Labo : http://irfu-i.cea.fr/Phocea/Vie_des_labos/Ast/ast_technique.php?id_ast=424
Voir aussi : http://irfu-i.cea.fr/Phocea/Vie_des_labos/Ast/ast_technique.php?id_ast=4248
Ce sujet de thèse s’inscrit dans le cadre de l’expérience NUCLEUS, qui a pour but de mesurer précisément le processus de diffusion cohérente des neutrinos sur noyaux (DCNN) sur la centrale nucléaire de Chooz dans les Ardennes. Bien qu’aux énergies du ~MeV, la DCNN soit le mode prépondérant d’interaction des neutrinos avec la matière, elle est restée très longtemps inobservée à cause de la difficulté à mesurer les faibles reculs nucléaires qu’elle produit. Ce n’est que 40 ans après sa première prédiction que ce processus a été observé pour la première fois en 2017 avec des neutrinos de quelques dizaines de MeV au laboratoire d’Oak Ridge, Tennessee. La première détection du processus sur un réacteur nucléaire reste à faire, notamment parce que les reculs nucléaires correspondants se situent dans une gamme en énergie (~100 eV) difficilement mesurable avec des technologies de détection conventionnelles, mais aussi à cause des conditions de bruit de fond généralement défavorables qu’offre l’environnement d’une centrale nucléaire. La collaboration NUCLEUS travaille ainsi à la conception d’un système de détection utilisant deux réseaux de calorimètres cryogéniques capables d’atteindre des seuils de l’ordre de 10 eV, et entourés par un double système de blindages cryogéniques instrumentés. Cet ensemble de détecteurs cryogéniques sera lui-même protégé par un blindage radiologique externe et par un véto muon pour améliorer l’identification et la discrimination des bruits de fond typiquement présents sur un site expérimental en surface tel que celui identifié à Chooz. Avec ce système, NUCLEUS a pour objectif une mesure précise de la DCNN afin de pousser l’étude des propriétés fondamentales du neutrino ainsi que la recherche de nouvelle physique vers les basses énergies, domaine qui reste aujourd’hui largement inexploré. La DCNN se distingue d’autre part des canaux usuels de détection des neutrinos du MeV (désintégration beta inverse, diffusion neutrino-électron), par une section efficace 10 à 1000 fois supérieure, permettant d’entrevoir à terme une miniaturisation des détecteurs de neutrinos à longue portée. La première phase de l’expérience NUCLEUS déploiera ainsi réseau de calorimètres cryogéniques composé de cristaux de saphir (Al2O3) et de tungstate de calcium (CaWO4) totalisant 10 g de détecteur.
Outre la caractérisation et l’aménagement du site expérimental à Chooz, notre équipe à l’Irfu travaille au cœur des problématiques de bruit de fond à travers plusieurs développements instrumentaux. Le DPhP est notamment fortement impliqué dans la réalisation de l’un des blindages cryogéniques instrumentés de l’expérience, appelé ici véto cryogénique externe. Ce dernier consiste en un arrangement de cristaux de Germanium haute pureté, érigé hermétiquement tout autour des deux réseaux de calorimètres cryogéniques, et opérés en mode ionisation. Ce système de détection jouera un rôle central pour l’indentification et la discrimination des bruits de fond venants de l’extérieur, tels que la radioactivité ambiante ou les muons atmosphériques issus de l’interaction du rayonnement cosmique primaire dans l’atmosphère. L’exploitation des données délivrées par ce détecteur est une entrée naturelle dans l’effort d’analyse des premières données de l’expérience, qui arriveront en 2021/2022 lors de la phase d’assemblage à blanc dans les locaux de l’université technique de Munich, et lors du premier run de physique prévu en 2023 à Chooz.
Le travail proposé dans cette thèse s’articulera donc autour du véto cryogénique externe de l’expérience, avec l’objectif ultime de comprendre et de caractériser finement les bruits de fond dans la région d’intérêt du signal DCNN, entre 0.01 et 1 keV. La priorité en début de thèse sera mise sur la réalisation et la mise en service du véto cryogénique externe lors de la phase d’assemblage à blanc à Munich. Ce travail comprend l’assemblage des différents éléments du détecteur (cristaux, mécanique de support, électronique de lecture, etc.) dans le cryostat de l’expérience, et inclut l’ensemble des tests à mener pour valider le fonctionnement et qualifier les performances de ce détecteur.
Dans un second temps, l’étudiant(e) montera en puissance sur l’effort d’analyse des données de l’expérience en contribuant au développement d’outils d’analyse et de simulation pour exploiter les mesures de bruit de fond et les données d’étalonnage des détecteurs acquises lors de la phase d’assemblage à blanc et lors du premier run de physique. Il (elle) pourra se concentrer sur l’étude d’une source spécifique de bruit de fond externe, et quantifier son impact sur le potentiel de physique de l’expérience. Ce travail nécessitera non seulement une bonne compréhension des processus gouvernant les interactions rayonnement-matière, mais aussi une bonne maitrise de la physique du solide sous-jacente au fonctionnement des détecteurs cryogéniques (par exemple, propagation des phonons). Pour terminer, l’étudiant(e) utilisera les premières données issues du run de physique à Chooz pour mener une étude originale sur la recherche de nouvelle physique avec la DCNN (mesure de l’angle de Weinberg à basse énergie, recherche de nouveaux couplages des neutrinos à la matière, études des propriétés électromagnétiques du neutrino, etc.). Ce travail nécessitera de mettre en place des outils fins de traitement statistique des données, afin d’une part de comprendre l’impact des différentes sources d’incertitudes sur les contraintes obtenues, et d’autre part de garantir la fiabilité des résultats.