay
publié dans Astronomy & Astrophysics, Volume 578, June 2015, A137
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voir aussi : Les étoiles tournent moins vite avec l'âge (01 janvier 2015)
: Les jumeaux du Soleil (09 juillet 2014)
: Voir tourner le coeur des géantes (07 décembre 2011)
: Palpitations de stars (08 avril 2011)
: Des astronomes prennent le pouls d’une étoile géante (17 mars 2011)
- L'instrument GOLF (modèle de qualification) est actuellement visible dans l'exposition "2015 : l'Odyssée de la Lumière" à la Cité des Sciences (La Villette, Paris) du 22 mars au 1 Novembre 2015
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