Figure 1 : Lorsqu'une étoile peu brillante (ici en mauve) s'interpose entre une étoile lointaine (en jaune) et le télescope terrestre, elle peut concentrer la lumière de l'étoile lointaine. Il y a alors formation de deux images, tellement proches que l'observateur terrestre ne peut les séparer. A cause de ce phénomène, on reçoit plus de lumière de l'étoile lointaine. La courbe représente la variation de la lumière reçue de l'étoile sur plusieurs mois.
Voici maintenant 20 ans, Paczy?ski suggère de rechercher la matière noire de notre Galaxie par la technique des microlentilles gravitationnelles. Si cette matière noire est sous forme d’astres sombres situés dans un halo sphérique nimbant le disque de notre Voie Lactée, lorsqu’un de ces astres s’interpose entre un observateur terrestre et une étoile lumineuse située hors de la Galaxie, il défléchit et focalise la lumière de l’étoile lointaine sur le télescope terrestre (voir figure 1). Cet effet de loupe est dû à la déflexion des rayons lumineux par la matière, prédite dans le cadre de la relativité générale d’Einstein (Einstein est d’ailleurs le premier à avoir étudié le phénomène de lentille en 1912, même s’il n’a publié ce travail qu’en 1936 !). Dans le cas qui nous intéresse ici, au fur et à mesure que l’astre sombre se rapproche puis s’éloigne de la ligne de visée de l’étoile lointaine – avec une vitesse comparable à celle du Soleil (200 km/s) –, on voit croître puis décroître la luminosité apparente de l’étoile. Cette variation de luminosité peut durer de quelques heures, si l’astre sombre a une masse comparable à celle de Mars, à quelques mois si la masse est comparable à celle du Soleil. La variation est d’autant plus importante que l’alignement entre astre sombre et étoile lointaine est précis, et sa forme est prédite par la théorie d’Einstein.
Figure 3 : Fraction f du halo en fonction de la masse des machos. EROS n'a
observé qu'un événement vers le SMC. MACHO a observé 15 candidats vers le LMC et 2 vers le SMC. Le domaine sous la ligne épaisse (tiretée) représente la zone de ce diagramme autorisée par les données du LMC (LMC+SMC) d'EROS, avec 95% de confiance. Le domaine entouré par la ligne plus fine représente la zone autorisée par le signal de MACHO,toujours avec 95% de confiance. On notera le très faible recouvrement.
Eros et Macho : compatibles ou non ?
Les résultats d’Eros-2 semblent donc clore l’époque des machos. Mais, dans ce cas, comment interpréter les observations du groupe Macho ? Celles-ci sont-elles compatibles malgré tout avec les résultats d’Eros-2 ? Cela n’apparaît pas impossible. Les champs d’observation de Macho et d’Eros sont en effet bien différents : Macho a suivi principalement des étoiles du centre du Grand Nuage – une zone très dense –, alors qu’Eros a observé plus d’étoiles réparties sur une plus grande fraction du Grand Nuage, avec un champ six fois plus vaste. La zone centrale cumule les difficultés : la grande densité d’étoiles y rend les risques de confusion (superposition) d’étoiles plus importants, d’où une interprétation plus délicate des résultats ; par ailleurs, les étoiles variables y sont plus abondantes, d’où un risque de contamination accru ; enfin, les phénomènes de lentille proprement dits, mais dus à des étoiles faibles du Grand Nuage, y sont environ deux fois plus fréquents. On peut imaginer qu’une combinaison de plusieurs de ces difficultés explique l’écart observé entre les résultats des deux groupes. Et, de fait, si l’on ne considère que les observations d’Eros-2 dans des champs surveillés par Macho d’une part, et que les phénomènes de microlentilles affectant des étoiles brillantes observées par Macho de l’autre, le désaccord n’est plus criant.
Par ailleurs, il faut signaler que le savoir-faire acquis dans la construction des caméras d’Eros a permis de construire la plus grande caméra CCD du monde, MégaCam (40 CCDs), installée au télescope CFHT de Hawaï depuis 2003. Elle a permis entre autres une étude de l’accélération de l’expansion de l’Univers via le programme SNLS de recherche de supernovæ.
Rédaction : Alain MILSZTAJN
• Structure et évolution de l'Univers › Univers sombre
• Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP) • Le Département de Physique des Particules (DPhP)