Figure 1 Représentation schématique des observables de polarisabilité mesurant la capacité à se déformer d’une particule composite (ici le pion) sous l’action d’un champ électrique et magnétique
Dans le modèle décrivant l’interaction forte, appelé modèle de perturbation chirale, les mésons (état lié de de 2 quarks) les plus légers, appelés pions, sont les médiateurs de cette interaction entre nucléons (protons et neutrons). La polarisabilité d’un hadron mesure la réponse de celui-ci à une excitation électromagnétique (fig 1). C’est une observable qui fait partie de ses propriétés fondamentales, au même titre que sa masse ou sa charge électrique. Cette théorie de l’interaction forte prédit avec précision cette polarisabilité pour le pion. Elle intrigue les scientifiques depuis les années 1980, car les premières mesures semblaient contredire la théorie. Finalement, le résultat obtenu aujourd’hui correspond étroitement à cette théorie.
L’expérience COMPASS est une expérience dite sur cible fixe. Le faisceau de protons accélérés dans le Super Proton Synchrotron du Cern[1] est projeté sur une cible lourde produisant des particules dont on peut extraire un faisceau secondaire de pions pouvant être projetés à leur tour sur une autre cible, faite de nickel pour cette expérience. Pour extraire la mesure de polarisabilité, les physiciens isolent la réaction particulière où un pion diffuse sous l’effet du champ électrique des noyaux de nickel ; celui-ci n’est pas « détruit » (il reste lié), est dévié et émet un photon. Cette réaction est appelée de façon générale la diffusion Compton (π Z → π Z γ).
Elle est modélisée à l’aide de deux observables de polarisabilité :
électrique (notée α) et magnétique (notée β). En mesurant, sur un échantillon important de 63 000 pions (correspondant à deux semaines de temps de faisceau), l’énergie du photon et la déflexion du pion, les chercheurs ont pu mesurer une combinaison des polarisabilités. Le résultat (fig. 3) montre que le pion se déforme considérablement moins que ce que montraient les mesures précédentes, comme prévu par la théorie de l’interaction forte.
La Collaboration COMPASS, fondée en 1996, comprend 220 physiciens de 12 pays, et enregistre des données au Cern depuis 2002 avec les faisceaux du Super Proton Synchrotron. Avec une dizaine de physiciens présents depuis l’origine, le CEA-Irfu prend une part majeure dans le travail de la collaboration. Ingénieurs, techniciens et physiciens ont conçu ensemble et réalisé des détecteurs de pointe pour l'expérience tels que les premiers détecteurs gazeux à microstructure Micromegas utilisés dans une expérience de haute énergie, des chambres a dérive de très grande taille capables de supporter de très hauts flux de particules et un détecteur de protons de recul entourant la cible.
[1] Le faisceau de pions est un faisceau secondaire, issu de l’interaction des protons du SPS sur une première cible.
Contact : Fabienne Kunne
Figure 4 : Compass est une expérience sur cible fixe au Cern, longue de 60 mètres et comprenant une suite de détecteurs et d’aimants permettant d’identifier et de mesurer les particules produites après interaction sur la cible. Les protons de l’accélérateur du SPS sont envoyés sur une première cible, produisant de nombreuses particules secondaires. Pour étudier les polarisabilités, ce sont des faisceaux secondaires de pions qui sont à leur tour projetés sur une cible. © COMPASS
• Le Département de Physique Nucléaire (DPhN)
• Nucleon Structure Laboratory (LSN) - The internal structure of hadrons