Au début des années 1960, les programmes spatiaux des deux grandes puissances, Mariner pour les États-Unis et Luna pour l’URSS, ont montré l’existence d’un flux supersonique de particules ionisées, le “vent”, dans le milieu interplanétaire. L’existence du vent avait été prédite quelques années plus tôt, en 1958, par Eugène Parker, qui l’introduisit comme une solution élégante, quoique dérangeante à l’époque, pour expliquer la différence de pression entre l’atmosphère du Soleil et le milieu interstellaire. En effet, juste au-dessus de la surface du Soleil (la photosphère) qui possède une température de 6000 degrés, se trouve un gaz d’hydrogène ionisé (plasma) beaucoup plus chaud dépassant le million de degrés. La pression intense qui règne dans cette région (appelée la couronne) expulse le plasma solaire vers l’extérieur. Les particules acquièrent rapidement une vitesse qui dépasse les 500 km/s, le vent devient alors supersonique. Il s’étend dans toute l'héliosphère, qui définit la zone d’influence magnétique du Soleil. Avant de rencontrer le milieu interstellaire, le vent redevient subsonique et créé ce que l’on appelle le choc terminal à environ 100 unités astronomiques (1 UA = la distance Soleil-Terre). La fin de l’héliosphère est caractérisée par l’héliopause où la pression cinétique du vent rentre en équilibre avec la pression thermique très faible du milieu interstellaire.
Figure 1. Structure du vent solaire et de l’héliosphère. Tandis que le choc terminal est à symétrie sphérique, l’héliopause à une forme allongée vers l’arrière telle des cheveux soumis aux vents du milieu interstellaire.
Le Soleil est donc en équilibre dynamique avec son environnement, et perd de la matière tout au long de sa vie. Il en est de même pour toutes les étoiles de type solaire, c’est-à-dire les étoiles qui possèdent une enveloppe convective et qui sont donc capables de générer un champ magnétique (voir dynamo). C’est en effet l’énergie magnétique, injectée depuis la photosphère qui permet le chauffage de la couronne. Si la perte de masse associée au vent est relativement négligeable tout au long de la vie de ces étoiles, ce dernier exerce une influence considérable sur leur rotation.
Le plasma stellaire qui constitue le vent est couplé avec le champ magnétique de l’étoile jusqu’à ce que sa vitesse dépasse la vitesse d’Alfvén, définissant ainsi le rayon d'Alfvén. Ce dernier agit comme un bras de levier qui amplifie la perte de moment cinétique (proportionnelle au rayon d’Alfvén au carré). Les mesures de la rotation des étoiles montrent que les étoiles, qui tournent plus vite lorsqu’elles sont jeunes, ralentissent et convergent sur une loi dite de Skumanich (le taux de rotation est proportionnel à l’inverse de la racine de l’âge de l’étoile, voir figure 2). Les propriétés de l’étoile et notamment leur champ magnétique sont affectées par ce freinage. On a donc affaire à un processus couplé pour lequel il est nécessaire de considérer de nombreux types d’observations afin d’en comprendre le fonctionnement en détail.
Figure 2. Taux de rotations mesurés dans des amas stellaires, La séquence principale (MS pour Main Sequence en anglais), est caractérisée par le freinage rotationnel du au vent. Les couleurs correspondent à des taux de rotation initiaux différents. On voit que toutes les étoiles convergent sur la loi de Skumanich lorsqu’elles vieillissent.
Nos travaux utilisent des simulations magnétohydrodynamiques (MHD) pour modéliser la couronne de ces étoiles couplée au champ magnétique créé dans l’intérieur stellaire. La figure 3 montre dans une vue en coupe l’influence de la topologie (ou géométrie) du champ magnétique sur la structure de la couronne et sur le rayon d’Alfvén (en 3D, il s’agit d’une surface). Le vent ouvre une partie des lignes de champ magnétique, mais dans certaines régions la tension magnétique est suffisante pour confiner le plasma dans des boucles coronales fermées dont la forme pointue et étirée rappelle des casques moyenâgeux (d’où le nom que l’on peut parfois trouver d ‘ «helmet streamers »). Ainsi, plus le champ magnétique est intense, plus les boucles sont grandes. De même le rayon d’Alfvén croît avec l’intensité du champ magnétique. En revanche, la complexité de la topologie fait décroître le rayon d’Alfvén et ainsi l’efficacité du freinage. Ce phénomène pourrait être impliqué dans les écarts à la loi de Skumanich lorsque les étoiles dépassent l’âge du Soleil.
Figure 3. Simulations axisymétriques d’un vent stellaire dont la topologie du champ magnétique change d’une configuration simple (dipole, à gauche) à une plus complexe (octupole, à droite). La surface d’Alfvén est indiquée en blanc épais et le fond de couleur représente la vitesse du vent.
Nos modèles de vents sont calibrés sur les propriétés de la couronne et du vent solaire (champ magnétique de surface, taille des boucles coronales, perte de masse), qui sont mesurées en continu par de nombreuses observatoires au sol et dans l’espace. Pour appliquer ces modèles à d’autres étoiles de type solaire, on utilise des observations spectro-polarimétriques (Zeeman Doppler Imaging, ZDI) du champ magnétique de surface de ces étoiles comme conditions limites de nos simulations. Le chauffage et la température de la couronne sont eux inspirés d’observations de la perte de masse des étoiles, déduites grâces aux absorptions de l’hydrogène du milieu interstellaire au niveau du choc terminal. La figure 3 montre le résultat d’une simulation 3D du Soleil, et d’une étoile beaucoup plus jeune, HII 296 (250 millions d’années). La surface d’Alfvén de l’étoile jeune est beaucoup plus étendue que celle du Soleil, car elle dispose d’un champ magnétique beaucoup plus intense, et ce malgré un vent plus rapide. Les simulations permettent également de caractériser des processus d’accélération du vent, comme l’effet magnéto-centrifuge dû à la forte rotation de l’étoile jeune, qui n’existent pas dans le vent solaire.
Figure 4. Simulations 3D du Soleil (à gauche) et d’une étoile jeune (à droite). La surface d’Alfvén est représentée en beige, tandis que les lignes de champ magnétiques sont colorées selon leur polarité (rouge si positive, bleu si négative).
Voir aussi les pages suivantes : DYNAMO, STELLAR EVOLUTION